PODIUM DE
MARS 2023
Aimez-moi ce soir /
Love Me Tonight (Rouben Mamoulian, 1932)
Délicieuse comédie-opérette donc délicieuse comédie tout court où tout est mis à contribution, alors que nous sommes encore au début du parlant: travail sur le son (l’ouverture percussive), dialogues insolents, trouvailles enthousiasmantes (accélérés, ralentis..), décors inventifs (les escaliers que gravit Maurice Chevalier) et chansons merveilleuses de Rogers & Hart.
Du caviar.
Rain (Lewis Milestone, 1932)
Il y eu trois adaptations du
Miss Thompson de Somerset Maugham, celle-là est absolument remarquable.
Joan Crawford et Walter Huston sont sommitaux. On est frappé par le poids claustrophobique du décor, par la modernité des mouvements d’appareil (je précise que ça date de 1932 et qu’on se croirait chez Tennessee Williams).
Mais surtout, on peine à en croire nos oreilles: l’écriture et les dialogues expriment une colère anti-fondamentalisme qui prend, sans l’ombre d’une ambiguïté, parti pour la catin contre la pudibonderie fanatisée.
Rain est un grand film subversif qui mériterait une copie des grands jours.
Un peuple ( Emmanuel Gras, 2022)
Coup de cœur et affection personnelle pour ce documentaire de 2022, consacré aux Gilets Jaunes, qui s’est inscrit dans ma tête dès que je le vis en salle il y a un an et qui a confirmé la forte impression qu’il me fit en révision sur le replay d’OCS ce mois-ci.
Un peuple, outre qu’il présente une résonance particulière avec ce mois de mars 2023 marqué par la crise politique et sociale que l’on sait, m’a frappé par sa façon de ramener le sujet aux fondamentaux d’un mouvement social vu sous l’angle de la souffrance et de l’espoir plutôt que sous celui d’une colère parfois mal canalisée. Espoir malmené et soumis à l’usure.
Ce documentaire nous fait côtoyer ce peuple des ronds-points avec humanisme, empathie et surtout, un point de vue émotionnel (par moment bouleversant) que l’on ne prend jamais en défaut de complaisance populiste. Une sorte d’idéal documentaire, sobre, discrètement cinématographique dans le placement, au cœur des enjeux, de la caméra.
Pas un grand film mais une œuvre de qualité qui mêle civisme et pertinence formelle.