Sherlock Jr (1924)
Je ne fais que suivre vos conseils, et je regarde mon deuxième Keaton, sans me préoccuper du reste et malheureusement au bout de 3/4 d'heure, c'est fini : ce n'est qu'un moyen métrage
Que j'aurais aimé que
Hearts and Pearls lui permette de résoudre l'énigme, mais le film rêvé (ou revu en rêve, projectionniste il l'a déjà vu) lui permet tout de même de réaliser ses désirs (Keaton lecteur du Dr Freud ou plutôt de Windsor McCay ?) en devenant le plus grand des détectives et, comme le manuel qui guide ses premiers pas (maladroits) de détective dans la réalité, lui permet à la fin de savoir comment déclarer sa flamme. Surtout, le film rêvé lui révèle la vérité, d'où la frustrastion de ne pas le voir résoudre l'énigme dans la réalité, mais sans doute y a-t-il trop de différences entre nos rêves ou leur projection et le réel
. La seule chose raisonnable et efficace à faire, voir le prêteur sur gage, est fait par la jeune fille - le projectionniste n'est sans doute pas assez prosaïque, trop artiste pour avoir une telle idée, et il ne lui reste plus que l'univers de fantaisie du cinéma et de ses rêves pour accomplir ses désirs, avec la possibilité de s'en inspirer pour réaliser maladroitement ce qui est sublimé à l'écran (à la fin, le contraste entre ce qu'il voit et ce qu'il fait est délicieux).
Le dédoublement et l'entrée du projectionniste rêvé dans l'écran est un moment magique, au début il échoue à entrer dans le film (la difficulté de s'adapter à la technique ?) : les décors se dérobent en se succédant de manière cartoonesque (cela me rappelle un Looney tunes avec Daffy Duck à qui il arrive la même chose). Le film devient enfin un véritable film d'aventure digne de James Bond dans la course poursuite (la bande son du Kino le cite d'ailleurs) - là encore, comme
Le mécano de la General cela se laisse regarder au premier degré. Les gags sont burlesques et reposent sur une attente trompée (la chaise piégée, le poison et l'incroyable partie de billard, doublée voire précédée par les commentaires du complice du voleur dans l'autre pièce) comme celui de la banane au début. La filature, la confrontation avec le voleur et les receleurs, les deux courses poursuite se font sur un rythme endiablé avec des inventions délirantes : la porte du coffre qui s'ouvre sur la rue, le passage par deux fois dans des vêtements de femme, le plan avec la maison des receleurs ouverte sur le côté, la fausse verbalisation de l'excès de vitesse, la scène du pont - on est bien dans un rêve où tout est possible.
Le film lui-même (pas celui du rêve) n'est pas sans mérites. La scène des ordures balayées à l'entrée du cinéma est vraiment drôle et sans doute signifiante : ces dollars perdus par les spectateurs lorsqu'ils vont au cinéma et que le projectionniste échoue à garder, celui retrouvé et qui devait permettre d'acheter la boîte de bonbons à 3 dollars et qui se retrouve décrit précisément par celle qui l'a perdu, celui extorqué par la mauvaise conscience du projectionniste pour la spectatrice plus âgée (à moins que ce dollar aussi ait été retrouvé par terre par le projectionniste, mais hors caméra et avant le film) ou enfin le porte-feuille retrouvé par l'individu patibulaire. Que de dollars qui lui échappent, lui laissant pour seule solution de transformer le prix de la boîte finalement achetée et ainsi de se condamner à passer pour le voleur de la montre. L'insistance sur le (faux) prix de la boîte ostensiblement montré à la jeune fille et sa surprise devant la taille du solitaire (qui nécessite l'usage de la loupe) ajoute, à mon sens à cette réflexion sur l'argent (et d'ailleurs que dit d'autre la porte du coffre qui donne sur la rue ?)
Comme dans
Le mécano de la General, un même péché originel construit sur un quiproquo chasse le héros de la maison de celle qu'il aime et constitue l'enjeu dramatique du film - retrouver sa place auprès d'elle - ce qui sera chose faite à la fin dans l'incroyable échange entre réalité et cinéma par la lucarne du projectionniste.
Que c'est beau le cinéma, quand ça ressemble à ça