C’est amusant de déterrer de vieux topics, on retrouve de sympathiques disputes
Nombreux spoilers !
Le personnage d’Ellen Berent est-il donc si scandaleux, si noir, pour qu’on la qualifie toujours de névrosée psychopathe, dont on découvre peu à peu la vraie nature au cours du film ? J'ai toujours trouvé qu'on noircissait beaucoup ce personnage que je vois plus en amoureuse incomprise qu'en monstre froid et névrosé.
Quand elle rencontre Richard Harland dans un train, ce dernier est un séduisant écrivain, ayant visiblement assez de succès pour être connu et qu’on imagine volontiers libre et sans attaches.
Ellen Berent, elle, est une belle jeune femme fiancée à Russel Quinton, un ambitieux juriste qui brigue la place de procureur et, lors de la rupture des fiançailles initiée par Ellen, lui fera comprendre que sa femme passerait après sa campagne et ses ambitions. Un procureur qui lui signifie clairement qu’il cherchera à se venger et qui, à la fin du film, brigue déjà la fonction de gouverneur.
Leave her in Heaven commence dans les paysages fordiens du Nouveau Mexique. On peut y voir une allusion au Far-West, cet espace de liberté dans lequel Ellen chevauche en répandant les cendres de son père tant aimé.
Les espoirs de liberté d’Ellen se brisent lorsque le médecin de Danny, le frère handicapé de Richard, se scandalise quand Ellen lui demande de ne pas insister pour que Danny s’installe avec le couple, dans la maison des Rocheuses au bord d’un lac.
Dans cette maison, Ellen s’approche un matin de son mari endormi pour le réveiller doucement. La voix joyeuse de Danny leur parvient alors, d’un porte-voix installé à la tête du lit de son mari.
Lors de la fameuse scène de la barque sur le lac, Ellen chaussera ses lunettes noires, et décidera de s’affranchir des lois du monde. Non pas tant quand Danny refuse d’aller vivre avec les Berent, mais après que Danny ait ingénument indiqué qu’il comptait bien passer sa vie entre Richard et Ellen.
Un Richard bien faible de caractère qui comprend que Danny a été tué par sa femme, qui se tait et qui, sans lui en parler, invite la mère et la sœur d’Ellen à vivre quelque temps avec eux. Mme Berent juge sa fille avec acrimonie et si Ellen est un personnage jaloux, sa mère n’appréciait guère les relations privilégiées de son mari avec sa fille et en garde une aigreur certaine. La mièvre et si conforme Ruth Berent, elle, ne cache pas son intérêt pour son beau-frère.
Mme Berent suggère lourdement à sa fille d’avoir un enfant pour mieux s’attacher son mari. Richard prendra bien soin de sa femme qui se retrouve clouée au lit par la grossesse, et, entre temps, il se rapproche encore un peu plus de Ruth.
Après l’avortement provoqué, nous changeons à nouveau de cadre. Mais la mer qui borde la maison sur le Pacifique n’est pas symbole de liberté retrouvée mais de mort. Toujours aussi entourée, Ellen est condamnée moralement par ses proches. Condamnée sans espoir puisque qu’elle n’est plus qu’un obstacle qu’on évite et qu’on craint. Elle choisit la mort mais cherche à se venger d’une manière qui n’est pas dérisoire puisque Ruth se retrouve à deux doigts d’être condamnée du meurtre de sa sœur.
Heureusement, la condamnation finale portera sur elle, la morale aura le dessus et, malgré une légère punition pour Richard, les deux personnages les plus mièvres du film pourront se marier et tenter d’oublier cette sorcière d’Ellen.
J’éprouve de la sympathie pour le personnage d’Ellen Berent, plus fait pour le Far West de son père que pour l’American Way of Life. Quitte à être une garce, elle aurait au moins mérité une mort à la Duel au Soleil plutôt qu’un huis clos aux parois en papier à cigarette. Leave Her in Heaven est décidément un plus beau titre que Péché Mortel.
Une critique de Péché Mortel par Gérard Courant, cinéaste indépendant, acteur et écrivain de cinéma. Je ne connaissais pas cette personne et j’ai découvert son site avec intérêt.
Péché Mortel par Gérard Courant