ed a écrit :On va pas repartir sur la même discussion en faisant semblant d'avoir oublié la précédente, si ? Si. Bon, allons-y : il existe des techniciens du cinéma, qui maîtrisent donc une technique, que ce soit au niveau de l'écriture, de la lumière, du son, voire du jeu des comédiens, et comme pour la peinture ou l'ébénisterie, il est possible de juger une oeuvre cinématographique en ne prenant en compte que ces critères. Ce n'est certainement pas la seule manière d'évaluer une oeuvre (ce n'est probablement pas la bonne, d'ailleurs, si tant est qu'il y en ait une), et tu le prouves constamment en adoptant (et en portant en étendard) une autre manière, essentiellement centrée sur le ressenti émotionnel. Maintenant, si tu as bien lu ce que j'ai écrit en entier, je n'ai jamais parlé d' "aveuglement" ou jamais laissé entendre l'idée que des gens "se trompent" parce qu'ils ont aimé un film peu écrit (ce n'est pas péjoratif, concernant Le rayon vert, c'est factuel, vu la part laissée à l'improvisation des comédiens), mal éclairé ou - c'est plus discutable, mais je tiens ma position - mal joué. Ils y ont trouvé autre chose, du registre de la sensation, de l'émotion, de l'impalpable, du divin, que sais-je, eh ben c'est chouette pour eux, en l'occurrence je les jalouse... Tu aimes Le Rayon vert, tant mieux, et bravo.
Jusqu'ici tout va bien.
Maintenant, je peux te donner une sculpture de Camille Claudel et un caillou ramassée par ta fille sur la plage de Châtelaillon, et tu auras le droit de préférer le deuxième parce que tu l'investis d'autre chose, de plus beau, de plus émouvant, de plus sensible, etc... Ne t'inquiète pas, je le fais aussi. Mais malgré la conviction personnelle de celui qui croit (que, donc, ce soit toi ou moi), tu ne me feras pas mettre les deux objets sur le même plan.
Et là, patatras.
Ce que tu fais ici, en filant la comparaison entre un film qui répond de manière satisfaisante aux critères d'appréciation techniques habituels et une sculpture de Claudel, d'une part, et le caillou ramassé sur la plage et
Le rayon vert, d'autre part, c'est que tu nies le geste créatif (que pour ma part, j'estime sans équivalent) du travail de Rohmer. Que je sache, le caillou n'est pas l'oeuvre d'un artiste. Alors que jusqu'à preuve du contraire,
Le Rayon vert est la fruit d'une entreprise de création effectuée par un réalisateur, des comédiens, des techniciens. Ce que l'on investit dans la préservation du caillou n'est lié en aucune manière à la qualité du caillou lui-même, alors que ce que l'on investit dans
Le Rayon Vert est généré uniquement - comme pour toutes les grandes oeuvres - par le projet artistique qui le sous-tend.