pak a écrit :8.
La chasse à l'homme d'Édouard Molinaro (1964) :
Avec Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Jean-Paul Belmondo, Françoise Dorléac, Marie Laforêt, Marie Dubois, Catherine Deneuve, Bernard Blier, Michel Serrault... Scénario de France Roche – Dialogues de Michel Audiard – Musique de Michel Magne et Giorgos Zambetas – Genre : Comédie / Film à sketchs – Production franco-italienne – Date de sortie : 22/09/1964
Un jeune homme va se marier mais son meilleur ami, célibataire endurci, fait tout pour l'en dissuader, en lui narrant son expérience des femmes.
Ce n'est pas le film le plus connu d'Édouard Molinaro malgré un casting assez incroyable, même pour l'époque. Si Belmondo, Brialy, Rich, Dorléac, Deneuve, Laforêt, Dubois, Lafont, Darc... étaient jeunes au moment du tournage, ils n'étaient plus des inconnus pour le public, d'autant qu'ils sont entourés de Bernard Blier, Michel Serrault, Noël Roquevert, Francis Blanche et Micheline Presle. Une sacrée belle affiche. Il faut dire aussi que le principe du film à sketchs, genre à la mode dans les années 1960, aide à aligner des noms connus puisqu'il faut bien alimenter en personnages chaque historiette. Car ce sont bien des histoires assez anecdotiques qui nous sont narrées ici, plus ou moins légèrement misogynes (autre tendance à la mode).
Très « finement », le film débute et se termine sur les mêmes images, montrant des femmes à cheval faisant une chasse à courre, avec meute de chiens et son du cor, non pour chasser le renard, mais plutôt le mari. Toutefois, Molinaro mène rondement son récit malgré le sentiment de désuétude que l'on peut ressentir un demi-siècle plus tard devant cette envie de mariage, à voir plus posément comme un besoin d'être deux, même si pour y arriver, le chemin est parfois tortueux, dissimulant peut-être à un tournant un coup de foudre qui pourrait frapper même le plus blasé.
Les français ont toujours aimé se déplacer en masse en salles pour aller rire devant des comédies plus ou moins franchouillardes. A l'époque, on peut grossièrement distinguer deux tendances : une alliant une certaine finesse, une recherche de rire moins primaire, pour des films alertes et parfois très réussis avec comme chefs de file Michel Deville ou Philippe de Broca, l'autre étant plus dans la continuité de la gaudriole héritée des années 1930, parfois lourde, volontiers burlesque, avec des gens comme Robert Dhéry ou Jean Girault.
La chasse à l'homme slalome un peu entre les deux, évitant la gaudriole facile tout en étant parfois franchement vaudevillesque (la partie Claude Rich, avec ses traditionnels qui-propos, portes qui claquent et placards où l'on se cache), faisant de son auteur l'un des héritiers de la « qualité France » du cinéma classique, le sujet et le ton du film rappelant fortement l'univers de Sacha Guitry.
Brialy, Rich et Belmondo sont tour à tour les héros d'un sketch, où chaque partie est sensée démontrer la volonté typiquement féminine de vouloir se marier et mettre le grappin sur un homme, seule manière d'avoir le dessus sur la gent masculine...
L'interprétation (forcément) formidable, rehausse le film : Belmondo en gentil mac (dont les besogneuses sont, excusez du peu, Bernadette Lafont et Mireille Darc) recyclé en patron de bistro en fait mené d'une main de fer par son épouse (énergique Marie Dubois), Rich en tombeur pensant avec sa braguette et amant d'une bourgeoise (Micheline Presle, qui cocufie Michel Serrault, excellent mari mené en bateau) tout en draguant sa secrétaire (Catherine Deneuve, à la perversité enfouie sous un verni d'innocence), ce que n'apprécie guère le père de cette dernière (épatant Bernard Blier qui récite du Audiard comme personne), Brialy en futur marié indécis à une fausse ingénue (Marie Laforêt, espiègle et divinement manipulatrice), plus quelques rôles secondaires comme la belle arnaqueuse campée par Françoise Dorléac alliant charme et humour, et son complice roublard joué par le toujours aussi fou Francis Blanche. Comme une récréation rassemblant des interprètes de la nouvelle vague et du cinéma populaire.
L'autre élément qui donne du cachet au film est la qualité des dialogues, ciselés par un Michel Audiard qui pimente ceux-ci de quelques saillies mémorables du genre :
« - Je vous laisse encore le choix : le mariage, ou les menottes.
- J'avoue que la différence m'échappe ».
Le dialoguiste tire incontestablement ce film du conventionnel, ce qui n'empêche pas celui-ci d'y tomber ponctuellement, notamment dans sa partie grecque nettement plus faiblarde que le reste.
Sans être à la hauteur des réussites du réalisateur qui viendront par la suite, on passe un agréable moment de cinéma léger, certes, mais régulièrement savoureux.
Étoiles : * * * . Note : 14/20.
Autour du film :
1. Le scénario a été écrit par France Roche. Née le 2 avril 1921, France Roche est une des pionnières de la télévision française. Journaliste, elle a animé et participé à plusieurs émissions axées sur le cinéma, dès l'époque de l'ORTF. Elle a ainsi mené des interviews avec des acteurs aussi illustres que Pierre Brasseur, Jean Marais, Paul Meurisse, Michel Piccoli, Arletty, Annie Girardot, Simone Signoret, Jeanne Moreau, Brigitte Bardot, mais aussi Kirk Douglas, Sidney Poitier, Anthony Perkins, Ingrid Bergman... Elle a aussi écrit pour la presse cinématographique. Dans les années 1950 et 1960, elle rédigea plusieurs scénarios mais aucun des films qui les ont adapté sont restés dans les mémoires malgré la notoriété des réalisateurs (Henri Verneuil pour
Les lions sont lâchés, Michel Boisrond pour
Les amours célèbres ou Jean-Paul Le Chanois pour
Agence matrimoniale par exemple).
2. Françoise Dorléac et Jean-Paul Belmondo sortaient du triomphe de
L'homme de Rio de Philippe de Broca, 4ème au box-office français de 1964. Année d'ailleurs très prolifique pour Belmondo puisque deux autres de ses films seront au top 10 :
100 000 dollars au soleil et
Week-end à Zuydcoote, tous deux d'Henri Verneuil. Les trois films cités attireront plus de 11 millions de spectateurs.
La chasse à l'homme fera nettement moins d'entrées. L'actrice et l'acteur n'ont aucune scène en commun dans ce dernier, alors qu'ils partageaient l'affiche de
L'homme de Rio.
3. Comme dans
La belle américaine ou
Le corniaud, une berline décapotable a un rôle central dans l'un des sketchs du film. Il s'agit d'une Lincoln Continental modèle 1961 appartenant au compositeur Georges Garvarentz, qui l'a prêté pour d'autres tournages (
Le diable et les 10 commandements,
Les bricoleurs,
Le glaive et la balance). C'est le même type de modèle (modifié) qui était la voiture présidentielle de John F. Kennedy, dans laquelle il fut mortellement blessé à Dallas le 22/11/1963.