
Pas pour moi ... (mais je suis un peu pervers.) En fait ce sont deux films à la fois très semblables (le début c'est copier coller) et opposés dans leur ambition. A la comédie sociale des années 30, à l'arrière plan économique très présent, succède sur le même canevas, mais cette fois-ci prétexte plus qu'objet, un gros bonbon rose, gentiment et joliment sentimental.
Le clochard devenu valet ne s'impliquera dans aucune action (à part sauver la famille de la ruine) et la réflexion n'est simplement pas comparable. Dans le remake David Niven est en fait, presque par hasard, en tout cas pas réellement pas nécessité économique, un réfugié menacé d'expulsion. Ce n'est pas très important et ça sert surtout à nous servir une adorable scène de retrouvaille sur un bateau. On évacue d'ailleurs presque immédiatement toute allusion (et surtout toute représentation -presque pas de décharge) sordide ou simplement attristante. Même si je ne suis pas très friand, par personnalité, du "sérieux" au cinéma je dois reconnaitre que ce remake inoffensif montre bien la force du film conféré au film de La Cava par son arrière-plan.
Ce qui ne change pas donc c'est la représentation de la famille loufoque dans laquelle tombe Godfrey : on perd un fils (je crois), mais on garde le musicien parasite, le père fatigué, la mère hystérique (Alice Brady est remplacée par Jessy Royce-Landis), la peste (Martha Hyer) et la petite dernière. Les rapports sont à peu près identiques et la trame très fidèle de ce point de vue, quelques dialogues sont même repris intégralement. La VF saturée n'aidant sans doute pas j'ai parfois eu l'impression d'une hystérie survoltée et épuisante, sans la verve absurde et pourtant naturelle des screwball. Comme si quelque chose des années 30 était impossible à reproduire 20 ans plus tard. A d'autres moments, cependant, j'ai ri d'aussi bon coeur que pour la première version.
Le film est un projet Ross Hunter qui s'est appliqué à refaire dans les années 50 les grands succès Universal des années 30. En général il allait plutôt chercher du côté du mélodrame, mais comme il disposait à ce moment à la Universal de June Allyson qui avait déjà rejoué Katharine Hepburn dans Les Quatre filles du Docteur March, Norma Shearer dans Femmes et Claudette Colbert dans New York-Miami il s'est décidé à produire un remake. C'est sans doute beaucoup plus un film de producteur que de réalisateur et c'est là où pour les amateurs du monsieur (dont je suis inconditionnel) on reconnait sa pâte dès le générique, marqué par les couleurs, le glamour, le luxe qu'il a toujours systématisé. Même la musique, très lyrique, est immédiatement associée à ses grands mélodrames. Elle insistera d'ailleurs nettement plus sur les rapports amoureux que sur le rythme de la comédie. Bref, de ce point de vue, c'est un régal.
Quand à l'interprétation à proprement parler tout le monde s'applique avec conviction à remplir son rôle et semble avoir bien vu la première version (en particulier Niven et Royce Landis). On profitera avec plaisir et sans remord de ce qu'ils nous offre donc. Deux différences majeures : le rôle de l'ami qui reconnait Godfrey à une soirée donnée par ses employeurs est cette fois ci tenu par ... Eva Gabor, toute froufroutante. Et June Allyson, dont c'est l'avant dernier rôle principal, offre une performance très différente que celle de Lombard, exploitant sa gentillesse naturelle et son absence de charme pulpeux (elle est très bien habillée par Jean Louis, mais un peu trop âgée pour le rôle) avec des résultats attendrissants (comme souvent avec elle) et un humour charmant. On perd l'éblouissante virtuosité de Lombard, on gagne une plus grande crédibilité amoureuse puisque j'ai toujours eu le sentiment qu'Irène dans la version La Cava était une arriérée mentale ou du moins une demi folle. Le réalisateur prend avec raison le temps d'exploiter cette nouvelle face, plus humaine, du personnage.
Bref un remake pas du tout indispensable (en fait l'intrigue et les interprétations perdent simplement leur sens profond en dehors du contexte de la crise des années 30 et de la popularité de la screwball) et en même temps très attachant.
Merci Cathy !