Dans son interview dans le DVD collector de
Pulp Fiction, QT revient plusieurs fois sur De Palma, à noter que cet entretient date de 94, d'avant le succès de
Mission: Impossible.
On a abordé ça à la légère, mais vous êtes quelqu'un dont le rêve était d'être cinéaste et vous avez étudié la vie de tous les cinéastes. Vous connaissez leur vie aussi bien que leurs biographes.
Vous avez sans doute raison.
Que cherchiez-vous? Vous étiez fasciné par ce métier?
C'était un hobby. En d'autres termes si quelqu'un aime le base-ball, si son idole est Willie Mays, il le suit. [...] Et puis on a tujours des héros. Par exemple, l'un de mes réalisateurs préférés quand j'avais une vingtaine d'années, c'était Brian De Palma. J'étais vraimentun inconditionnel de ce qu'il faisait, comme on l'est d'un acteur ou d'un sportif. J'attendais chaque nouveau film pour aller à la première séance et je découpais des articles. Je les gardais dans un album "Brian de Palma". J'allais voir ses films,
Scarface ou autres, le premier jour à la première séance. J'y allais seul. Une sorte d'expérience religieuse. Je me fichais de ce que les autres pouvaient penser. Je regardais le film. Je m'en imprégnais, je découvrais l'intrigue. Et j'y retournais à minuit. Cette fois, avec quelqu'un. Et là j'étudiais comment le film était fait.
Vous en discutiez?
Oui pour avoir le point de vue de l'autre. Non seulement je suivais mes idoles, Brian De Palma, Howard Hawks, Douglas Sirk, Scorsese etc. Mais en plus, à la façon d'un historien du cinéma, bien qu'on ne m'ait rien demandé, historien à ma manière, j'avais très envie de suivre la carrière de tous les réalisateurs.
Pour comprendre leur succès? L'évolution de leur carrière?
L'évolution de leur carrière. Les exemples sont nombreux. Des cinéastes qui ont fait 15 films... Je parle juste de ces 20 dernières années. Sur ces 10, 15 films, on voit des choses vraiment fascinantes, et soudain, ça cesse d'être fascinant. Ils se répètent ou ils deviennent médiocres. Mais quand cela s'est-il passé? Quand ont-ils perdu l'envie? ces choses-là m'intéressent.
Ils "perdent l'envie"?
Exactement. C'est mon avis. Je ne suis pas critique, je ne citerai pas de nom pour vexer personne. Si j'étais critique, j'écrirai un article sur eux. Les films récents de certains réalisateurs sont loin de ce qu'ils faisaient dans les années 70.
Qu'est-il arrivé?
Bizarrement je sais ce qu'il s'est passé. En général, c'est à un film bien précis. Vous les voyez évoluer petit à petit ou construire quelque chose. Ça peut finir de deux façons. Par exemple, ils peuvent faire un film qui leur sera très personnel, qui leur tiendra à cœur et le film ne marchepas, la critique est mauvaise. Que le film soi raté ou qu'il soit réussi, ils se prennent une sacré claque. C'est une part d'eux-mêmes. Ils se sont investis. ils se sont énormément investis. Et soit la critique n'a pas aimé, soit ça a été un échec. À partir de là, au moins 5 réalisateurs me viennent à l'esprit, on fait des films commerciaux, des œuvres de commande. Et en 6 ou 7 ans, leur originalité et leur personnalité ont totalement disparu.
Faisons un test [...] De Palma et Le Bûcher des Vanités?
Pour ce qui est du
Bûcher des Vanités, je citeras les propos de Pauline Kael, parce qu'elle a dit qu'elle chose de très pertinent: "le plus incroyable, c'est que De Palma avait réussi
Le Bûcher des Vanités dès 1969 avec
Hi, Mom et de Niro." Cette esèce de film hippie sonnait encore plus juste quele livre e Tom Wolfe. C'était déjà le sujet. Pourquoi le refaire? IL n'aurait pas dû. Comme Pauline Kael l'a dit d'autres cinéastes: "
Le Bûcher des Vanités est un fiasco, mais le fiasco d'un grand cinéaste. Un tâcheron ne tombe pas de si haut." C'est un type doué qui a une mauvaise idée. Un génie qui s'effondre.
Ou qui est allé trop loin, car il y croyait.
C'est plutôt qu'il a eu des idées désastreuses et qu'il croyait en son talent et en ses idées. Il ne s'est pas effondré. Ça l'a affecté.
Oui, il me l'a dit.
Ça l'a beaucup affecté et depuis, il a du mal à se relever.
À retrouver sa place?
C'est exact.
Par manque de confiance?
Je ne sais pas. Plutôt... Il a changé de style avec
Outrages. Ce film n'a pas marché mais a eu de super critiques. Il a retenté le coup avec
LE Bûcher des Vanités. Sans succès. Mais dans les films qu'il a faits depuis, comme
L'Esprit de Caïn, il revient à son genre favori, le thriller, dans lequel il excelle. Un truc qui me fascine dans
L'Esprit de Caïn. Je l'ai dit à De Palma et il est d'accord.
L'Esprit de Caïn est hilarant. Je me suis éclaté en le regardant. J'ignore si le studio a apprécié, mais ce film semble fait pour agacer le spectateur. Voilà un homme qui dit : "Je sis le spécialiste de ce genre de films depuis 20 ans. Je les fais mieux que personne, mais maintenant j'en ai marre. Pour que ça m'intéresse encore, il faut que je vous le dissèque, au risque de vous décevoir." C'est devenu une expérimentation filmique : comment plaire au public. Je trouve ça intéressant.
Si vous deviez nommer, sans vouloir oublier personne, les cinéaste qui vous ont influencé? Hawks?
Hawks m'a beaucoup influencé.
Pourquoi?
À mon avis c'est le plus grand conteur de l'histoire du cinéma.
Le "plus grand conteur"?
Et sans doute le cinéaste le plus drôle du cinéma. C'est marrant, quand on s'intéresse à ceux qui ont 30 ans de carrière et 25, 30, 40 films à leur actif, vous savez les pionniers... Quand on voit la liste de leurs films, on n'arrête pas de se dire: "j'aimerais bien voir celui-là." Quand on voit leurs de début et de fin de carrière, leurs œuvres moins connues, on est toujours un peu déçus. Mais on se dit : "Au moins, je l'aurai vu." Hawks, à une exception près, ne m'a jamais jamais déçu.
Qui d'autres vous a influencé, hormis Howard Hawks?
Ceux qui m'ont influencé influencé sont: Howard Hawks, le réalisateur Sam Fuller, un des types le splus déroutants du cinéma. Il a pas mal tourné dans les années 50. C'est le roi des films de guerre, car il a lui-même combattu. Il fait des films déjantés. il a aussi fait des westerns. Son style un peu fort m'a marqué. De Palma m'a influencé. Un truc qu'on ne dit jamais, c'est que De Palma est le plus grand satiriste de ces 20 dernières années. Ses films sont des comédies noires décapantes. Personne n'a autant d'humour. Il est très drôl, même s'il ne fait pas de comédies. Et l'audace de Scorsese a eu une influence.
[...]
À propos de RESERVOIR DOGS :
[...] Le film a souvent été critiqué pour sa violence. En fait, je prenais ça pour un compliment, car il n'est pas si violent.
Un "compliment"?
Parce que j'ai réussi.
Le film n'est pas si violent que ça?
Beaucoup moins qu'ils le pensent. De Palma a dit, et je cite : "Pour les scènes violentes, on vous pénalise quand c'est bien fait. Les mauvais réalisateurs échappent à ça, car leur film n'ont aucun sens." Je le prends donc comme un compliment.
Et enfin...
[...] Quand De Palma a fait Les Incorruptibles, il a allié esthétique et succès commercial.
Et toc! Prenez ça dans la gueule!
