
Avec Monte Hellman, ce n'est pas bien compliqué : il y a quatre films remarquables, à connaître absolument, le reste apparaissant comme plus oubliable.
The Shooting,
L'Ouragan de la Vengeance,
Macadam à deux voies et
Cockfighter constituent, donc, les quatre piliers de la sagesse
hellmanienne telle que nous la lègue la postérité. C'est dommage mais c'est ainsi et c'est cela qui les rend d'autant plus irradiants.
Sans le succès fracassant d'
Easy Rider,
Macadam à deux voies (
Two lane Blacktop, en VO), n'aurait jamais vu le jour. Nous, spectateurs, pouvons en être reconnaissants à Dennis Hopper et Peter Fonda, pas le producteur Universal, Lew Wasserman, qui, horrifié par les résultats en termes formels autant que de box-office, ne sera pas sans contribuer à l'atomisation de la carrière ultérieure de Monte Hellman.
Lorsque je découvris
Macadam à deux voies, il y a quelques 22 ans, je n'avais pas été emballé outre mesure alors même que les trois autres films m'enthousiasmaient. Sa redécouverte pas plus tard que cette semaine, fut pour moi celle qu'il fallait. Mais à la vision , on comprend la réaction de l'infortuné producteur. En d'autres occasions, on aura vu des producteurs horrifiés par la présence de sexe, de violence et de langage ordurier au sein d'un film. Là, on peut imaginer que Wasserman fut épouvanté d'en trouver
Macadam totalement dénué. Vous voulez du sexe, de la drogue, de la violence? Macache wallou, vous n'en aurez pas! semble nous lancer le cinéaste à chaque plan d'un film que j'ai revu sous l'emprise d'un charme narquois dont je n'avais aucunement décelé, à la première vision, des effluves presque trop subtiles pour leur temps (1971). Ce n'est pas à un certain état d'esprit post-
Zabriskie Point que l'on doit à
Macadam à deux voies de ne pas vieillir du tout, mais à l'invention d'une postmodernité avant l'heure que ne manqueront pas de se partager des hérauts futurs nommés Jarmusch (auquel la photo ci-dessus fait irrésistiblement penser), Kaurismaki ou Tarantino.
Cinéaste de l'imprévisibilité, chantre du mélange d'ADN entre intellectualisme européen et ressenti organique purement américain, Monte Hellman invente, avec
Macadam à deux voies, un dandysme inédit, hors norme, félinement provocateur, qui ne fait jamais de lèche au spectateur, ne lui prodigue aucun appel du pied, ne cherche pas à le séduire. La postérité n'en finit plus de donner raison à de telles œuvres qui nous accueillent sans impatience, sollicitant la nôtre, sans forcer, avec l'assurance de tout ce qui ne se laisse conduire que par la sensibilité la plus secrète.
Pardon d'avoir à employer un terme qui pourrait passer pour snob, mais parce qu'il trompe nos attentes de manière aussi radicale que raffinée,
Macadam à deux voies pourrait bien constituer le plus grand film
déceptif jamais réalisé.