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Publié : 9 mars 06, 10:28
par AlexRow
Strum a écrit :Je crois que je pencherais plutôt pour l'inverse. L'exploration d'une époque historique différente de celle du cinéaste a souvent été une occasion pour l'appréhender rétrospectivement au travers du prisme d'une idéologie ou d'une pensée contemporaine...
C'est juste. C'est par d'ailleurs par là que j'ai commencé le topic et il reste beaucoup de chose à en dire.

Je crois que les films sur des événements très contemporains ne peuvent pas être considérés comme des films historiques stricto sensu. Il leur manque le recul et l'intérêt a posteriori pour une période passée. C'est pourquoi je penche plutôt pour l'appellation d'essai didactique ou de pamphlet. Il s'agit plutôt d'une volonté d'expliquer à ses contemporains ou bien de les convaincre et - d'une certaine manière - d'agir sur ces évènements, ce qui est étranger au film historique.

Publié : 9 mars 06, 10:34
par Strum
AlexRow a écrit :Je crois que les films sur des événements très contemporains ne peuvent pas être considérés comme des films historiques stricto sensu. Il leur manque le recul et l'intérêt a posteriori pour une période passée. C'est pourquoi je penche plutôt pour l'appellation d'essai didactique ou de pamphlet. Il s'agit plutôt d'une volonté d'expliquer à ses contemporains ou bien de les convaincre et - d'une certaine manière - d'agir sur ces évènements, ce qui est étranger au film historique.
C'est vrai mais a contrario certains films historiques stricto sensu sont aussi une manière voilée de critiquer l'époque contemporaine avec aussi une volonté implicite d'agir sur les évènements (soit par la critique, soit par le soutien du pouvoir en place).

Publié : 9 mars 06, 10:36
par AlexRow
Jack Griffin a écrit :On parle de films historiques ou alors de films ayant pour toile de fond des évenements historiques ?
On avait évoqué le cas de Pearl Harbor, film où l'histoire est plutôt un prétexte pour filmer une bataille et une romance qu'un sujet d'étude ou de réflexion.

Publié : 9 mars 06, 10:37
par AlexRow
Strum a écrit :C'est vrai mais a contrario certains films historiques stricto sensu sont aussi une manière voilée de critiquer l'époque contemporaine avec aussi une volonté implicite d'agir sur les évènements (soit par la critique, soit par le soutien du pouvoir en place).
C'est parfaitement exact. Je ferai d'ailleurs un post sur le Pharaon de Kawalerowicz dès que j'aurai un peu de temps. As-tu d'autres exemples ?

Publié : 9 mars 06, 10:49
par Strum
AlexRow a écrit :C'est parfaitement exact. Je ferai d'ailleurs un post sur le Pharaon de Kawalerowicz dès que j'aurai un peu de temps. As-tu d'autres exemples ?
Tous les Eisenstein sont des exemples patents que ce soit Potemkin, Octobre, Nevski ou Ivan Le Terrible.

L'Homme de Marbre de Wajda.

Il y a aussi la propagande nazie bien sûr avec le Juif Suss.

Il y a aussi Intolerance - Birth of a Nation de Griffith.

Publié : 9 mars 06, 17:48
par LucyMuir
Elizabeth (Shekhar Kapur) 1998
Déclarée illégitime à 3 ans, jugée pour trahison à 21 ans, couronnée reine à 25 ans: la phrase d'accroche de l'affiche du film est trompeuse. En quelques dates est évoquée la jeunesse peu commune d'Elizabeth, fille d'Henri VIII née de ses amours avec Anne Boleyn qui fut traitée en princesse légitime la première année de sa vie puis déclarée illégitime par son propre père, obsédé par l'idée d'avoir un descendant mâle.

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Cependant, une fois l'ouverture du film passée, on peine à saisir le temps qui passe. L'action débute en 1554 par une évocation du régne de Mary Tudor, tristement entrée dans l'histoire sous le nom de "Bloody Mary". Des croix noires sur fond rouge et une scène de bûcher insistent sur la thématique religieuse qui est par la suite quasi-abandonnée durant une heure et demie de film.

Demi-soeur d'Elizabeth, pour qui elle n'avait que méfiance et mépris, de dix-sept ans son aîné et catholique de surcroît, Mary espère avoir un héritier qui éliminerait les prétentions au trône de sa cadette. Elle est déjà âgée de trente-huit ans et souffre selon toute vraisemblance d'une tumeur qui lui donnera à plusieurs reprises de faux espoirs de grossesse. Les relations complexes entre les deux femmes et le rôle de médiateur de Philippe d'Espagne (futur Philippe II) époux de Mary n'est que peu évoqué, et souvent par des raccourcis (un peu horripilants)

Des premières années de la vie d'Elizabeth, nous ne saurons presque rien. Exilée dans la campagne pendant le règne de son jeune frère puis celui de Mary, elle est présentée comme vivant dans l'innocence et l'insouciance. Brutalement tirée de ce monde lumineux pour l'obscurité de la Tour de Londre et du palais de Whitehall (ouh, la belle métaphore) elle manque de peu d'être exécutée. A ce propos, le film présente Elizabeth totalement innocente, quand il est désormais avéré qu'elle participat bien à la conspiration de Wyatt.

Comme je ne l'ai compris que fort tard, le sujet principal du film est la construction, dans les premières années du règne d'Elizabeth, de l'image de Reine Vierge qui accédât à la postérité. La jeune souveraine, perdue dans une cour hostile ("livrée aux fauves" selon l'expression de sa soeur Mary) ne fait pas montre d'un grand courage face à ses ennemis: elle refuse la guerre façe à la régente d'Ecosse, une Fanny Ardant plutôt terne (il faut le faire) et doit affronter son conseil et les ambassadeurs qui lui présentent des offres de mariage. Il faut pourtant remarquer une scène montrant Elizabeth tremblante repétant le discours qu'elle doit prononcer devant le Parlement pour faire passer l'unification de la religion en Angleterre, montée en alternance avec le visage hostile de son futur auditoire, qui montre bien que la reine n'était pas du tout assurée de la réussite de son entreprise.
Le mariage de la reine est une intrigue majeure du film. L'accent est mis sur l'histoire d'amour entre la reine et Lord Robert Dudley (présentée ici comme physique, mais cela reste une interprétation) Au XVIème siècle, il semble impossible qu'une souveraine reste sans époux. Et le choix de ce dernier est d'une importance diplomatique capitale: la reine choisira-t-elle un noble anglais? un français ce qui la couperai de l'alliance espagnole patiemment tissée par Mary? Un Espagnol, suscitant la colère des Français installés en Ecosse? Le choix n'est pas dénué d'importance pour la question religieuse. Hélas, la portée internationale d'un tel choix n'est qu'évoquée et les parties en présence sont peu identifiées.
Elizabeth failli se ranger à ces raisons et pencher pour le candidat français. C'est à ce moment qu'interviennent les deux curiosités du film: Eric Cantona en ambassadeur rustaud et malchanceux, et Vincent Cassel dans le rôle du prétendant qu'ELizabeth éconduit lorsqu'elle le découvre en robe.
Sans doute le meilleur dialogue du film:
"Whateu! Whaaaateu" demande le prince
"You're wearing a dress, Your Grace" observe calmement la reine

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C'est un peu tard, et après s'être égaré dans des intrigues secondaires, que le film prend sens. Puisque c'est le corps de la reine, ce corps de femme qui pose problème puisqu'il doit servir à la "production" (sic) d'un héritier, ELizabeth décide de le retourner à son avantage. En créant son image de reine vierge, vêtue et maquillée de blanc, enserré dans un corset, elle abandonne son humanité, se rapproche des cieux et devient un "homme d'Etat". Cette image de vierge est renforcée par l'austérité dont elle fera toujours preuve par la suite, renonçant à toute relation particulière avec un homme. Les plans où Elizabeth se transforme, endossant pour la première fois ce costume, qui va devenir son personnage public, sont magnifiques et poignants, à peine gâchés par son "I have become a virgin"

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Like a virgin

Je ne m'étendrais pas sur le côté esthétique du film, car c'est vraiment ce qui le sauve, en plus du jeu de Cate Blanchett, toujours royale en dépit de certaines scènes à la limite du ridicule, comme une lamentation aux pieds de la Vierge. Certaines scènes visant à présenter les fêtes, les danses et la poésie qui fleurissent à la cour sont très réussies et font parfois regretter d'être si courtes.

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Publié : 9 mars 06, 18:35
par AlexRow
Magnifique post :wink:

Publié : 9 mars 06, 18:37
par LucyMuir
AlexRow a écrit :Magnifique post :wink:
:oops: Merci
(tu as eu le courage de tout lire? :shock: )

Publié : 9 mars 06, 18:49
par AlexRow
Oui et j'ai bien reconnu le film que j'ai vu en salle :mrgreen:

Publié : 9 mars 06, 19:09
par AchaB
LucyMuir a écrit :Cependant, une fois l'ouverture du film passée, on peine à saisir le temps qui passe. L'action débute en 1554 par une évocation du régne de Mary Tudor, tristement entrée dans l'histoire sous le nom de "Bloody Mary". Des croix rouges sur fond noir et une scène de bûcher insistent sur la thématique religieuse qui est par la suite quasi-abandonnée durant une heure et demie de film.
...burp! gnié? HEIN?! A BOIRE!!!... j'suis pas au pub?! (on est où, ici?)


:mrgreen:


Je plaisante!
Beau boulot Lulu!
ça me rappelle mes années de fac ;)

EDIT: le film, pas le bloody mary...

Publié : 9 mars 06, 19:35
par NounouOgg
Moi aussi j'ai tout lu :wink:
Très bon post et très bonne analyse ! :D

Publié : 9 mars 06, 19:38
par Jack Griffin
merci Lucy ! :D

Bon alors je le prends ou pas ? :|

Publié : 9 mars 06, 19:41
par LucyMuir
Jack Griffin a écrit :merci Lucy ! :D

Bon alors je le prends ou pas ? :|
c'est un film qui n'est pas dépourvu de qualités, principalement esthétiques, mais un peu embrouillé et creux sur le fond. Si tu as aimé le biopic sur Maris Stuart , dont le côté niais m'a aggaçée par moment, je l'avoue, prend donc Elizabeth :wink:

Publié : 9 mars 06, 19:43
par Swan
Jack Griffin a écrit :merci Lucy ! :D

Bon alors je le prends ou pas ? :|
De toute façon, tu es fan de Cate Blanchett, donc tu le prendras forcément.

Pour ma part, un souvenir assez douloureux que ce film et sa caméra un peu trop agitée.

Publié : 9 mars 06, 19:46
par LucyMuir
Nounou, Jack, Achab :oops:
je ne sais plus quoi dire.