Río Conchos Douglas 1964
J'crois qu' c'est clair , comme le disaient, avec leur sympathique pauvreté lexicale et syntaxique, les exilés du Loft, c'est pour moi un vrai bonheur d'avoir découvert, bien que tardivement ,
Gordon Douglas ...et avoir l'occasion de voir
Río Conchos qui est une singulière réussite , une merveille, même si la préciosité du mot est plutot inapproprié dans ce cas.
Un film féroce, à la violence sans relâche, mais qui n'en est jamais l'apologie sinon la critique, tout comme il y dénonce le racisme sans prêchi prêcha. La scène d'ouverture

avant même le générique assène le ton dont le film ne se départira qu'à de très rares moments. Le projet est tendu, nerveux, porté à la perfection par un cast d'acteurs (
Boone, Whitman, Franciosa) qui sont des gueules avant que d'être des stars hollywoodiennes passe-partout et récurrentes. Le tout est immergé , il n'y a pas d'autres mots , dans un score de Jerry Goldsmith, qui, bien qu'envahissant parfois (à mon goût) fait dans le signifiant
à propos et souligne dans le film un allant et une vitalité épuisante pour le spectateur. Ça avance inexorablement. Impossible d'y échapper. Ce film est aussi un modèle de western crépusculaire mais attention: sans langueur, ni complaisance, ni affèterie; crépusculaire dans ce sens qu'il s'oriente vers l'obscurité tragique et austère et laisse bouche bée l'amateur du genre devant une énergique et efficace précision. Quelques tentatives de répit sont volontairement vouées à l'échec tel l'épisode ou nos quatre lascars découvrent et prennent en charge un bébé dont les parents ont été assassinés par les Apaches mais la surprise et/ou la crainte que cela ne prenne la tournure d'un autre sympathique film bien connu des aficionados est vite désamorcée: l'enfant ne survit pas! Et ainsi de suite, les conventions sont battues en brèche, soit, mais ce n'est pas le but puéril du jeu, il faut aller au delà et c'est l'urgence.
La maîtrise et la beauté rude des plans, la couleur ocre dominante, le sens du rythme, la substance même de la caméra est ici au mieux dans cette capacité démonstrative: chez Douglas, ce que j'avais sans doute deviné sans l'intégrer dans son joli
Young at Heart avec ses étonnants moments presque monochromes, un plan est un acte qui raconte et cet acte est un signal puissant. S'il est évident qu'il a bénéficié ici d'un excellent scénario de départ, de dialogues ciselés et décapants, les moyens ne devaient pas être énormes et ce qu'il en fait (me) subjugue, l'apocalypse finale se terminant sur un travail d'une beauté gothique et anthologique.
C'est sans doute son meilleur western et on est pour le coup vraiment loin de la série B avec ce
Río Conchos, film trop oublié d'un réalisateur qui n'a pas fait que remplir, toujours scrupuleusement, me semble-t-il, des contrats de commande routiniers. Le sceau du talent, certaines traces de génie, parfois tronquées, désorganisées, mais bien réelles impriment l'oeuvre de ce mouton à cinq pattes du cinéma américain!
Moi qui n'ai absolument aucun goût ni 30 secondes d'intérêt autre qu'un ennui poli (après avoir tenté dans la limite du raisonnable de nombreux et répétés efforts) pour les films avec des bébêtes irradiées , des monstres à faire peur ou à tout faire et tout le toutim...etc, j'aurais presque envie de voir son
Them!
Mais me voici bien embêté devant le choix de mon film du mois: je ne vous dis pas merci M.Douglas
