21- La Femme modèle (Designing Woman) 1957 de Vincente Minnelli MGM
Mike, journaliste sportif, rencontre lors d'une soirée bien arrosée Marilla, une femme modiste dont il tombe immédiatement amoureux. Ils se marient dans la foulée et rentrent à New York où ils vivent tous deux. C'est seulement de retour chez eux qu'ils se rendent compte à quel point leurs univers diffèrent ; le sien est rustre, spartiate et vulgaire alors qu'elle vit dans le luxe entourée d'une société superficielle et snob. Premier point d'achoppement ! La difficulté de leur relation se complique encore lorsque l’on apprend que Mike a encore une maîtresse qui ignore tout de son mariage et qui va se trouver être la vedette d’un spectacle dont Marilla doit s’occuper des costumes, le producteur du spectacle n’étant autre qu’un amoureux transi de Marilla. Vous me suivez toujours ? Puisque ce n’est pas tout : Mike, ayant écrit une série d’articles sans concessions sur le monde vérolé de la boxe, l’un des principaux intéressés par ces attaques va tenter de l’intimider en faisant peser une menace sur sa vie avant de s’en prendre à son épouse… Tout ceci racontée en voix off par tous les protagonistes de l’intrigue les uns après les autres.
Après
Thé et Sympathie, Minnelli retourne à un univers beaucoup plus léger puisqu’il s’agit d’une comédie qui rappelle vaguement
La Femme de l’année de George Stevens (première apparition du couple/duo Tracy-Hepburn) dans son thème de la difficulté de cohabiter lorsque les deux membres du couple vivent et travaillent dans deux mondes aussi différents. Mais là où le film de Stevens opérait un virage à 180° dans le mélodrame, celui de Minnelli est une pure comédie lorgnant même parfois vers le burlesque. Celle-ci devait être réalisée par Joshua Logan avec Grace Kelly, Cyd Charisse et James Stewart. Préférant tourner
Bus Stop, il laissa la bride à Minnelli qui se retrouva avec un casting entièrement remodelé qui nous donne l’occasion de découvrir les talents comiques de Gregory Peck et Lauren Bacall qui se révèlent tous deux absolument parfaits dans des registres encore nouveau pour eux (même si
Vacances Romaines pouvait le laisser présager pour l’acteur), semblant s’amuser comme des fous. Le thème n’est pas foncièrement nouveau pour Minnelli puisque dans
Le père de la mariée, une partie du comique venait déjà de la confrontation entre une famille d’américains moyens et une autre de la bourgeoisie et que dans
La roulotte du plaisir, il nous montrait le désastre de citadins confrontés à l’univers alentour des villes. La Femme modèle mélange allègrement et harmonieusement plusieurs formes de comiques ; le comique de situation, les quiproquos, le burlesque ‘tarte à la crème’ (combien de chutes, coups reçus et aliments renversés), les gags à effets visuels (la photo déchirée) et sonores (les bruits amplifiés par la gueule de bois)… Tout ceci sur un rythme expressément modéré, loin des ‘
Screwball Comedy’, Minnelli et son scénariste prenant leur temps pour mettre en place cette mécanique remarquablement huilée mais qui ne semble jamais forcée car nous avons malgré tout le loisir de nous attacher aux personnages ; nous regrettons presque que tout se finisse beaucoup trop vite, les péripéties s’accélérant un peu trop dans la dernière demi-heure.
Direction d’acteur parfaite avec seconds rôles croustillants (Mickey Shaughnessy, le boxeur qui dort les yeux ouverts) ou attachants (Sam Levene, le patron grande gueule au cœur d’or), élégance de la mise en scène, Minnelli n’ayant pas perdu la main avec la caméra, lui faisant encore opérer quelques superbes circonvolutions notamment lors du numéro chanté de Dolores Gray, dialogues savoureux, situations très amusantes sans oublier la 'bagarre-ballet' finale réglée et interprétée par Jack Cole, beauté des décors et des costumes… tout ceci au service d’un des fleurons de la comédie américaine, l’une des rares qui se bonifie à mes yeux vision après vision et qui me fasse rire encore malgré l’effet de surprise passé. Une chose est certaine, après avoir vu
Designing Woman, vous réfléchirez à deux fois avant de commander des raviolis à la sauce tomate si jamais vous invitez une personne au restaurant (séquence absolument irrésistible et qui montre le talent comique de Gregory Peck) ! Pour l'instant la comédie non musicale la plus réussie du réalisateur.
7.5/10
A suivre : Gigi