Bravo Jeremy pour l'initiative de voir ou revoir dans l'ordre toute la filmo de Minnelli ! Personnellement, c'est une aventure à laquelle j'aurais sans doute pu me prêter il y a bien des années mais qui serait au-dessus de mes forces aujourd'hui. Minnelli est, à mon grand regret, le réalisateur qui, du plus haut qu'il était pour moi quand j'étais ado, est tombé au plus bas 25 ans plus tard (enfin ,j'exagère un peu en disant au plus bas, mais l'idée y est).
Quand j'avais une quinzaine d'années, je vénérais Minnelli dont je voyais tous les films dans les cinés du Quartier Latin à Paris lors des rétrospectives et dont je ne manquais jamais une redif à la télé. J'aimais son style souvent opératique, son sens des compositions, son utilisation de la couleur (ou du N&B), les actrices (surtout les actrices) qu'il utilisait et les thématiques récurrentes de ses film qui fait la part belle à la mélancolie comme l'isolement dans la foule, les rêves brisés, la nostalgie.
Je n'ai plus vu de film de Minnelli pendant des années et puis il y avec l'arrivée du DVD, j'ai voulu les revoir. Et là, ça a été la catastrophe. Tout ce qui faisait que j'avais aimé Minnelli s'est retourné contre lui : ce qui me paraissait merveille de légereté et de style me semblait maintenant (et peut-être encore plus aujourd'hui) une chappe de lourdeur et d'empesage, le triomphe d'une artificialité d'apparat qui vide presque chacun de ses films de sa substance émotionnelle. Les personnages minnelliens sont prisonniers des décors du studio et de l'apprêt de sa réalisation et, comme des poissons dans un bocal, me font de la peine à autant manquer d'oxygène. Où je voyais fable hier, je ne vois plus que caricature aujourd'hui.
J'ai revu The Bad & the Beautiful il y a quelques semaines et à part pendant quelques trop rares belles scènes sur lesquelles tout le monde est d'accord, je me suis mortellement ennuyé pendant toiut le film, me demandant bien comment je pouvais en avoir un si bon souvenir. A forcer le trait et l'artifice, Minnelli efface le vivant et anémie l'histoire qu'il raconte. All About Eve de Mankiewicz, qui n'est pas loin de The Bad dans son esprit, vole mille lieues au-dessus. Ca m'a sauté aux yeux.
Ziefgeld Follies, The Clock, Undercurrent, An American in Paris, Brigadoon, Lust for Life (qu'est-ce que j'ai aimé celui là pourtant !), Gigi, Somme came Running, Four Horsemen... ont tous de beaux moments mais globalement, ce sont pour moi des monuments d'ennui par la faute principale de Minnelli qui confond théâtre et cinéma et empêtre ses acteurs et son histoire dans les plis du rideau. Les pires étant sans doute... mais je ne le dirai pas pour ne pas provoquer la tempête.
Je voudrais revoir Tea & Sympathy dont l'histoire se prête bien à la préciosité minnellienne (et préciosité n'est pas sensibilité) et qui doit rester passionnant pour cela. Bien sûr, Meet Me in Saint Louis est sublime (de très loin, son film que je préfère), Madame Bovary est excellent, The Band Wagon aussi et Father of the Bride, dans un genre plus mineur. Bref, Minnelli est un réalisateur que j'ai globalement adoré, et qui, aujourd'hui (et une fois encore je le regrette car c'est le seul réalisateur qui soit ainsi tombé de si haut dans mon panthéon personnel) me semble difficilement supportable. Tout cela étant bien sûr totalement subjectif et sans importance capitale...