HALLOWEEN 666 : L’ORIGINE DE MICHAEL MYERS
(aka The Producer's cut)
Réalisé six ans après le précédent volet, HALLOWEEN 6 : LA MALEDICTION reste l’épisode le moins aimé de la longue saga consacrée à Michael Myers. Difficile à trouver de manière officielle, il n’a pas eu droit, contrairement aux autres « Halloween », à une sortie en salles en nos contrées et l’unique dvd zone 2 disponible est une édition belge à la qualité plus que douteuse. Aujourd’hui, pourtant, au moins cinq versions différentes circulent de par le monde.
Tourné en automne 1994, le métrage, d’abord envisagé sous la caméra de Fred Walton ou de Scott Spiegel, atterrit entre les mains de Joe Chapelle. Après un tournage houleux et de constants remaniements de scénario, HALLOWEEN 6, une fois terminé, subit l’épreuve de la « projection test » devant un parterre d’adolescents avides de gore. Ceux-ci reprochent au film d’être confus, de manquer de scènes chocs et d’embrouiller la mythologie en y incluant une secte druidique. La fin, qui montre la malédiction passer du corps de Myers au docteur Loomis est également critiquée. Des « problèmes » déjà pointé par Chapelle qui se désolidarise du script initial et part remanié, à la même période, le HELLRAISER BLOODLINES du démissionnaire Kevin Yagher.
Sous la pression du public, la fin d’HALLOWEEN 6 est modifiée, une vingtaine de minutes sont coupées et pratiquement toutes les allusions à la secte Thorn retirées du scénario. De nouvelles scènes sont également retournées, en dépit du décès de Donald Pleasence, pour atteindre la durée réglementaire et que le film, bâti de bric et de broc, tienne debout malgré les changements successifs effectués. Cette version sort dans les salles américaines sous le titre HALLOWEEN : THE CURSE OF MICHAEL MYERS et s’avère une terrible déception critique même si l’accueil public se montre, pour sa part, nettement plus chaleureux et permet à la production de tripler sa mise uniquement grâce aux recettes nord-américaines. Peu après, une version « director’s cut » apparaît, laquelle réintègre deux séquences (l’ouverture et la conclusion) et amène davantage de gore, coupé pour des raisons de classification R au lieu de NC 17. Un « TV cut » existe également mais c’est surtout la découverte de la version « workprint », dite « producer’s cut » (et surnommée de manière officieuse HALLOWEEN 666) qui alimente le débat et enflamme les amateurs de la saga. Au fil des années, cette version « pirate » circule parmi les fans et restaure une partie de sa cohérence à une intrigue devenue pratiquement incompréhensible dans le montage destiné aux salles obscures.
Ce « producer’s cut » diffère grandement de la version retournée par Joe Chapelle puisqu’elle compte pas moins de 44 minutes de métrage alternatif. Autant dire qu’il s’agit d’un tout autre film, nettement plus convaincant et cohérent même si nous sommes encore loin d’un chef d’œuvre, les tripatouillages effectués avant même l’entame du tournage sur le scénario ayant été fort préjudiciable à un projet qui s’annonçait pourtant excitant. Le scénariste Daniel Farrands, grand fan de la saga et de slasher (on lui doit des documentaires sur VENDREDI 13, LES GRIFEFS DE LA NUIT ou SCREAM) espérait en effet « boucler la boucle » et unifier toute la riche mythologie précédemment mis en place. Des personnages mentionnés ou aperçus dans les épisodes précédents sont ainsi réintroduits aux côtés de Myers et du docteur Loomis, comme le docteur Wynn, Tommy Doyle ou Jamie, la fille de Laurie Strode. Plus étonnant, HALLOWEEN 666 entretient même quelques liens avec l’excellent HALLOWEEN 3 : LE SANG DU SORCIER, épisode « pirate » qui ne met pas en scène les éléments coutumiers de la série (la ville d’Haddonfield, le docteur Loomis et le tueur Michael Myers). Les deux films, en effet, traitent d’une secte maléfique et d’expériences démoniaques orchestrées à l’aide d’antiques runes druidiques. HALLOWEEN 666 fait ainsi du croque-mitaine Michael Myers une créature possédée, une sorte de pantin dont les actes sont guidées par une congrégation de druides modernes corrompus décidés à donner naissance au «Mal » dans sa forme la plus pure. L’intrigue, pour sa part, se veut ambitieuse et complexe, loin de la simple enfilade de meurtres généralement proposés par les slashers.
Présumée morte dans une explosion en même temps que l’assassin masqué Michael Myers, la jeune Jamie a, en réalité, été kidnappée et maintenue en détention pendant six ans par la secte druidique Thorn, menée par le mystérieux Homme en Noir. Après avoir accouché de son enfant (celui de Myers), Jamie s’enfuit et tente de prévenir le docteur Loomis. Pendant ce temps, le jeune Tommy Doyle (gardé par la baby-sitter Laurie Strode une vingtaine d’années auparavant) revient à Haddonfield. La ville s’apprête enfin à tourner la page et à célébrer à nouveau Halloween, les autorités, convaincues de la mort de Myers, ayant levé l’interdit sur cette fête bannie pendant des décennies. Tommy Doyle finit par trouver l’enfant abandonné de Jamie, qu’il baptise Steven, et, aidé du docteur Loomis, tente de le mettre en sureté. Myers, de son côté, revient vers sa maison natale toujours guidé par les agissements de l’Homme en Noir…
HALLOWEEN 666 permet de retrouver Donald Pleasence, à qui le film est dédié, qui effectue là son ultime tour de piste dans le rôle du psychiatre acharné Sam Loomis. Très âgé (75 ans au compteur) et fort diminué, l’acteur se traine, au propre comme au figuré, durant l’entièreté du métrage. Cette prestation, à la fois émouvante et pathétique, s’inscrit parmi les rares « valeurs ajoutées » d’un film sinon décevant. Si un tournage chaotique explique, en grande partie, l’échec du métrage, difficile de ne pas blâmer Joe Chapelle (depuis reconverti réalisateur et producteur sur des séries télévisées comme « Les Experts : Miami » ou « Fringe ») pour ses idées saugrenues. Ayant complètement remanié le scénario initial de Daniel Farrands, le cinéaste est responsable d’un terrible appauvrissement de l’intrigue. Opposé aux visées plus « intellectuelles » du scénariste, Joe Chapelle préféra axer son film sur le divertissement pop-corn destiné aux adolescents. Trouvant les dialogues explicatifs et les scènes intimistes « emmerdantes », il privilégia une approche « basique » et se contenta d’enchainer les scènes horrifiques et les crimes sanglants.
Si le montage enfin visible d’HALLOWEEN 666 restaure une partie des ambitions initiales et lui redonne un semblant de dignité, difficile de ne pas râler devant le gâchis étalé sous nos yeux. Dommage pour Farrands qui s’était visiblement appliqué à terminer la saga de manière habile et à conclure les différentes trames narratives précédemment établies, en particulier dans les épisodes 4 et 5. L’échec de cette louable tentative louable amena d’ailleurs les producteurs à supprimer purement et simplement cette trilogie « sectaire » de la continuité de la série puisque HALLOWEEN H20 reprend l’intrigue à partir d’HALLOWEEN 2, dans un monde où nul n’a plus vu Myers depuis 1978.
En dépit de son côté bricolé et troué comme une passoire, cet HALLOWEEN 666 « composite » constitue une indéniable amélioration par rapport au pitoyable montage signé Joe Chapelle. Si les variations de qualité d’image sont gênantes (les scènes issues du workprint sont franchement « sales »), l’intérêt de ce métrage additionnel dans l’approfondissement de la mythologie d’HALLOWEEN vaut le coup d’œil pour les amateurs de Michael Myers. Si le film ne vole pas très haut, il redevient au moins acceptable et plus compréhensible, parvenant à boucler la saga de façon correcte et à se hisser jusque la moyenne. C’est peu mais, comparativement à l’immonde « director’s cut », c’est déjà beaucoup. A découvrir par curiosité.