Salut à tous ! Néophyte sur ce forum mais kubrickien de longue date, je passe pour préciser quelques points.
En ce qui concerne la présence ou l'absence de suppléments sur les DVD… Je ne pense pas que Kubrick était forcément opposé à leur existence — d'ailleurs les différentes éditions de Docteur Folamour sont bardées de bonus. De son vivant, il a autorisé la diffusion du document Making the Shining, où l'on peut voir le prestidigitateur à l'œuvre : ce n'est donc pas là le problème. De même, le making-of sur Full Metal Jacket étant inachevé, il est resté dans les tiroirs pendant des années, mais on le verra certainement un jour.
En revanche, ce qui est clair, c'est que Kubrick a fait tout ce qu'il était possible pour bloquer la diffusion des scènes supprimées de Docteur Folamour, 2001 et Shining, parce que pour lui elles ne font pas partie des films et doivent être oubliées. La bataille de tartes à la crème, j'ai peur qu'on doive l'attendre encore très longtemps. Idem pour son premier long-métrage Fear and Desire, dont il n'était pas très fier.
[Notons tout de même que la version américaine de Shining continue de proposer un montage différent (plus long) que la version internationale — les kubrickiens peuvent toujours acheter le Zone 1.]
Deuxième sujet, Kubrick serait en retard sur tout, techniquement, concernant notamment le format de ses films ?
Tout dépend de quoi on parle… Sur le plan du tournage et de l'exploitation en salles, les films de Kubrick ont pratiquement toujours bénéficié des techniques les plus avancées : 2001 tourné en 70 mm avec 6 pistes sonores séparées… Orange Mécanique, tout premier film dont la bande-son ait été enregistrée avec le système de réduction de bruit Dolby… et bien sûr Shining pour lequel il embauche Garrett Brown, inventeur de la Steadycam.
On a parfois reproché à Kubrick d'avoir tourné « tous ses films » en mono… Je rappelle donc que Spartacus et 2001 ont bénéficié d'une bande-son stéréo 6 pistes, tandis qu'à l'époque de Orange Mécanique et Barry Lyndon le choix n'existait pas (les systèmes particuliers offrant la stéréo comme le CinemaScope ou le 70 mm ayant été quasiment abandonnés). Les deux seuls films qui auraient pu bénéficier du Dolby Stéréo sont donc Shining et Full Metal Jacket ; mais en 1979, le dolby Stéréo ne s'était pas encore imposé (peu de salles étaient équipées pour le lire). Et pour Full Metal Jacket, il s'agit vraisemblablement d'un choix esthétique. Voilà pour le débat sur le son: il n'y a en réalité qu'un seul film que Kubrick ait choisi d'enregistrer en mono.
En fait, ce qui chagrine certains d'entre vous, ce sont ses choix concernant l'exploitation vidéo, non l'exploitation en salles… Débat certes intéressant, mais totalement annexe, un film restant pour moi une œuvre destinée à être projetée dans une salle au rythme de 24 images par secondes.
Cela étant dit… Kubrick a certainement eu l'occasion, de son vivant, de voir diffusé à la télévision le 2.20 de 2001 joyeusement recadré en 4/3 et je pense que ça ne lui a pas plu. Il a également eu l'occasion de voir le même film diffusé à la télévision avec de grandes bandes noires, d'imaginer l'image minuscule que cela implique pour les téléspectateurs équipés d'un poste de petite taille, et je pense que ça ne lui a pas plu non plus…
Il a certainement eu l'occasion, également, de constater comme on peut le faire encore aujourd'hui que les formats autres que le 4/3 sont traités n'importe comment par les chaînes de télévision (personnellement, j'ai découvert Les Aventuriers de l'arche perdue en 4/3…). Il a également pu constater (cf. témoignage dans le Kubrick de Michel Ciment) que les projectionnistes eux-mêmes n'ont parfois aucun scrupule à projeter un film cadré n'importe comment s'ils n'ont pas le bon cache sous la main.
Bref. Le choix de tourner ses derniers films, à partir de Barry Lyndon au moins et sans doute même Orange Mécanique, en « open matte » (cf. document ci-dessus pour le cadrage de Shining) est une manière de résoudre le problème définitivement : on fournit à tout le marché (télévision et vidéo) un master unique en 4/3, ce qui évite aux diffuseurs de se poser des questions ou de commettre une erreur.
Parce qu'il a prévu les choses ainsi, Kubrick était-il « en retard » ?… Ce n'est pas mon avis, en tout cas.
J'espère que je n'ai pas été trop long. Amitiés à tous !
Sh.
PS: sur le cas Eyes Wide Shut, le Kubrick Archives contient un document similaire à celui concernant Shining : Tom Cruise devant un écran qui comporte des repères de cadrage 4/3 et 1.85. Alors qu'en est-il de ces éléments qui disparaissent du master vidéo 4/3 ? Je suppose que dans certains cas précis, l'image a pu être volontairement recadrée pour éviter de montrer des choses qu'on ne voit pas en 1.85. Par exemple dans la scène de Cruise et Kidman devant le miroir, on peut supposer que l'image complète dévoilerait un peu trop de nudité par rapport à l'image cinéma. Ce n'est qu'une hypothèse, il faudrait une copie complète du cadrage cinéma pour comparer.
Coffret Kubrick, nouveaux suppléments
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Et cela devrait être le cas de toutes les scènes coupées au montage par n'importe quel réalisateur. Avec les making of promotionnels, les scènes coupées sont l'autre genre de bonus que je ne regarde jamais.Shagmir a écrit :En revanche, ce qui est clair, c'est que Kubrick a fait tout ce qu'il était possible pour bloquer la diffusion des scènes supprimées de Docteur Folamour, 2001 et Shining, parce que pour lui elles ne font pas partie des films et doivent être oubliées.
Sinon, merci pour ton texte et les explications concernant les formats utilisés par K.
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Je partage en partie ton opinion sur les scènes coupées. Et pourtant… Je crois que j'aurais plaisir à voir un jour la séquence finale coupée de Shining ou les scène supprimées de 2001.
(J'ai fait une petite édition de mon post qui comportait des fautes de frappe dans les formats ; j'avais écrit 4.3 au lieu de 4/3.)
(J'ai fait une petite édition de mon post qui comportait des fautes de frappe dans les formats ; j'avais écrit 4.3 au lieu de 4/3.)
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Bon , ça en est où ces rééditions ?
Perso, si le master est bel et bien identique, je ne pense pas repasser à la caisse, juste pour des suppléments.
La qualité technique des Warner actuels est excellente, et bizarrement, bien qu'étant assez friand de bonus, je m'en passe fort bien avec les Kubrick (étrange ça), l'expérience de visionnage du film se suffisant en soi.
Quoique j'aime bien le making-of de sa fille Vivan sur Shining. Très sympa. Le reste sera t-il de cette qualité ? Question...
Sinon, j'ai revu hier soir Orange mécanique, qui, tout en restant un très bon film, ne fait plus partie de mes sommets Kubrikiens (le film s'étire un peu inutilement vers la fin et je trouve la "morale" un peu trop appuyée, prévisible et "simpliste" -notez les guillemets, hein-). Je lui préfère nettement Shining ou Barry Lyndon, notamment. Mais bon, un Kubrick mineur reste un très bon film.
Perso, si le master est bel et bien identique, je ne pense pas repasser à la caisse, juste pour des suppléments.
La qualité technique des Warner actuels est excellente, et bizarrement, bien qu'étant assez friand de bonus, je m'en passe fort bien avec les Kubrick (étrange ça), l'expérience de visionnage du film se suffisant en soi.
Quoique j'aime bien le making-of de sa fille Vivan sur Shining. Très sympa. Le reste sera t-il de cette qualité ? Question...
Sinon, j'ai revu hier soir Orange mécanique, qui, tout en restant un très bon film, ne fait plus partie de mes sommets Kubrikiens (le film s'étire un peu inutilement vers la fin et je trouve la "morale" un peu trop appuyée, prévisible et "simpliste" -notez les guillemets, hein-). Je lui préfère nettement Shining ou Barry Lyndon, notamment. Mais bon, un Kubrick mineur reste un très bon film.

- cinephage
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Pas d'accord du tout. Les scènes coupées peuvent se révéler intéressantes à plus d'un titre.Colqhoun a écrit :Et cela devrait être le cas de toutes les scènes coupées au montage par n'importe quel réalisateur. Avec les making of promotionnels, les scènes coupées sont l'autre genre de bonus que je ne regarde jamais.Shagmir a écrit :En revanche, ce qui est clair, c'est que Kubrick a fait tout ce qu'il était possible pour bloquer la diffusion des scènes supprimées de Docteur Folamour, 2001 et Shining, parce que pour lui elles ne font pas partie des films et doivent être oubliées.
Certaines scènes sont coupées simplement pour que le film garde une durée précise. Elles peuvent donc être parfaitement réussies en elles-même, mais écartées pour des raisons commerciales.
D'autres scènes peuvent marcher en elles-même, mais détourner le spectateur de ce que souhaite lui transmettre le metteur en scène.
D'autres passages sont intéressants parce qu'ils révèlent le choix éditorial fait au montage. C'est une phase cruciale de la réalisation d'un film, particulièrement créative et riche, à laquelle on a peu accès (il n'y a pas de making of d'un montage. Seule la monteuse, son assistante et le réalisateur sont impliqués dans ces choix cruciaux (et/ou le producteur)). Montrer les 'chutes', c'est montrer ce travail, certes austère et de façon parfois un peu ardue (les chutes sont rarement étalonnées, à peine synchronisées et sans mixage...). Mais ce sont des éléments passionnants qui en disent long sur les choix de mise en scène accomplis jusqu'à la fin du film : ils démontrent que le tournage ne fait pas le film.
Ainsi, les scènes coupées de Ed TV révèlent l'existence de toute une intrigue parallèle qu'on a décidé d'évacuer parce que l'intrigue centrale se suffisait en elle-même.
De même, l'existence d'un personnage fantômatique de plus dans Fantômes contre Fantômes me parait intéressante à connaître.
Que Kubrick ne veuille pas qu'on mette le nez dans ses brouillons, c'est son choix le plus légitime. Mais c'est là qu'on pourrait en apprendre le plus sur sa façon de travailler.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell