cinephage a écrit :Sur la montée du nazisme, je pense toujours à Cabaret, de Bob Fosse.
Je trouve que le contraste entre les chorégraphies très 'libres', pour ne pas dire provocantes, du cabaret et la progression en visibilité des idées nazies, puis des actes violents, est particulièrement saisissant, et provoque avec efficacité le dégout, puis l'horreur du spectateur.
Par contraste chez Visconti pour Les Damnés, le nazisme s'installe (dans sa première étape SA contre SS) au pic de la provocation (Helmut Berger se travestit en famille) et progresse à mesure que toute la famille se fasse encore plus "libre" et dégénère.
En effet, mais Visconti nous fait "témoins" de cette famille dans sa plongée vers l'horreur.
Cabaret nous met du coté des persécutés.
Les deux démarches se justifient, mais, du coup, j'ai un rapport plus affectif avec Cabaret qu'avec les Damnés, que j'apprécie sur un mode plus "analytique".
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
La Prise de pouvoir par Louis XIV (Roberto Rossellini, 1966). Mazarin se meurt. Celui qui a redressé l'autorité royale auprès d'une noblesse frondeuse s'inquiète du devenir de sa politique ; il lègue au jeune roi sa fortune et un ministre dévoué, énergique et clairvoyant.
Le jeu sans éclat des acteurs ne doit pas fausser l'appréciation de l'oeuvre. Rossellini nous livre un exposé didactique de la véritable révolution copernicienne que fut l'avènement d'un nouvel astre monarchique : le roi absolu, maître et intendant de son royaume. De longs plans témoignent d'un souci archéologique, voire ethnologique pour la société française du XVIIe siècle. Rossellini rejète toute dramaturgie au profit d'une captation des us, des ambitions et des contradictions d'une époque. Il filme les mouvements de fond d'une société en pleine mutation, il instruit ses spectateurs des enjeux de ce temps, sans passion ni déterminisme. Au pathos, il substitue le naturel restitué du quotidien. Froideur précieuse diront certains, respect de son auditoire répondront d'autres. Et dire qu'il s'agit d'un téléfilm, trace archéologique au combien précieuse d'un temps où l'on croyait encore au rôle éducatif de la télévision.
Dimanche soir dernier sur Arte j'ai suivi avec intérêt le film de Charles Jarrot, Marie Stuart, reine d'ecosse avec Vanessa Redgrave. Aujourd'hui en fouinant au Virgin j'ai hésité à prendre Elizabeth avec Cate Blanchett sur le même sujet à priori. Des avis sur ce film ?
Ma plus récente découverte a été Hiroshima mon amour, qui offre un regard nouveau sur la noire période 39-45 et plus généralement le contexte de la première moitié du vingtième siècle dans sa seconde partie Guerre et après-guerre, sont analysés pour aboutir à un film sur le passé, la mémoire, l'oubli. Un constat terrible, une époée de l'échec.
Comme le prouve cette relation vouée justement à l'échec et qui ne fait que rappeler à chacun des défaîtes déjà vécues.
Un film dont on retrouve l'empreinte bien souvent, de In The Mood For Love à Sur la Route de Madison en passant par La Double Vie de Véronique (les captures mêmes du Kieslowski permettent de voir un parallèle très clair entre Irène Jakob et Emmanuelle Riva).
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
Ni Le Guépard de Visconti, ni Le Colonel Blimp de Powell, ni surtout les classiques néo-réalistes n'ont été encore cités, si je ne m'abuse.
Le Guépard est peut-être ce qui m'a été donné de voir de plus profond en matière de film historique. Passage de relais d'une génération et d'une classe sociale à une autre dans le cadre de la révolution italienne, refus de s'associer au flot de l'histoire en marche tant chez l'aristocrate, le Prince Salinas (prodigieux Lancaster), que chez certains siciliens (cf le chasseur joué par Reggiani), affirmation d'un nouvel ordre immédiatement après le bouleversement historique (cf le bruit du peloton d'execution entendu quand Tancrède (Delon) revient du bal en diligence à la fin du film), enfin, film sur l'attente de la mort chez Salinas, Le Guépard touche au sublime. En outre, même si cela a été beaucoup dit, comment ne pas voir chez Visconti (noble homosexuel) une empathie avec Salinas qui disparait avec son temps?
Le Colonel Blimp, à-mi chemin du film historique et du film de la nostalgie décrite comme une profonde subjectivité susceptible de changer sa propre réalité (cf les retours émouvants de Deborah Kerr, incarnant l'amour de jeunesse perdu) est une variation sur le thème de l'amitié entre un anglais et un allemand, au-delà des vicissitudes de la guerre, sans toutefois que Powell et Pressburger s'embarrassent des considérations de Renoir sur les solidarités de classe qui traversent La Grande Illusion. Cela en fait un film d'une poésie et d'une nostalgie inouies.
Mais le lieu où les films historiques s'incarnent finalement le mieux restent les films néo-réalistes italiens je trouve. Rome Ville Ouverte, Païsa et Allemagne Année Zéro de Rosselini, débarrassés du discours méta-historiques des films cités plus haut (et pour cause, leur date de tournage correspond pratiquement aux dates où sont censés se dérouler ces films) donnent une vision claire et directe d'une époque historique grâce au tournage en extérieur. Il en va de même du Voleur de bicyclette de De Sica ou de Chien Enragé de Kurosawa, film néo-réaliste japonais d'une force inouie sur le Japon d'après-guerre.
Ne m'étant jamais intéressé à la question, je ne sais si une analyse a été conduite sur le fondement d'une distinction claire entre films historiques tournés à l'époque de l'action du film et films historiques où ces époques diffèrent (et qui contiennent souvent un discours para ou méta-historiques avec des rapprochements inconscients ou voulus avec l'époque de tournage), mais cette distinction très simple me parait particulièrement féconde (bon, j'imagine que cela a été fait).
Strum a écrit :Ne m'étant jamais intéressé à la question, je ne sais si une analyse a été conduite sur le fondement d'une distinction claire entre films historiques tournés à l'époque de l'action du film et films historiques où ces époques différent (et qui contiennent souvent un discours para ou méta-historiques avec des rapprochements inconscients ou voulus avec l'époque de tournage), mais cette distinction me parait féconde.
Distinction très intéressante en effet. J'aurais tendance à ranger les films contemporains des évènements dans les catégories du pamphlet ou de l'essai didactique, selon le ton de l'oeuvre ; le but n'étant pas d'instruire les spectateurs sur une époque étrangère à aux mêmes mais plutôt de clarifier les tenants et aboutissants des évènements en marche, ou bien d'y plaquer une théorie sociologique ou une idéologie.
"Le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti" (Albert Camus)
AlexRow a écrit :J'aurais tendance à ranger les films contemporains des évènements dans les catégories du pamphlet ou de l'essai didactique, selon le ton de l'oeuvre ; le but n'étant pas d'instruire les spectateurs sur une époque étrangère à aux mêmes mais plutôt de clarifier les tenants et aboutissants des évènements en marche, ou bien d'y plaquer une théorie sociologique ou une idéologie.
Je crois que je pencherais plutôt pour l'inverse. L'exploration d'une époque historique différente de celle du cinéaste a souvent été une occasion pour l'appréhender rétrospectivement au travers du prisme d'une idéologie ou d'une pensée contemporaine. L'époque contemporaine déteint alors sur l'époque historique. Je pense à Potemkin et Ivan Le Terrible de Eisenstein ou à Roublev de Tarkovski. Ou même, plus récemment et dans un autre genre, Good Night and Good Luck ou Munich qui permettent à Clooney et Spielberg de critiquer indirectement Bush.
Jack Griffin a écrit :On parle de films historiques ou alors de films ayant pour toile de fond des évenements historiques ?
Cela me parait assez difficile de faire la part des choses (le cinéma est de toute façon un art profondément subjectif). Je serais donc partisan d'une conception large.