Re: Raoul Walsh (1887-1980)
Publié : 6 août 09, 11:51
en quoi ai-je mal interprété ton propos cité ?Si je peux me permettre, je pense que tu fais erreur, à la fois dans ce que je voulais dire, et dans ce que la fin du film signifie.
en quoi ai-je mal interprété ton propos cité ?Si je peux me permettre, je pense que tu fais erreur, à la fois dans ce que je voulais dire, et dans ce que la fin du film signifie.
Oui, mais ce n'est pas une boucherie due à l'inconscience d'un chef, c'est le débarquement sur Saipan, qui a été un des événements majeurs de la guerre du Pacifique et qui, de toute façon, devait causer un grand nombre de morts.Tancrède a écrit :Dans le film, on ne se fout pas du sacrifice du colonel puisqu'il me semble que c'est suite à ça que le régiment adopte son nom ou son surnom en tant que "Battle cry". De plus, c'est clairement dit par le narrateur que nettoyer les plages, c'est pas gégène quand on est des Marines et à mon sens le fait d'armes final est plus présenté comme une couteuse mais glorieuse victoire que comme une boucherie due à l'inconscience d'un chef.
En ce que je ne cherchais pas à donner un point de vue humaniste (mais c'est peut-être mal fait), mais à souligner l'anonymat de ce "sacrifice" (d'où la bêtise, plus que l'irresponsabilité du geste d'Huxley). Je trouve que Walsh s'attache à décrire des destins individuels dans leurs vies sentimentales et non dans les combats, pour mieux faire ressortir le caractère général et anonyme du sacrifice en question. C'est en cela que le terme "sacrifice droitier" ne me semble pas approprié, ni sacrifice d'ailleurs. Il montre un pays en guerre et certes il fait l'éloge de ceux qui ont été se battre mais il raconte une histoire collective. Un film fasciste (autant être clairTancrède a écrit :en quoi ai-je mal interprété ton propos cité ?
On est d'accord sur tout ça, parce que la perspective n'est pas la même. Nos points de vue divergent sur la façon dont est montré le geste finale de Van Heflin, pas sur la bataille de Saipan en elle-même.Oui, mais ce n'est pas une boucherie due à l'inconscience d'un chef, c'est le débarquement sur Saipan, qui a été un des événements majeurs de la guerre du Pacifique et qui, de toute façon, devait causer un grand nombre de morts.
Le sujet du film, pour moi, c'est la présentation de la petite histoire dans la grande Histoire, d'ou son caractère épique en ce qu'il présente des individus au milieu d'une grande tourmente.
Après, il y a le scénario et le livre et je pense, comme le dit Ann Harding, que Walsh respecte avant tout la matière qu'on lui a donné (d'où probablement les histoires de Battle Cry par exemple).
Le personnage du colonel n'est pas odieux en soi, comme Thursday, et la bataille en question n'a rien, justement, d'un "sacrifice inutile". C'est une grosse opération militaire qui a simplement été plus rude que prévue, un peu comme Omaha Beach par rapport aux autres plages du débarquement en Normandie.
Je ne pense pas que Walsh remette en cause ce qui s'est passé à Saipan, ce n'est pas le sujet du film, et en le traitant comme un événement "glorieux", il n'en fait pas plus qu'un autre réalisateur qui traiterait du 6 juin, par exemple.
En revanche, sa touche personnelle, outre la mise en scène, bien sûr, je pense qu'elle est dans le fait que la "bataille" est traitée en moins de vingt minutes à la fin du film, et dans la critique qu'il fait, moins du colonel lui-même, que de l'"héroïsme" en général. Il fait l'éloge des gens qui ont été se battre là, c'est clair, mais s'il met en valeur les destins individuels des hommes par leurs histoires sentimentales, il ne le fait pas par leurs actes de bravoure, sauf à la fin, mais justement de manière collective.
j'ai interprété ton insistance sur le nombre de morts comme une importance accordée à la vie humaine en tant que telle, ce que j'appelle "humanisme" et que je ne retrouve pas, tout du moins pas sous cette forme là dans le film. Désolé de ma méprise.En ce que je ne cherchais pas à donner un point de vue humaniste (mais c'est peut-être mal fait), mais à souligner l'anonymat de ce "sacrifice" (d'où la bêtise, plus que l'irresponsabilité du geste d'Huxley).
En fait, c'est assez ambigü dans le film, probablement, parce qu'il cherche juste à souligner l'absurdité de demander à aller en première ligne quand on n'en a pas reçu l'ordre, sans pour autant remettre en question le fait que de toute façon, d'autres y auraient été à sa place. Il met en valeur le résultat collectif, mais il est critique sur le personnage d'Huxley.Tancrède a écrit :Nos points de vue divergent sur la façon dont est montré le geste finale de Van Heflin, pas sur la bataille de Saipan en elle-même.
La critique de l'héroïsme individuel, je la vois aussi dans la façon dont Huxley se fait tuer rapidement d'une balle perdue après son acte de bravoure consistant à demander à être en première ligne, ainsi que dans la scène comique de Spanish Joe.Tancrède a écrit :si je comprends bien, le fait de ne pas représenter d'acte de bravoure pendant deux heures est selon toi une critique de l'"héroïsme" ???
C'est vrai qu'en relisant, ça fait un peu "monument aux morts"Tancrède a écrit : j'ai interprété ton insistance sur le nombre de morts comme une importance accordée à la vie humaine en tant que telle, ce que j'appelle "humanisme" et que je ne retrouve pas, tout du moins pas sous cette forme là dans le film. Désolé de ma méprise.
je suis d'accord avec toi mais c'est quelque chose que l'on retrouve dans beaucoup de bons films de guerre américains (et Le jour le plus long n'en fait à mon sens pas partie). Les maraudeurs attaquent par exemple est beaucoup plus clair et percutant dans son éloge anti-héroïque du courage de chaque soldat. Je me souviens bien que Huxley est montré comme détaché de sa femme, mélancolique presque et ne vivant que pour son régiment. C'est juste quelque chose que je trouve au final estompé par une machine de propagande un peu grossière (est ce du au roman ou aux producteurs je ne sais pas).En fait, c'est assez ambigü dans le film, probablement, parce qu'il cherche juste à souligner l'absurdité de demander à aller en première ligne quand on n'en a pas reçu l'ordre, sans pour autant remettre en question le fait que de toute façon, d'autres y auraient été à sa place. Il met en valeur le résultat collectif, mais il est critique sur le personnage d'Huxley.
Quand Huxley meurt, il est aussitôt remplacé par son second et la bataille se termine "bien". Il y a d'ailleurs ensuite tout un discours sur le fait que Huxley était un solitaire qui ne parlait pas de sa famille, un type pour qui l'Armée était tout, un militaire "à l'ancienne".
C'est, pour prendre un exemple précis, tout le contraire d'un film comme Le Jour le plus long, qui montre comment chaque chef, l'un après l'autre, était un héros sans qui les choses ne se seraient pas passées de la même manière. Ici, il met en valeur le courage individuel en insistant sur ce que chacun perd ou risque de perdre, puis, quand on en arrive finalement au combat, il montre une masse anonyme, victorieuse certes, mais après nous avoir montré ce que chaque vie perdue signifiait.
C'est bien entendu une glorification des Etats-Unis en guerre, mais, dans le même temps, il met en valeur l'individu, non par un geste glorieux mais par ce qu'il perd en acceptant d'aller se battre, puis termine en soulignant le caractère dérisoire d'un geste glorieux individuel.
version enculage de mouche: qu'appelles tu une "balle perdue" ? Il me semble que Huxley se fait tuer par un obus au moment où il traverse un cours d'eau crucial pour l'avancée de la bataille.La critique de l'héroïsme individuel, je la vois aussi dans la façon dont Huxley se fait tuer rapidement d'une balle perdue après son acte de bravoure consistant à demander à être en première ligne, ainsi que dans la scène comique de Spanish Joe.
Je ne connais pas Les Maraudeurs (je l'ai mais pas encore vu) mais, dans cet esprit, cela me faisait justement penser à The Big Red One. Par contre, la vision de Walsh est certainement plus positive que celle de Fuller. Chez Fuller, on fait son boulot mais le côté absurde est bien présent. Dans Battle Cry, on fait la guerre pour des raisons positives et tout le monde trouve cela très bien.Tancrède a écrit :Les maraudeurs attaquent par exemple est beaucoup plus clair et percutant dans son éloge anti-héroïque du courage de chaque soldat. Je me souviens bien que Huxley est montré comme détaché de sa femme, mélancolique presque et ne vivant que pour son régiment.
Je pense que c'est du à Walsh, comme au roman ou à la production. Je ne vois pas trop en quoi ce film, en 1955, est plus propagandiste que d'autres. Par contre, le côté épique n'est pas toujours aussi bien rendu et c'est ce qui donne sa force poétique au film. L'épopée est rarement destinée à plomber le moral ou à donner une vision négative puisqu'elle est porteuse de légende. Walsh est plus du côté des créateurs de mythes que de ses destructeurs.C'est juste quelque chose que je trouve au final estompé par une machine de propagande un peu grossière (est ce du au roman ou aux producteurs je ne sais pas).
Balle perdue ou shrapnel, je ne sais plus, ce que je veux dire, c'est qu'il ne meure pas en situation héroïque mais comme n'importe quel trouffion qui se fait canarder.Tancrède a écrit :version enculage de mouche: qu'appelles tu une "balle perdue" ? Il me semble que Huxley se fait tuer par un obus au moment où il traverse un cours d'eau crucial pour l'avancée de la bataille.
Je le comprends bien. Mais je pense que tu seras d'accord pour dire que quelqu'un qui monte la scène de Spanish Joe se moque de l'héroïque des Murat-Custer en particulier et des placards de médailles en général, non? Que la scène soit dans le roman ou non, il lui donne une importance spéciale.Tancrède a écrit :version courte, au cas où tu as autre chose à faire de ton jeudi aprèm: je n'interprète pas ces signes comme toi mais soit.
bien sûr, c'est pas Le triomphe de la volonté ce film, j'aimé le film, je le rappelle.Mais le film n'est quand même pas une machine de guerre non plus et à défaut d'humanisme, il y a de l'humanité, on y voit le prix à payer, les morts ne sont pas glorieuses mais tristes, un des soldats avec l'histoire la plus attachante (d'ailleurs un moment déserteur) revient mutilé...c'est un film patriotique, bien sûr, mais aussi un film qui reste réaliste.
il est moins sec, moins terre-à-terre, plus emphatique que je sais pas moi, Cote 465 ou Bastogne. Sans parler de Attack!. ou même Les nus et les morts tiens !Je pense que c'est du à Walsh, comme au roman ou à la production. Je ne vois pas trop en quoi ce film, en 1955, est plus propagandiste que d'autres.
Ok, c'est sûr, il allait pas non plus le faire mourir à la Errol Flynn dans They died with their boots on.Balle perdue ou shrapnel, je ne sais plus, ce que je veux dire, c'est qu'il ne meure pas en situation héroïque mais comme n'importe quel trouffion qui se fait canarder.
j'ai trouvé ça très drôle mais sur le coup, j'avoue que je ne l'ai pas interprété comme une satire de l'héroïsme. Pour moi, elle transcendait un personnage qui jusque là se réduisait à sa fourberie (j'ai aimé le regard du second de Huxley dans cette scène, chargé d'une sorte de compassion, d'attendrissement). Mais ici, ton interprétation se tient.Je le comprends bien. Mais je pense que tu seras d'accord pour dire que quelqu'un qui monte la scène de Spanish Joe se moque de l'héroïque des Murat-Custer en particulier et des placards de médailles en général, non? Que la scène soit dans le roman ou non, il lui donne une importance spéciale.
Là, je suis bien d'accord avec toi, sauf que cela ne me gêne pas. Ca participe justement à l'aspect épique du film. Les nus et les morts, je ne l'ai pas vu.Tancrède a écrit :il est moins sec, moins terre-à-terre, plus emphatique que je sais pas moi, Cote 465 ou Bastogne. Sans parler de Attack!. ou même Les nus et les morts tiens !
D'accord aussi là-dessus, d'autant que dans de nombreux films de guerre, le personnage du "mauvais garçon" devient un héros du fait de son caractère audacieux. Ici, c'est le contraire, il rentre dans le groupe.Tancrède a écrit :j'ai trouvé ça très drôle mais sur le coup, j'avoue que je ne l'ai pas interprété comme une satire de l'héroïsme. Pour moi, elle transcendait un personnage qui jusque là se réduisait à sa fourberie (j'ai aimé le regard du second de Huxley dans cette scène, chargé d'une sorte de compassion, d'attendrissement)