BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE
Les italiens ayant toujours été prompts à réagir aux succès du box-office, le triomphe du EMMANUELLE de Just Jaeckin leur inspira rapidement cette déclinaison exotique. Un juste retour des choses puisque la première version du roman d’Emmanuelle Arsan avait été réalisée par Cesare Canevari en 1969 sous le titre de MOI, EMMANUELLE. Laura Gemser qui, ironiquement, avait un rôle secondaire (celui d’une masseuse) dans la suite officielle du Jaekin, EMMANUELLE 2 : L’ANTI VIERGE se voit promue en tête du générique de BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE. La belle Indonésienne, alors âgée de 25 ans et resplendissante de beauté, devient ici Mae Jordan, dite Emanuelle (un tripatouillage pour éviter les problèmes de droits), une journaliste bisexuelle sérieusement nymphomane qui parcourt le monde à la recherche de reportages photographiques surprenants. Au cours des années ’70 et jusqu’au début de la décennie suivante, Laura Gemser interpréta Emanuelle dans une dizaine de films, d’abord sous la direction de Joe d’Amato (BLACK EMANUELLE EN ORIENT, EMANUELLE EN AMERIQUE, EMANUELLE ET LES FILLES DE MADAME CLAUDE, EMANUELLE AUTOUR DU MONDE et EMANUELLE ET LES DERNIERS CANNIBALES) puis sous celle de Bruno Mattei (PENITENCIER DE FEMMES et REVOLTE AU PENITENCIER DE FILLES). Parallèlement, Laura Gemser fut encore Emanuelle (ou plutôt d’autres « Emanuelle », sans véritablement lien avec son personnage de reporter intrépide) dans EMANUELLE ET LES COLLEGIENNES, LES SECRETS EROTIQUES D’EMMANUELLE, DIVINE EMANUELLE ou LES 7 SALOPARDS. Un beau palmarès auquel il faut ajouter les deux volets d’EMANUELLE E LE PORNO NOTTI NEL MONDO, pseudo documentaires « mondo » racoleurs sur le monde du sexe, confectionnés par Bruno Mattei et Joe d’Amato.
Premier volet de cette interminable saga, BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE, fut réalisé en 1975 par le vétéran du cinéma populaire italien Bitto Albertini, auquel on doit vingt-quatre films dans les genres les plus divers, comme 3 SUPERMEN A TOKYO, LE RETOUR DU GLADIATEUR LE PLUS FORT DU MONDE ou LE RETOUR DE SHANGHAI JOE. Décidé à exploiter le filon ouvert par ce BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE, Albertini récidiva avec YELLOW EMANUELLE (alias L’EVEIL DES SENS D’EMY WONG) puis BLACK EMANUELLE 2 (devenu en France, inexplicablement, JUSTINE BONNE A TOUT FAIRE 2) dans lequel l’inconnue Shulamith Lasri incarne Emanuelle suite au désistement de Laura Gemser.
Dans cette aventure inaugurale, Emanuelle débarque en Afrique et se trouve au cœur des disputes entre ses hôtes, Ann et Gianni Danieli, un couple à la fois libre et dysfonctionnel. La belle journaliste ne tarde d’ailleurs pas à être séduite tant par le mari que par son épouse et, déboussolée, finit par quitter l’Afrique pour garder sa liberté…après bien des corps à corps énergiques avec les indigènes.
Sans surprise et sans grand intérêt, le scénario de BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE se conforme aux attentes et ambitions (basses) du produit érotique de consommation courante, loin des aventures beaucoup plus mouvementées que la reporter vivra par la suite. En effet, dans ses futures péripéties, Emanuelle va parcourir le monde, démanteler un réseau de prostitution forcée, enquêter sur les snuff movies, affronter des cannibales ou même subir divers sévices dans des prisons de femmes. Ici, malheureusement, la nymphette se contente de partager ses faveurs entre Angelo Infanti (aperçu dans LE PARRAIN) et Karine Schubert (qui, après LA FOLIE DES GRANDEURS, se tourna vers l’érotisme puis la pornographie pure et dure). Gabrielle Tinti, époux et complice habituel de Laura Gemser, complète la distribution.
Routinier et banal sont deux mots qui conviennent parfaitement à BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE, mis en scène sans la moindre inspiration par un Bitto Albertini peu à l’aide avec les aspects sexy du long-métrage. Le cinéaste propose ainsi un spectacle anodin, digne d’un téléfilm de seconde partie de soirée, où l’érotisme se limite à une nudité complaisante et à une poignée de scènes chaudes, hélas interrompues après une dizaine de secondes. Frustrant, d’autant que les inserts « hardcore » disséminés dans le métrage ne le rendent pas plus excitant pour autant. A vrai dire, ces quelques secondes pornographiques (environ deux minutes sur l’ensemble du film) s’avèrent même risibles puisque réalisées avec de très manifestes doublures, comme cette demoiselle anonyme qui masque son visage sous ses mèches de cheveux à la manière du « sosie » de Bela Lugosi dans PLAN 9 FROM OUTER SPACE. Un vrai spécialiste de l’érotisme, comme Joe d’Amato, aurait sans doute pu sublimer cette intrigue poussive et bien trop bavarde pour maintenir l’intérêt mais le paresseux Albertini n’offre au spectateur que le service minimum et, par conséquent, échoue à le satisfaire.
Si, dans l’ensemble, BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE est ennuyeux et peu sensuel, on y trouve cependant l’une ou l’autre qualité, comme une photographie soignée proche des photos de charme des seventies. La musique irrésistible de Nico Fidenco, à la fois kitsch et mémorable, sert admirablement le propos et rend l’ensemble plaisant, à l’image des films suivants qui pourront tous compter sur des bandes originales attrayantes.
Enfin, quelques scènes amusantes dérident l’atmosphère, comme ce peintre qui peint un tableau abstrait en prenant pour modèle une fille entièrement nue. Ou ce climax au cours duquel Emanuelle est violée par toute une équipe de hockey. Bien sûr, au fur et à mesure que les joueurs lui passe dessus, la demoiselle finit par apprécier et, à la fin, elle en redemande au point que les sportifs épuisés mais heureux la portent en triomphe, au propre comme au figuré.
Malheureusement, le reste du film n’est pas aussi amusant que ce final déluré et l’essentiel du temps de projection est consacré aux pénibles hésitations d’Emanuelle. Durant une bonne heure, celle-ci se demande si elle préfère les hommes ou les femmes et à la fin, elle conclut (ouf !) que les deux lui conviennent. Toutefois, elle refuse de s’attacher et déclare « si les hommes peuvent avoir mon corps, ils n’auront pas mon cœur ». Fin.
Nettement moins outrancier que les productions ultérieures (qui versent dans la sexploitation la plus déjantée et mêlent de manière surprenante aventure, humour, érotisme, pornographie et gore), ce BLACK EMANUELLE EN AFRIQUE se suit sans déplaisir mais disparaît rapidement des mémoires et ne s’élève jamais au –dessus de la moyenne. A réservé aux fans de Laura Gemser.