Réalisé par Armand Weston
Durée : 71 min
Avec Jean Jennings
Day Jason
Fred J Lincoln
Holly Lands

Soupçonnée par sa mère d'être une toxicomane, la jeune Kathy est placée dans un centre spécialisé. Là, elle va subir de terribles sévices physiques et sexuels de la part des autres patients. Transferée dans un autre établissement, elle va y rencontrer un disciple du marquis de Sade...
Exemple atypique de ce qui s'est fait de mieux dans les années 70, Defiance of good est un film à mon sens vraiment à part, au sein même de la production de l'âge d'or du cinéma pornographique américain, entre 1973 et 1979, même si les classiques arrivent vraiment entre 1975 et 1978 je trouve. Defiance of good est le premier film que je vois en intégralité depuis au bas mot quatre ans, et il est un des rares que je qualifierais de chef-d'oeuvre intemporel, après l'avoir présentement découvert des années après en avoir longuement entendu parler. Je suis très réservé sur l'accueil fait à certains films qualifiés de classiques, le cas le plus parlant étant celui du très mineur Debbie does Dallas. En revanche, les galons du genre et le sommet esthétique me paraissaient avoir été atteints avec la trilogie de Metzger, composée de The Private Afternoons of Pamela Mann, The Opening of Misty Beethoven et Barbara Broadcast. Defiance of good va plus loin dans une certaine esthétique bondage, tout en s'appuyant sur un vrai récit de cinéma traditionnel, le film ressemblant d'ailleurs à un film des années 70 dans lequel aurait été injecté des séquences hard et pas l'inverse, ce qui représente sans doute 90/95 % des films actuels, et de films il s'agit pour l'essentiel de vidéos pour le marché DVD et Blu-ray. Defiance of good est un film bipolaire, à la fois terriblement glacial voire clinique (et on comprend pourquoi dès l'intro) et extrêmement sensuel et érotique. Le chaud et le froid soufflent constamment sur cette oeuvre ambitieuse, dont la durée très courte ne doit pas faire oublier l'audace et le côté aventureux, convoquant le cinéma fantastique, quasiment impossible à reproduire de nos jours (esthétique, format, production, jeu d'acteurs). Il y a un avant et un après Defiance of Good. C'est comme si Vol au dessus d'un nid de coucous rencontrait Les chiens de paille durant les vingt premières minutes, vingt premières minutes angoissantes, suffocantes, réservées à un public averti, durant lesquelles se cotoîent la folie rampante, une idée de le renonciation (via la perte) de l'innocence, et un décorum aussi excitant que ne le seront plus tard les décors de Café Flesh, film d'anticipation et de science-fiction dont le but avoué n'était pas forcément de susciter l'excitation sexuelle chez le spectateur mais de le confronter à un univers singulier, et foncièrement original.
Sur le seuil de la porte du domicile familial, une jeune fille, Kathy (incroyable Jean Jennings, qui m'a rappelé Marilyn Burns) quitte le cocon (en fait pas vraiment, vu le climat de suspicion qui y règne) pour aller en hopital de soins et de redressement. Les lèvres sont pincées, les parents dépassés et le regard de la demoiselle hagard. Ce qui trouble n'est pas forcément la discussion qui porte sur les opiacés consommés et sur la dérive possible car cauchemardée du comportement de l'adolescente qui se croyait naïve mais est fautive pour ses parents (charge religieuse, bigoterie affichée, carcan de la morale). Kathy est coupable de mal agir, et son père s'en va benoîtement rejoindre son canapé, sa mère s'empressant non pas de le traiter d'incapable mais de peureux ("He doesn't have the stomach for that"). Vous êtes comme Kathy prévénus. Il va falloir avoir de l'estomac pour aller au bout de ces vingt minutes sur lesquelles une chape de plomb s'est apesantie, sur laquelle les remords comme la culpabilité pèsent. Et Kathy de devoir faire avec, et de retrouver le bon chemin. Ce qui trouble voire dérange clairement, ce n'est pas tant le discours asséné à coups de pioche par les parents qui représentent la famille américaine puritaine par excellence (laquelle a aussi le droit de s'inquiéter quand elle voit sa fille consommer de la coke). Ce qui est troublant c'est l'âge de l'héroïne, sa petite jupe écossaise, ses cheveux lâchés, sa blondeur d'adolescente nubile, ses traits juvéniles qui la rapprochent d'une Lolita. Et à laquelle les pires outrages vont être administrés, sous couvert de soins médicaux. Ainsi les scènes dans l'hopital sont parmi les plus abruptes, frontales et difficilement soutenables qu'ils m'aient été donné de voir. Weston (auteur et réalisateur) filme caméra à l'épaule à la façon d'un documentaire, les acteurs semblant se perdre dans les couloirs et dans la pièce d'isolement. Leur regard vitreux, la photographie livide renforcent un côté oppressant qui imprègne la pellicule. Le tout souligné par une musique au diaposon, désaccordée, flippante. A noter d'ailleurs que le film s'ouvre sur une musique beaucoup plus douce, très soignée, comme la plupart des films de l'époque, qui mettaient l'accent sur cette partie en composant des musiques travaillées, comme celles de The Opening of Misty Beethoven, remarquable. Kathy confrontée à ses démons, déboussolée est dès lors victime d'un viol par les patients lors d'une séquence qui rappelle fortement celle de Les chiens de paille, sans l'ambiguité légendaire de celle-ci, en particulier la deuxième.
Laminée, écoeurée, humiliée dans sa chair, la Kathy du début, pas forcément très enthousiaste à l'idée de se faire interner, n'est alors plus que l'ombre d'elle-même. Cheveux hirsute, mine déconfite, la jeune fille (quel âge a-t'elle véritablement ? Est-elle majeure ? L'ambiguité géniale du film vient aussi de là) dont le personnage pourrait prêter au scandale, comme celui qui fit de Traci Lords une légende (films tournés alors qu'elle n'avait que dix sept ans), semble perdue et vouée à poursuivre sa vie dans cet asile qui ne dit pas son nom lorsqu'arrive le docteur Gabriel. L'ironie du nom du personnage (un prénom d'archange) est en fait le second moteur du film et conduit celui-ci à un changement radical de ton et de style visuel. La photographie blafarde, couleurs ternes cède la place à une photographie plus lumineuse aux tons beaucoup plus dorés. Ce docteur est en réalité un initiateur, autoproclamé gourou qui accompagne la libération de Kathy, laquelle se transforme alors de l'état d'adolescente en plein émoi psychologique en jeune femme et ce par le fouet, la domination mais aussi l'exploration et la libération de la sexualité. Dans son manoir (dans les chateaux bourgeois chez Dorcel, ou dans les lofts californiens dans le gonzo américain), le docteur Gabriel organise des orgies auxquelles va participer Kathy. Celle-ci passe d'abord par une phase de préparation, dont une séquence d'anthologie de fessée administrée au fouet sous la férule d'une domina qui deviendra bientôt sa maîtresse. Le film prend dès lors une toute autre tournure : il est entièrement orienté vers la recherche du plaisir de son héroïne, auparavant cloîtrée dans son silence, qui là prend conscience de la possibilité de jouir via la connaissance de son intimité. Ce qui lui était interdit, car considéré comme tabou lui est alors permis, et mieux lui est demandé. On peut rigoler, s'amuser tout du moins du jeu du Docteur Gabriel, dont les traits sont cachés sour un regard ténébreux et une barbe drue. Mais les premiers mots qu'il dit à sa "protégée" sont ceux qui expriment l'idée de se débarasser d'un carcan idéologique pour atteindre au plaisir physique. Lui-même d'ailleurs contrairement aux hommes qui ont abusé physiquement de Kathy n'aura aucune relation sexuelle avec elle, tout en l'observant quasi systématiquement.
La maîtrise et la beauté plastique du film fait que celui décolle à partir de la demi-heure pour ne plus jamais redescendre, allant même de crescendo en crescendo jusqu'au final. Ici ce ne sont plus les références au cinéma de Forman ou Peckinpah qui frappent, ce sont plutôt celles à Damiano et Sade pour le plaisir des (sado)masochistes. L'histoire (car il y en a une) se suit avec de plus en plus d'intérêt bien servie par l'interprétation des comédiens, tous géniaux (dont le docteur Gabriel, déjà vu dans La dernière maison sur la gauche, ici en gourou ayant une ressemblance étrange avec Möise), excellemment servie par une bande-son au diapason aux tonalités psychédéliques. Les séquences fantastiques, oniriques, érotiques s'enchaînent les uns après les autres, chacune représentant un sommet. C'est le cas pour l'incroyable séquence de masturbation féminine, durant laquelle Kathy découvre la partie la plus intime de son être avant de prendre un plaisir aussi violent que libérateur, puis la première scène lesbienne, admirablement filmée, et ensuite les séquences d'orgies. Une forme d'humour s'invite même dans ces ébats, le personnage de Gabriel, restant dans l'ombre, tel un témoin, témoin de l'initiation et de la transformation d'une poupée auparavant trop fragile métamorphosée en femme d'une sensualité et d'une explosivité rares. Comme dans The Opening of Misty Beethoven, qui racontait la transformation d'une jeune femme en muse et femme de la société sous le regard de son Pygmalion, Defiance of Good, raconte celui de la perte d'une innocence pour la victoire du désir sur celui de la peur. La chute du film qui tend à reconsidérer ce qui précède apporte un élément ludique supplémentaire. Defiance of good est un classique, certes un peu difficile d'accès au début, mais dont la puissance et l'originalité (audace du fond et de la forme, montage alterné dans l'orgie finale à la façon du Caligula version intégrale sur le bateau) en font un incontournable. J'ai pensé à toi johell, la figure de l'innocence virginale, les séquences oniriques devraient a priori te toucher, et si tu ne l'as déjà vu, c'est l'occasion de le découvrir.
Le film est difficilement trouvable en DVD (sorti chez VCX en 2006) voire VHS. Mais il a fait son apparition sur le site xvideos dans la rubrique vintage, accolé aux mots-clés bondage, sm, cruelty, whip, etc. C'est sans doute celui qui a ouvert la voie au genre SM tel qu'il est connu aujourd'hui et tourné et une des illustrations les plus fortes des écrits de Sade via le medium du cinéma. La cassette Scherzo étant quasiment introuvable il n'y a guère qu'en ligne et en version originale non sous-titrée (mais relativement simple à suivre) qu'on peut le voir.