La Critique aujourd'hui

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Thaddeus
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Thaddeus »

Extrait de l'édito de Michel Ciment dans le dernier numéro de Positif (novembre 2013) :

"C’est pourtant l’option qu’a choisie une certaine tendance de la critique française, comme si le Triangle des Bermudes, qui avait semblé récemment se disloquer, se reconstituait, emporté par un délire médiatique et un vent de folie qu’accueillaient, incrédules, ses lecteurs. Tout se passe comme si une nouvelle Nouvelle Vague était apparue un demi-siècle plus tard et qu’À bout de souffle, Hiroshima mon amour et Les Quatre Cents Coups avaient trouvé leurs successeurs avec La Fille du 14 Juillet, Tip Top, La Bataille de Solferino... Le Monde, quotidien peut-être pas aussi sérieux qu’on le croit, attribuait trois carrés noirs (son maximum) à Tip Top, exploit que, malgré leurs efforts méritoires, n’arrivaient à accomplir ni le Woody Allen de Blue Jasmine, ni le Steven Soderbergh de Ma vie avec Liberace. Télérama, prompt à publier un pour et un contre face aux meilleurs films, ne trouva pas dans sa rédaction un seul critique que le film de Bozon laissait réticent, et nos cher Inrocks étaient bien sûr à l’unisson.
Sur le site Internet de Libération Julien Gester, son envoyé spécial à la Mostra, sans doute agacé par ma bonne opinion de Philomena (partagée, ce qu’il se garde bien de rappeler, par la critique italienne et internationale et le public qui le plaçaient en tête de la compétition, nos lecteurs jugeront en janvier), qualifié par lui « d’insipide mélo de Stephen Frears, vieille valeur que l’on tient pour semi-carbonisé », me traitait de « boussole inébranlable ». Tout compte fait, ce jugement n’est point si négatif, car une boussole qu’on pourrait ébranler ne serait guère fiable et il vaut mieux l’être que girouette ou critique déboussolé.
[Et bla-bla-bla...]"

Depuis trente ans, dans chaque édito, on y a le droit. L'illustre critique, visiblement gagné par un étrange mélange de paranoïa aigüe et d'amertume, y va de son couplet sur les goûts honteux de ses confrères, sur l'étrange complot qui existe au sein de la critique française (et dont il est l'éternelle victime)...
Quelle est donc cette étrange maladie ? De quelle pathologie est atteint Michel Ciment pour être aussi frustré et médisant vis-à-vis de ses confrères ? N'est-ce pas pathétique ? Et Ciment est-il ce dieu si intouchable, au sein de son cercle d'influence, que personne n'ose lui conseiller de se faire soigner ? :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :
Depuis trente ans, dans chaque édito, on y a le droit. L'illustre critique, visiblement gagné par un étrange mélange de paranoïa aigüe et d'amertume, y va de son couplet sur les goûts honteux de ses confrères, sur l'étrange complot qui existe au sein de la critique française (et dont il est l'éternelle victime)...
Quelle est donc cette étrange maladie ? De quelle pathologie est atteint Michel Ciment pour être aussi frustré et médisant vis-à-vis de ses confrères ? N'est-ce pas pathétique ? Et Ciment est-il ce dieu si intouchable, au sein de son cercle d'influence, que personne n'ose lui conseiller de se faire soigner ? :mrgreen:
Ce n'est pas faux ; et c'est un admirateur de Ciment qui le dit. Ses éditos ne sont constitués que de critiques envers ses pairs et c'est bien dommage.
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cinephage
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Re: La critique aujourd'hui

Message par cinephage »

C'est vrai, mais je pense que c'est lié à une certaine conception de la critique qui est celle de Ciment.
A mon avis, pour lui le critique cherche à établir les canons, à identifier les grandes oeuvres et à les mettre en valeur, les faire sortir du lot. Du coup, l'enjeu du critique est autant le discours porté sur les films que celui porté sur les autres critiques, qu'il faut alors convaincre de la justesse de son avis, ou dont il faut réduire la portée critique quand ils valorisent "un mauvais film" ou minimisent le poids d'une oeuvre jugée importante.
Bref, la guerre critique compte presque autant que la défense des films, dans un pareil cadre. Ce n'est peut-être pas une position très valide de nos jours, mais il semble de toute façon que la critique contemporaine peine à se construire par les temps qui courent : internet amenuise son poids, et la lisibilité des "grandes oeuvres" est plus opaque aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, dans un contexte où tout un chacun peut donner son avis.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Message par monfilm »

Dispo en DVD:

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Evidemment pas mal de critiques n'ont pas aimé. Paroles de critiques, paroles de cinéastes sur la critique d'aujourd'hui. Corporatisme, émotionnel, rivalités...
Beaucoup de plumes du net devraient d'ailleurs prendre en compte les conseils des critiques reconnus qui expliquent en quoi consiste la critique d'un film.
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Tout le reste est dérisoire.
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Helena »

cinephage a écrit :C'est vrai, mais je pense que c'est lié à une certaine conception de la critique qui est celle de Ciment.
A mon avis, pour lui le critique cherche à établir les canons, à identifier les grandes oeuvres et à les mettre en valeur, les faire sortir du lot. Du coup, l'enjeu du critique est autant le discours porté sur les films que celui porté sur les autres critiques, qu'il faut alors convaincre de la justesse de son avis, ou dont il faut réduire la portée critique quand ils valorisent "un mauvais film" ou minimisent le poids d'une oeuvre jugée importante.
Bref, la guerre critique compte presque autant que la défense des films, dans un pareil cadre. Ce n'est peut-être pas une position très valide de nos jours, mais il semble de toute façon que la critique contemporaine peine à se construire par les temps qui courent : internet amenuise son poids, et la lisibilité des "grandes oeuvres" est plus opaque aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été, dans un contexte où tout un chacun peut donner son avis.
Je suis assez d'accord avec toi sur la partie en gras, mais justement si c'est une constante, ça peut-être problématique et au contraire provoquer tout le contraire chez le lecteur et son attente vis-à-vis de tel ou tel films. Après c'est vrai que n'importe qui peut donner son avis et on voit son impact sur certains spectateurs. Après entre internet et une émission comme le Cercle ou bien des revues comme Positif, Metaluna et j'en passe, je m'intéresserai plus aux propos des professionnels. Bon certes je ne construis pas mes attentes sur les critiques des autres, professionnels ou non, mais sur une bande annonce et les propos/informations/photos de l'équipe. En tout cas je ne sais pas si cette position est plus valide aujourd'hui que auparavant, mais c'est vrai que quand c'est systématique, ça n'aide pas forcément et ça provoque tout le contraire de ce que voulait provoquer le rédacteur.
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Re: La critique aujourd'hui

Message par DwightE »

Les professionnels de la critique font un boulot souvent remarquable, je parle là de la revue Positif que j'ai quelques fois lu, il y a un bagage universitaire qui permet de rendre ce qu'ils disent très crédible. Beaucoup sur internet disent la même chose mais sans avoir le background ou la manière de s'exprimer, les critiques de cinéma peuvent également avoir tort ou ne pas avoir de bagage technique, ce qui peut être un frein. Je ne connais pas Metaluna, qu'est-ce que c'est?
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Strum »

Ciment réagit souvent publiquement (dans ses éditos) à des prises à partie plus privées. Il y a aussi une question de différence de génération : Ciment a 75 ans et échange avec des confrères qui ont en général 30 ans de moins que lui. Cela peut compter dans les différends et les différences d'approche du travail critique - et sur ce point, Ciment préfère très nettement écrire sur les films qu'il aime (et il y en a beaucoup, il est en général assez bon public) qu'écrire sur ce qu'il n'aime pas.
Thaddeus
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Message par Thaddeus »

Je ne sais pas où poster ça...

Kaganski et les séries

Je fais mon choix (par KO) rien que sur la double photo de présentation, personnellement.
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AtCloseRange
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Re: La critique aujourd'hui

Message par AtCloseRange »

Thaddeus a écrit :Je ne sais pas où poster ça...

Kaganski et les séries

Je fais mon choix (par KO) rien que sur la double photo de présentation, personnellement.
J'ai beau aimer Sirk (la comparaison a beaucoup plus de sens qu'Hitchcock que je trouve à côté de la plaque), je mets clairement Mad Men au même niveau.
Et la comparaison qu'il fait est truquée puisqu'il compare des époques différentes et parfois des continents différents. Qu'il compare le niveau des séries US avec le meilleur du ciné US actuel et la balance change singulièrement de côté. Je pense que le bilan des années 2000 pour les Etats-Unis est clairement du côté des séries.
Thaddeus
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Thaddeus »

Pourquoi toujours ramener tout aux US ?

S'il compare certains films et séries américaines, il affirme surtout que les grands auteurs, principalement européens (Rossellini, Akerman, Godard, Straub, Pasolini, Weerasethakul, Rivette, Grandrieux, Ossang...) apporteront toujours plus au langage que les meilleures séries. Quels sont les arguments qui réfutent une telle hypothèse ?

PS : Je précise que j'ai dû voir deux séries et demie dans ma vie et que la dernière remonte à quand j'étais ado. Ce qui ne devrait pas changer avant bien longtemps, à moins que quelqu'un développe des arguments suffisamment convaincants.
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Borislehachoir »

Mon Dieu le chevalier Kaganski, le pourfendeur de dragons, le maltraiteur de drosophiles, l'homme qui a sans doute gagné un bras de fer contre Fréderic Beigbeder ose affronter la vindicte du bas peuple hystérique en avouant bille en tête qu'il n'aime pas les séries TV. Tant d’héroïsme me laisse la langue pendante.

Mais ce n'est pas tout, il nous réserve quelques pourcentages que n'aurait pas renié un François Lenglet des grands jours. Donc Truffaut c'est 80 % artistique, Straub 100 %, Twin Peaks 50 %, moi j'dis 42.7 % qui dit mieux ? 82 % ? Avec ou sans Le Pen ?

Puis moi aussi j'ai des exemples en granit breton comme Agnieszka Holland ; comment Steven Spielberg, un grand cinéaste, a t-il pu faire Terra Nova que c'est tout pourri ? Ca voudrait donc dire qu'un grand cinéaste est parfois un mauvais téléaste donc prouverait l'indéniable supériorité de la série TV. Imparable.

On peut pas se mettre d'accord sur le fait que ce type est une totale imposture et passer définitivement à autre chose ?
Borislehachoir
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Re: La critique aujourd'hui

Message par Borislehachoir »

Thaddeus a écrit : S'il compare certains films et séries américaines, il affirme surtout que les grands auteurs, principalement européens (Rossellini, Akerman, Godard, Straub, Pasolini, Weerasethakul, Rivette, Grandrieux, Ossang...) apporteront toujours plus au langage que les meilleures séries. Quels sont les arguments qui réfutent une telle hypothèse ?
C'est quoi l'apport décisif d'Ossang au cinéma ? Je suis curieux là.
McT
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Re: La critique aujourd'hui

Message par McT »

Puis moi aussi j'ai des exemples en granit breton comme Agnieszka Holland ; comment Steven Spielberg, un grand cinéaste, a t-il pu faire Terra Nova que c'est tout pourri ? Ca voudrait donc dire qu'un grand cinéaste est parfois un mauvais téléaste donc prouverait l'indéniable supériorité de la série TV. Imparable.
Steven Spielberg n'a réalisé aucun épisode de terra nova, il est juste producteur délégué comme sur d'autres séries; ce qui doit lui servir essentiellement à financer ses projets cinématographiques.

Après concernant l 'article de SK, je suis plutôt d'accord avec lui sur le fond, mais il est vrai que sur la forme c'est plutôt maladroit (l'exemple des pourcentages est assez ridicule :uhuh: ).

En revanche le passage dans son article où il aborde la question du scénario me semble assez intéressante. En effet le problème à mon sens de la plupart des séries c'est qu'elles reposent essentiellement sur leur scénario et donc sur un structure bien définie, ce qui a forcément tendance à produire des produits formatés. Dans les séries j'ai souvent l'impression de me retrouver face à une succession de rebondissements -ce qui d’ailleurs les rend artificiels- , plutôt qu'au surgissement d'événements. C'est ce qu'expliquait stéphane delorme dans son article sur bazin (même s'il ne s'agissait pas d'un article consacré aux séries, il me semble que ça rejoint mon propos) , où il montrait que la pensée de ce dernier était une pensée verticale, une pensée de l’événement. Pour paraphraser bazin sur les nuits de cabriria: "les événements n'y arrivent pas, ils y tombent, ou ils surgissent, c'est à dire toujours selon une gravitation verticale et non point pour obéir aux lois d'une causalité horizontale." En d'autres termes, la verticalité de l'événement serait l'antithèse du storytelling des séries tv qui elles sont pensées de manière horizontale (avec causes et conséquences) où tout doit être à sa place.

C'est cette incertitude qui manque aux séries tv, où on a l'impression que les événements se déroulent de manière chronométré. Ce problème n'est pas seulement imputable aux séries, puisqu'on le retrouve dans des films comme the dark knight qui sont eux-mêmes pensés comme une succession d'épisodes tv.

Pour finir et pour nuancer mon propos, je tiens à souligner que je ne suis pas sériephobe puisqu'il y a des séries que je vénère type the wire, ou twin peaks qui elles me semblent échapper à une structure trop corseter.

PS: j'ose espérer que d'avoir cité bazin pour un premier poste ne fasse pas trop cuistre ou "branlette intellectuelle" :mrgreen:
A serious man
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Re: La critique aujourd'hui

Message par A serious man »

Pardon mais je trouve l'article de Kaganski complétement idiot mais bon je n'en attendais pas moins de ce personnage qui m'a toujours horripilé mais passons et considérons l'article en lui même. Que Kaganski veuille relativiser l'enthousiasme généralisé autour des série pourquoi pas, encore faut-il justement développer des arguments suffisamment convaincant, et si tout ce qu'il a trouvé c'est de faire des pourcentage sur la part artistique et la part industriel des films et des séries c'est franchement pathétique surtout quand on voit la répartition qu'il en fait: l'Art avec un grand A celui qui est 100% artistique (comme il y a du 100% matière grasse?) c'est donc uniquement des réalisateurs comme Akerman, Straub, Godard, Weerasethakul, Pasolini, Rossellini et autre c'est Daniel Toscan Séplanté qui a fait la sélection?
Que des films qui remettent en cause les formes dominantes comme il dit. Je n'ai rien contre les réalisateurs qu'il cite j'aime beaucoup Godard, Rossellini et Pasolini et c'est très bien d'avoir des films qui revendiquent des formes iconoclastes, critique qui refuse ou déconstruise la narration classique mais fort heureusement l'art cinématographique ne se limite pas a ça parce que sinon ça fait longtemps que je lui aurait tourner le dos parce que ça m'aurait assommés. D'ailleurs les films de Truffaut, de Rohmer ou de Ferrara sont tout aussi artisanaux que ceux d'Akerman, Godard, Weerasethakul ou des Straub , mais comme ils sont moins élitistes et intellectuel forcément c'est moins noble. Par ailleurs si le cinéma artistique c'est avant tout Straub, autant dire que le cinéma artistique est aussi minoritaire que les séries artistiques.

En ce qui me concerne je trouve autant d'art (sinon plus) chez Truffaut, Hitchcock, Sirk ou Spielberg qui sont pourtant des cinéastes qui se plient aux codes de la narration classique de "l'esthétique dominante", aux conventions et qui effectivement assume leur part industrielle pour autant leur films sont sublime et ils le sont d'autant plus qu'ils se plient aux conventions et innovent a partir de ces conventions et leurs innovations ont d'autant plus de sens qu'elles s'inscrivent dans une continuité (mais ça c'est une conviction strictement personnelle il est vrai), et c'est aussi ce qui se passe avec les séries.
Créer, produire, fabriquer un film ressemble encore (pas toujours) au geste d’écrire un livre ou de peindre un tableau
Ça c'est l'une des affirmations les plus idiote de l'article. A pour les cinéaste expérimentaux comme Jonas Mekas, la fabrication d'un film ne s’apparente jamais a l'écriture d'un livre ou a la peinture d'un tableau (ou alors on parle d'oeuvre comme le plafond de la chapelle Sixtine, que Michel Ange n'a probablement pas peint seul) la fabrication d'un film est toujours un travail collectif forcément soumis a des contraintes économiques diverse. Dire que ça ressemble au geste d'écrire c'est tout simplement ne rien comprendre a ce qu'est la production d'un film fut-il de Chantal Akerman.
Créer, produire, fabriquer une série ressemble plus à la fabrication d’une BMW ou d’un appareil Apple. La série est l’objet culturel par excellence de la phase actuelle du capitalisme : libérale, technologique, globale. Les séries rendent captifs du canapé pendant des heures et des heures (une saison, c’est beaucoup plus long qu’un film ou qu’un rock), ce qui fait beaucoup de temps qui n’est pas consacré à la lecture, à la pensée, à la réflexion de sa condition, à la révolte. On va me dire, beaucoup de séries comportent une vision critique de notre monde. Oui : ruse ultime du libéralisme qui intègre son autocritique dans les produits qu’il commercialise, rendant ainsi l’aliénation plus soft, agréable.
Ah mais oui bien sur la série ce vilain divertissement populaire aliénant qui s'apparente a un lavage néo-libérale. Évidemment on ne peut pas penser quand on regarde une série, c'est forcément quelques chose d'abrutissant, un truc réserver aux gosses ou aux attardés.
Eh bien n'en déplaise a Serge Kaganski, j'ai eut plus de réflexion intéressante et enrichissante, j'ai plus pensé, comme il dit, en regardant Six Feet Under, House of Cards (version britannique et version américaine), The Wire, The West Wing ou Batlestar Galactica qu'en regardant Jeanne Dillman, Tropical Malady ou encore Othon ou la petit chronique d'Anna Magdalenna Bach, qui m'ennuie tellement que je n'ai qu'une profonde impression de vide a force d'abstraction. Cet argument comme quoi le temps passé a regarder des série c'est du temps passés a ne pas penser est absurde c'est le même qu'utiliser par les détracteurs du cinéma au début du XX éme siécle: le cinéma c'est le refus de la pensée, je pense que personne ne va plus soutenir ça sérieusement aujourd'hui (et surement pas Kaganski vu ce qu'il écrit dans son article, pourtant ça aurait le mérite d'être cohérent).

Enfin il termine son article en parlant d'Agnieszka Holland qui n'est pas une grande réalisatrice au cinéma mais qui serait soit devenus importante dans le domaine des série (c'est faux, elle a travaillé sur des série importante mais elle reste assez secondaire), sous entendu même un médiocre peut y réussir. J'ai envie de dire que Gus Van Sant, David Lynch, Martin Scorcese, David Fincher, Michael Mann se sont eux aussi intéressé au médium télévisuel et ont réalisés des épisodes de série ou ont créés eux mêmes des séries et quoiqu'on pense d'eux ce sont des personnalités importantes dans la cinéphilie contemporaine. C'est bizarre ces grands cinéastes qui s’intéressent aux séries cette forme aliénante qui empêche de penser, et qui y trouve un terrain d'expérimentation voir parfois un moyen de renouveler leur inspiration.

Pour conclure sur les séries, je suis autant sériephile que cinéphile pour autant je ne considère pas tout les films que je vois comme des œuvres d'art majeure je fait le tri, et il en est de même pour les séries, il y a beaucoup de déchet, il y en a dont l'ambition est avant tout d'être un divertissement et qui vont de l'insignifiant a l'excellent et d'autres qui sont tout aussi ambitieuses que les meilleurs films. Peut être que les séries ne dévellopent pas de formes expérimentales, mais c'est bien mal les connaitre que de leur dénier l'invention de forme narrative et esthétiques original, l'un des commentaires de l'article parle de l'épisode de Breaking Bad avec la mouche qui présente une richesse symbolique, et une inventivité visuelle qui se fait assez rare au cinéma actuellement, je ne suis pas sur que beaucoup de film hollywoodien (et même européens) pourrait accepter la liberté formel de cette épisode qui d'un point de départ burlesque débouche sur une véritable réflexion existentiel. J'aimerais trouver au cinéma la richesse et la finesse d'une série comme The West Wing dans un film sur le monde de la politique. Mais comme le cinéma est forcément limités par le temps il seras difficile d'aborder avec autant de précision, sans pour autant tomber dans le didactisme et tout en créant des personnages plein d'humanité, le monde des institutions. Dans une dimensions plus critique une série comme Boss (qui n'a malheureusement pas trés bien marché) témoigne d'une belle ambition également dans sa peinture a mon avis assez réaliste du monde politique (sans avoir la précision quasi documentaire de The west wing). Une série comme The Wire est absolument impossible a transposé en terme cinématographique, pourtant c'est une série parfaitement aboutie aussi bien sur le plan de la mise en scéne, que sur le plan narratif et qui livre un portrait absolument vertigineux de la société contemporaine chaque saison veillant dépeindre un aspect d'une ville américaine (la police, la justice, le journalisme, le monde politique), mais évidement la série ne fait pas penser.
D'ailleurs Kaganski dit n'importe quoi (mais ça en deviendrais presque un pléonasme) lorsqu'il dit que les fous, les irreductibles, les ingérables, les radicaux ou les révolutionnaires n'y ont pas de place il n'y a qu'a regarder une série comme Breaking Bad pour se rendre compte qu'on trouve des ingérables, des irréductibles dans le monde des séries.
McT a écrit : En revanche le passage dans son article où il aborde la question du scénario me semble assez intéressante. En effet le problème à mon sens de la plupart des séries c'est qu'elles reposent essentiellement sur leur scénario et donc sur un structure bien définie, ce qui a forcément tendance à produire des produits formatés. Dans les séries j'ai souvent l'impression de me retrouver face à une succession de rebondissements -ce qui d’ailleurs les rend artificiels- , plutôt qu'au surgissement d'événements. C'est ce qu'expliquait stéphane delorme dans son article sur bazin (même s'il ne s'agissait pas d'un article consacré aux séries, il me semble que ça rejoint mon propos) , où il montrait que la pensée de ce dernier était une pensée verticale, une pensée de l’événement. Pour paraphraser bazin sur les nuits de cabriria: "les événements n'y arrivent pas, ils y tombent, ou ils surgissent, c'est à dire toujours selon une gravitation verticale et non point pour obéir aux lois d'une causalité horizontale." En d'autres termes, la verticalité de l'événement serait l'antithèse du storytelling des séries tv qui elles sont pensées de manière horizontale (avec causes et conséquences) où tout doit être à sa place.
Pourquoi pas mais ça ne présage pour autant strictement rien de la valeur artistique des séries télé. Ce story telling ou tout doit être a sa place impose des régles mais outre le fait que ça existe aussi abondement au cinéma et pas que dans des films qui serait penser comme une série télé, ça existe aussi en littérature et pas que dans les romans feuilleton. A vraie dire une narration ou causes et conséquences sont parfaitement définis c'est le schéma narratif classique, ce n'est pas parce qu'on se plis a ce schéma qu'on renonce a toutes forme d'innovation. Oui les série peuvent être des produit formatés (comme les films, comme les romans) qui se ressemble tous plus ou moins, mais vouloir absolument se libérer de toutes règles de narration peut aboutir au mêmes résultats. Se plier a des conventions ça peut avoir du bon, je pense même que c'est nécessaire a la plupart des créations artistiques.
L'article de Kaganski est totalement a côté de la plaque aussi bien sur la forme que sur le fond. Vouloir enfermer toutes les séries dans une hiérarchisation parfaitement artificiel avec le cinéma ça n'a aucun sens, les deux formes ont leur qualités et leurs défauts il y a des grandes oeuvres dans les séries, tout comme il y en a au cinéma.
Dernière modification par A serious man le 11 nov. 14, 17:30, modifié 3 fois.
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."

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Re: La critique aujourd'hui

Message par McT »

Pourquoi pas mais ça ne présage pour autant strictement de la valeur artistique des séries télé. Ce story telling ou tout doit être a sa place impose des régles mais outre le fait que ça existe aussi abondement au cinéma et pas que dans des films qui serait penser comme une série télé, ça existe aussi en littérature et pas que dans les romans feuilleton. A vraie dire une narration ou causes et conséquences sont parfaitement définis c'est le schéma narratif classique, ce n'est pas parce qu'on se plis a ce schéma qu'on renonce a toutes forme d'innovation. Oui les série peuvent être des produit formatés (comme les films, comme les romans) qui se ressemble tous plus ou moins, mais vouloir absolument se libérer de toutes régles de narration peut aboutir au mêmes résultats. Se plier a des conventions ça peut avoir du bon, je pense même que c'est nécessaire a la plupart des créations artistiques.
Je me suis peut être mal exprimé. Je ne rejette pas en bloc le storytelling, qui tu as raison de le souligner, existe abondamment dans le cinéma (cinéma classique qui est effectivement très structuré) et plus particulièrement dans des films que j'adore. De plus, je tiens à souligner que l'article que je cite n'est pas à charge contre les série tv ou le cinéma dit structuré, mais confronte plutôt deux conceptions
dans la manière de faire du cinéma. J'ai voulu citer cet article parce qu'il me sembler que la définition dont il donné du storytelling correspondait à ce qui me gènait parfois dans les séries.

En effet, ce qui m'ennuie dans de nombreuses séries c'est que rien n'échappe au scénario, absolument tout repose sur son scénario. Si bien qu'une fois qu'on a vu plusieurs épisodes à la suite, on tombe dans une certaine routine. C'est un peu l'effet que me fait une série que je suis en train de regarder en ce moment: fringe.
J'ai vraiment l'impression que tous les épisodes sont structurés de la même façon, avec cet aspect chronomètre où chaque rebondissement d'un épisode sur l'autre intervient au même moment. Donc ce sont moins les conventions qui me rebutent ( avec ces causes et conséquences ) que cet aspect compartimenté où chaque twist doit avoir lieu à telle minute.

Autre point qui me rebute dans bon nombre de séries c'est la mise en scène. Quelque soit la série que je regarde, j'ai le sentiment de toujours me retrouver face à un metteur en scène unique, qui n'arrive jamais à transcender son scénario. Je trouve les séries visuellement très pauvres ( aucun plan large, aucune composition du cadre, aucune frénésie dans le montage, etc); on est souvent proche de l'académisme le plus plat qui soit.

Et même lorsqu'on fait appel à un réalisateur de renom type scorsese (pour boardwalk empire), on a le sentiment qu'il est uniquement présent pour parodier son style. En gros faut que le style scorsese soit bien voyant à l'écran. Dans le milieu de la télé, ils font appel à ce type de cinéaste (généralement pour réaliser le pilote) pour définir ce qu'ils appellent la charte graphique (ou moi ce que j'appelle du cinéma de décorateur) qui sera ensuite utilisée pour la réalisation des autres épisodes. Cela prouve bien quelque part qu'il y a un manque de personnalité des réalisateurs suivants dont le style -s'ils en ont un- se diluent dans le style adopté lors du pilote.

Après en terme de réalisation il y a bien évidemment des exceptions, j'avais trouvé le piloté réalisé par michael mann pour la série LUCK somptueux, alors que l'épisode réalisé par scorsese on était vraiment dans l'auto parodie du style scorsesien avec des travellings dans tous les sens.
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