L'attentat (1972)

Impossible de me souvenir si je l'avais déjà vu ou non mais comme j'imagine qu'il n'a pas du souvent passer à la télé...
Bref, j'ai voulu voir et... pas de doute, c'est bien du Boisset. Du courage mais dilué dans un tel manque de subtilité et une mise en scène et direction d'acteurs parfois à la limite du soporifique (pour se farcir des dialogues "
mumble mumble" du bout des lèvres entre Michel Bouquet et Jean-Louis Trintignant, mieux vaut avoir bu un bon litre de ristretto

) que le sujet - en soi passionnant - est en grande partie gâché.
Parce que du courage, il en fallut certainement pour aborder l'enlèvement et la disparition de Ben Barka sept ans après les (mé-)faits. Même si les personnages portent d'autres noms et que le Maroc n'est jamais cité que par la bande, presque distraitement (par Karin Schubert en escort girl, à mi-chemin de sa reine d'Espagne chez Oury et de sa glissade progressive dans le bis et le porno). En Ben Barka... pardon ! en Sadiel, Gian-Maria Volonte est un choix judicieux (dommage que son personnage qu'on imagine bouillonnant semble si passif) et son ennemi intime et ex-compagnon de combat est interprété par un Piccoli assez inquiétant. Le problème, c'est que l'ensemble est appuyé, les "vilains manipulateurs" sont très vilains et manipulateurs, les "gentils" angéliques, presque christiques. Il y a pourtant un casting trois étoiles mais Bouise est pénible en flic faussement bonasse, le personnage de journaliste de l'ORTF campé par Noiret est super ambigu (qui est-il censé représenter, au fait ?), Cremer est sous-employé... Tout ça pour ça...
Un Gavras ou un Verneuil des bons jours, un Laurent Heynemann s'en serait certainement mieux sorti mais le sujet était aussi probablement trop brûlant.
Reste à constater qu'à de rares exceptions près, les cinéastes français sont bien patauds comparés à leurs confrères américains. Même un film aussi peu sexy que
Complot à Dallas (
Executive Action) tourné l'année suivante par David Miller sur l'assassinat de Kennedy tient mieux la route, est moins manichéen et semble plus réaliste (ses comploteurs agissent froidement, en hommes d'affaires, sans états d'âmes, cynisme ni même humour noir).
Un film qui n'a que le mérite d'exister, ce qui n'est pas rien. A voir aussi parce qu'il est émouvant de croiser Jean Seberg dans un rôle proche de ce qu'elle fut réellement, parce que Trintignant et Roy Scheider se confrontèrent la même année sur le brillant
Un homme est mort de Jacques Deray (et que ça fait 1 partout, la balle au centre, si je puis dire

), pour la belle idée d'utilisation des premiers mots des
Confessions d'un opiomane anglais de Thomas de Quincey et enfin, pour l'amusant nom que Trintignant donne à sa société :
"Multimédia, qu'est-ce que ça veut dire ? Ce n'est même pas du latin correct..." lui demande Jean Seberg
"Et alors ? Les médias, tout le monde croit que c'est américain et tout le monde comprend ce que ça veut dire..." 