L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
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Re: Richard Fleischer (1916-2006)
L'étrangleur de Boston (The Boston stangler) - Réalisé par Richard Fleischer / 1968 :

Un mystérieux tueur visiblement psychotique s'en prend à des femmes en les étouffant, après les avoir ligoté. La police a beau multiplier les ressources disponibles pour mettre fin à cette déferlante, elle ne devra l'arrestation du coupable qu'à un coup de chance fortuit et à une heureuse intuition de dernière minute. Sans aucun doute l'un des plus grands films de son auteur. Chef-d'oeuvre. La première partie est époustouflante de précision, tant dans son montage que dans son utilisation du split screen, ici dans un fonctionnement encore inédit. La profusion des points de vue, l'accélération des actions policières, les enquêtes menées à chaque bout de la ville, la progression et l'enlisement des chefs de la brigade (avec un Henri Fonda parfait, et un casting général de haute tenue)... Fleischer organise tout, tel un chef d'orchestre connaissant parfaitement son orchestre et sa partition. Dans la droite lignée de ses œuvres de début de carrière (Le pigeon d'argile, Assassin sans visage, L'énigme du Chicago express... des séries B exceptionnelles), L'étrangleur de Boston se pose en mètre-étalon sixties d'un genre alors changeant : le film policier. Sorti dans une année 1968 globalement très riche en terme de restructuration d'une certaine forme de cinéma (Bullitt, L'affaire Thomas Crown, Il était une fois dans l'ouest...), ce thriller s'avère une réussite majeure et n'a absolument pas à rougir la comparaison avec des œuvres plus récentes.
Si la première partie, étalée sur plus de 50 minutes, fait un portrait saisissant des meurtres à posteriori et du travail de la police, la seconde partie, étalée sur les 50 dernières minutes, montre un Tony Curtis en pleine action dans ce rôle de tueur traumatisant. Toutefois, on ne voit désormais plus le tueur qu'au travers de ses échecs. Après avoir assassiné 11 femmes, on le voit rater son meurtre, puis se faire arrêter par la police au bout d'une course poursuite dans la rue, suite à son irruption dans un appartement où il est surpris par un homme. Il sera alors incarcéré en hôpital psychiatrique, puis interrogé par Henry Fonda, persuadé qu'il s'agit du fameux tueur. Les indices concordent et l'homme semble craquer le vernis peu à peu. D'abord ignorant de ses faits et gestes, étant un schizophrène (et dont les deux personnalités ne se sont jamais croisées), le tueur ne comprend pas cet interrogatoire. Il est simplement un bon père de famille, soucieux de rentrer chez lui. Mais son autre "lui" ne tarde pas à refaire surface, dans une séquence finale de près d'un quart d'heure où Curtis laisse exploser tout son talent. Cette scène, filmée au cordeau, permet d'assister à l'une des plus grandes prestations d'acteur de l'époque, et encore jusqu'à aujourd'hui. Son dédoublement de personnalité, la déformation de sa perception, tout est là pour saisir le spectateur au cou et l'empêcher de respirer... Un instant de silence morbide et empli de folie, où ne passent que les paroles du tueur et sa respiration. Un très très grand moment de cinéma qui clôture le film sur un zénith artistique et thématique.
Tony Curtis a eu une filmographie assez impressionnante à la fin des années 50 et au début des années 60. Puis, sa carrière l'a rapidement mené à des projets moins intéressants, durant le milieu de cette décennie. Disons-le, Hollywood lui a retiré sa chance et a ruiné le potentiel d'une carrière qui aurait pu valoir celle des plus grands de sa génération. Richard Fleischer aura eu l'une des plus brillantes idées de sa carrière en lui confiant le rôle de ce criminel schizophrène. Cela lui aura permis, l'espace d'un film, de gagner la totale considération de ses pairs, et de faire l'un de ses derniers grands films. Son parcours sera ensuite tourné vers la fabuleuse série TV Amicalement vôtre (ma série préférée), puis une carrière cinéma totalement déclinante, pour enfin terminer sur un champs pléthorique de produits TV de qualité fort variable. Dommage, car l'acteur était à un moment donné l'un des plus prometteurs de son époque.

Un mystérieux tueur visiblement psychotique s'en prend à des femmes en les étouffant, après les avoir ligoté. La police a beau multiplier les ressources disponibles pour mettre fin à cette déferlante, elle ne devra l'arrestation du coupable qu'à un coup de chance fortuit et à une heureuse intuition de dernière minute. Sans aucun doute l'un des plus grands films de son auteur. Chef-d'oeuvre. La première partie est époustouflante de précision, tant dans son montage que dans son utilisation du split screen, ici dans un fonctionnement encore inédit. La profusion des points de vue, l'accélération des actions policières, les enquêtes menées à chaque bout de la ville, la progression et l'enlisement des chefs de la brigade (avec un Henri Fonda parfait, et un casting général de haute tenue)... Fleischer organise tout, tel un chef d'orchestre connaissant parfaitement son orchestre et sa partition. Dans la droite lignée de ses œuvres de début de carrière (Le pigeon d'argile, Assassin sans visage, L'énigme du Chicago express... des séries B exceptionnelles), L'étrangleur de Boston se pose en mètre-étalon sixties d'un genre alors changeant : le film policier. Sorti dans une année 1968 globalement très riche en terme de restructuration d'une certaine forme de cinéma (Bullitt, L'affaire Thomas Crown, Il était une fois dans l'ouest...), ce thriller s'avère une réussite majeure et n'a absolument pas à rougir la comparaison avec des œuvres plus récentes.
Si la première partie, étalée sur plus de 50 minutes, fait un portrait saisissant des meurtres à posteriori et du travail de la police, la seconde partie, étalée sur les 50 dernières minutes, montre un Tony Curtis en pleine action dans ce rôle de tueur traumatisant. Toutefois, on ne voit désormais plus le tueur qu'au travers de ses échecs. Après avoir assassiné 11 femmes, on le voit rater son meurtre, puis se faire arrêter par la police au bout d'une course poursuite dans la rue, suite à son irruption dans un appartement où il est surpris par un homme. Il sera alors incarcéré en hôpital psychiatrique, puis interrogé par Henry Fonda, persuadé qu'il s'agit du fameux tueur. Les indices concordent et l'homme semble craquer le vernis peu à peu. D'abord ignorant de ses faits et gestes, étant un schizophrène (et dont les deux personnalités ne se sont jamais croisées), le tueur ne comprend pas cet interrogatoire. Il est simplement un bon père de famille, soucieux de rentrer chez lui. Mais son autre "lui" ne tarde pas à refaire surface, dans une séquence finale de près d'un quart d'heure où Curtis laisse exploser tout son talent. Cette scène, filmée au cordeau, permet d'assister à l'une des plus grandes prestations d'acteur de l'époque, et encore jusqu'à aujourd'hui. Son dédoublement de personnalité, la déformation de sa perception, tout est là pour saisir le spectateur au cou et l'empêcher de respirer... Un instant de silence morbide et empli de folie, où ne passent que les paroles du tueur et sa respiration. Un très très grand moment de cinéma qui clôture le film sur un zénith artistique et thématique.
Tony Curtis a eu une filmographie assez impressionnante à la fin des années 50 et au début des années 60. Puis, sa carrière l'a rapidement mené à des projets moins intéressants, durant le milieu de cette décennie. Disons-le, Hollywood lui a retiré sa chance et a ruiné le potentiel d'une carrière qui aurait pu valoir celle des plus grands de sa génération. Richard Fleischer aura eu l'une des plus brillantes idées de sa carrière en lui confiant le rôle de ce criminel schizophrène. Cela lui aura permis, l'espace d'un film, de gagner la totale considération de ses pairs, et de faire l'un de ses derniers grands films. Son parcours sera ensuite tourné vers la fabuleuse série TV Amicalement vôtre (ma série préférée), puis une carrière cinéma totalement déclinante, pour enfin terminer sur un champs pléthorique de produits TV de qualité fort variable. Dommage, car l'acteur était à un moment donné l'un des plus prometteurs de son époque.
Dernière modification par Julien Léonard le 28 juin 10, 09:14, modifié 1 fois.

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Re: Richard Fleischer (1916-2006)
Depuis le temps que je tourne autour, je vais finir par craquer ; je n'ai encore rien lu de négatif sur ce film 

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Re: Richard Fleischer (1916-2006)
La première partie est très impressionnante. La seconde ultra-percutante. La fin est littéralement énorme, Curtis est tout simplement incroyable. J'aime beaucoup cet acteur, mais là, il m'a véritablement surpris. Fonce, tu ne le regretteras pas, je te l'assure.Jeremy Fox a écrit :Depuis le temps que je tourne autour, je vais finir par craquer ; je n'ai encore rien lu de négatif sur ce film
Les dernières minutes du film sont encore coincées dans ma gorge... Il y avait un tel silence de cinéma que ma moitié et moi on s'entendait respirer. Une expérience unique en son genre.


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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer, 1968)
J'en profite pour reposer la question postée en haut de page et à laquelle personne n'avais répondu. Comme Julien vient de voir le film, peut-être aura-t-il senti la même chose que moi. A chaque fois que je vois L'ETRANGLEUR DE BOSTON, je n'arrive pas à me concentrer complètement. Je suis déstabilisé par le visage de Tony Curtis. Je le trouve particulier dans ce film. C'est une hypothèse qui me semble pertinente mais dont je n'ai jamais entendu parler: j'ai l'impression que Curtis a dans ce film une prothèse sur le nez. Rien d'extravagant, juste quelque chose de légèrement différent qui semble finalement changer son visage et déstabiliser l'habitude du spectateur par rapport à sa connaissance de l'acteur.
C'est un peu l'instinct qui parle. Quelques plans laissent transparaitre une couleur de peau légèrement différente sur le nez, mais à part ça je n'ai rien trouvé d'autre. Suis-je fou?
C'est un peu l'instinct qui parle. Quelques plans laissent transparaitre une couleur de peau légèrement différente sur le nez, mais à part ça je n'ai rien trouvé d'autre. Suis-je fou?

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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
Du tout, tu as parfaitement raison. J'avais noté ce détail mais je pensais que Tony Curtis s'était tout simplement cassé le nez, donc cela ne m'avait pas plus semblé étrange.
Mais maintenant que tu le dis, je me rends compte qu'effectivement il semble porter une prothèse nasale pour le rôle. C'était la première (et dernière ?) fois que cet acteur abordait un rôle dramatique et cela me semble très juste qu'il ait eu recourt à un artifice pour se "faciliter" la tâche.
Mais maintenant que tu le dis, je me rends compte qu'effectivement il semble porter une prothèse nasale pour le rôle. C'était la première (et dernière ?) fois que cet acteur abordait un rôle dramatique et cela me semble très juste qu'il ait eu recourt à un artifice pour se "faciliter" la tâche.


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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
Tony Curtis s'est effectivement cassé le nez sur le tournage.
Ce dernier et Fleischer ont dû sûrement profité de cet handicap pour ajouter une certaine crédibilité dans la performance.
Dans tous les cas, c'est un excellent thriller psychologique, l'un des meilleurs films de son réalisateur !
Ce dernier et Fleischer ont dû sûrement profité de cet handicap pour ajouter une certaine crédibilité dans la performance.
Dans tous les cas, c'est un excellent thriller psychologique, l'un des meilleurs films de son réalisateur !

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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
C'est vrai qu'il y est méconnaissable... et fantastique. Un des plus inoubliables rôles de psychopathe de l'écran (avec Peter Lorre dans M, le maudit, Anthony Perkins dans Psychose et Terence Stamp dans L'obsédé) Mais ce n'était pas la première fois qu'il montra une facette méconnue de son talent, naturellement plus orienté vers la comédie et les rôles de jeune premier à l'oeil qui frise. Curtis fut tout aussi remarquable dans le très noir et cynique Sweet Smell of Success (Le Grand Chantage) d'Alexander Mackendrick en 1957 où il tint la dragée haute à un immense Burt Lancaster, ce qui n'est pas rien.Frank Einstein a écrit :Du tout, tu as parfaitement raison. J'avais noté ce détail mais je pensais que Tony Curtis s'était tout simplement cassé le nez, donc cela ne m'avait pas plus semblé étrange.
Mais maintenant que tu le dis, je me rends compte qu'effectivement il semble porter une prothèse nasale pour le rôle. C'était la première (et dernière ?) fois que cet acteur abordait un rôle dramatique et cela me semble très juste qu'il ait eu recourt à un artifice pour se "faciliter" la tâche.
Autres rôles dramatiques notables (mais plus traditionnels) de Curtis : dans Spartacus de Kubrick et Les Vikings de Fleischer.
Si sa carrière, parcourue de quelques diamants mais aussi d'un bon paquet de films mineurs n'a pas été celle qu'il aurait pu ou du avoir, c'est peut-être un peu de sa faute aussi. Son hygiène de vie était un peu trop sex & drugs (pour le rock'n'roll, je suis moins sûr, son dada, c'est plutôt la peinture et il est pas très doué pour ça en plus). C'est flagrant dans l'hénaurme Lepke le caïd de Menachem Golan (1975), biopic assez lourdingue d'un parrain de la pègre juive au temps de la Prohibition où il tient le rôle-titre, le visage bouffi. Autant dire qu'on est très loin de Casino et même de Bugsy.
PS 1 : si les téléspectateurs français ont définitivement associé à Curtis la voix de Michel Roux, sa voix réelle est totalement différente, plus bien basse et moins maniérée.
PS 2 : si vous avez sous la main le DVD de Criss Cross (Pour toi j'ai tué) de Robert Siodmak (1949), observez bien une scène dans une boîte. On y voit furtivement passer le tout jeune Curtis, alors juste une "silhouette" en danseur mondain.
A ce propos, ce serait amusant (si ce n'est déjà fait ?) de lancer un topic sur les débuts à l'écran de figurants qui ont fait du chemin depuis...
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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
Totalement d'accord avec ce que tu dis. Et j'ai beaucoup aimé les films que tu cite avec Curtis (surtout Sweet smell of success). Son "duo" avec Lancaster laisse des marques...Federico a écrit :C'est vrai qu'il y est méconnaissable... et fantastique. Un des plus inoubliables rôles de psychopathe de l'écran (avec Peter Lorre dans M, le maudit, Anthony Perkins dans Psychose et Terence Stamp dans L'obsédé) Mais ce n'était pas la première fois qu'il montra une facette méconnue de son talent, naturellement plus orienté vers la comédie et les rôles de jeune premier à l'oeil qui frise. Curtis fut tout aussi remarquable dans le très noir et cynique Sweet Smell of Success (Le Grand Chantage) d'Alexander Mackendrick en 1957 où il tint la dragée haute à un immense Burt Lancaster, ce qui n'est pas rien.
Autres rôles dramatiques notables (mais plus traditionnels) de Curtis : dans Spartacus de Kubrick et Les Vikings de Fleischer.
Pour le reste, parmi les plus grandes prestations de psychopathe à l'écran, tu en oublies une, extrêmement importante à mes yeux : James Cagney dans L'enfer est à lui de Raoul Walsh, en 1949. Un film et une prestation insurpassables.


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Re: Richard Fleischer (1916-2006)
J'ai l'édition anglaise, et pas de soucis : les stf sont bien présents.Jeremy Fox a écrit :Commandé sur Play ; j'espère qu'il y aura bien les stf

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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
Je me colle une baffe pour l'avoir oublié, celui-là (rien que pour la scène au réfectoire...) mais j'en ai forcément omis un tas d'autres. Et puis, il y a aussi les dangereuses névrosées comme dans Un frisson dans la nuit d'Eastwood, Misery... Et dans le cinéma asiatique, très friand en cintrés de première (Audition...)Julien Léonard a écrit :Totalement d'accord avec ce que tu dis. Et j'ai beaucoup aimé les films que tu cite avec Curtis (surtout Sweet smell of success). Son "duo" avec Lancaster laisse des marques...Federico a écrit :C'est vrai qu'il y est méconnaissable... et fantastique. Un des plus inoubliables rôles de psychopathe de l'écran (avec Peter Lorre dans M, le maudit, Anthony Perkins dans Psychose et Terence Stamp dans L'obsédé) Mais ce n'était pas la première fois qu'il montra une facette méconnue de son talent, naturellement plus orienté vers la comédie et les rôles de jeune premier à l'oeil qui frise. Curtis fut tout aussi remarquable dans le très noir et cynique Sweet Smell of Success (Le Grand Chantage) d'Alexander Mackendrick en 1957 où il tint la dragée haute à un immense Burt Lancaster, ce qui n'est pas rien.
Autres rôles dramatiques notables (mais plus traditionnels) de Curtis : dans Spartacus de Kubrick et Les Vikings de Fleischer.
Pour le reste, parmi les plus grandes prestations de psychopathe à l'écran, tu en oublies une, extrêmement importante à mes yeux : James Cagney dans L'enfer est à lui de Raoul Walsh, en 1949. Un film et une prestation insurpassables.
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Re: L'Etrangleur de Boston (Richard Fleischer - 1968)
Un frisson dans la nuit m'avait vraiment foutu les jetons... Quant à Misery, je n'en parle même pas : le genre de chose un peu traumatique.

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L'étrangleur de Boston (Richard Fleischer)
Richard Fleischer est l'un des metteurs en scène les plus passionnants du 7ème art. Touchant à tous les genres, il fit preuve, à l'instar d'un Stanley Kubrick (toutes proportions gardées), d'une capacité surprenante à livrer des oeuvres extrêmement réussies aussi bien dans l'aventure (Les vikings), le fantastique (Le voyage fantastique), le film de guerre (Tora ! Tora ! Tora!), la science fiction (Soleil vert) ou encore l'action (Mr Majestyk).
Touche-à-tout mais toujours respectueux du genre qu'il abordait, Fleischer fut ainsi à l'origine de longs-métrages dont l'imagerie est toujours présente dans l'imaginaire collectif (les explorateurs du corps humain dans Le voyage fantastique ou les bateaux des Vikings, notamment).
C'est cependant en 1968 que le metteur en scène réalisa son chef d'oeuvre, retraçant à l'écran l'histoire vraie d'Albert de Salvo, tueur en série qui défraya la chronique à Boston entre 1962 et 1964 en se rendant coupable du meurtre de 13 femmes par strangulation.
L'étrangleur de Boston est fascinant à double titre. Tout d'abord, Richard Fleischer fait une utilisation remarquable du split screen, technique consistant à morceler le cadre en plusieurs parties à l'intérieur desquels se déroulent des actions différentes ou, le plus souvent, une même action observée de différents points de vue. La technique, utilisée par la suite à foison par Brian de Palma, sera également exploitée par Norman Jewison la même année dans L'affaire Thomas Crown. Loin de n'en faire qu'un usage purement ornemental, Fleischer utilise le split screen à des fins totalement dramaturgiques servant pleinement le récit et la narration. Ainsi, les scènes précédant les meurtres sont le plus souvent filmées à la fois du point de vue du tueur se rapprochant de l'appartement de la victime, mais aussi du point de vue de la victime à l'intérieur de son appartement, le tout dans des cadres différents à l'intérieur du cadre principal. L'idée de la menace approchant sa proie innocente est ainsi exposée avec extrêmement de force, décuplant le suspense et créant un réel sentiment de fatalité et d'impuissance chez le spectateur.
Le second facteur de fascination exercé par le film tient à la nature du personnage de l'étrangleur, joué avec un talent ineffable par le regretté Tony Curtis, qui trouva dans le personnage d'Albert de Salvo le rôle le plus marquant de sa carrière. L'acteur souhaitait trouver un rôle qui lui permette d'exploiter ses talents dramatiques, Curtis ayant été jusqu'alors principalement utilisé dans des comédies. Et dire que l'acteur s'en sort haut la main serait un doux euphémisme tant sa performance dans L'étrangleur de Boston marque les esprits et provoque un trouble extrêmement dérangeant chez le spectateur. En effet, la force du personnage de l'étrangleur réside dans l'humanité que lui confère Fleischer, De Salvo étant présenté certes comme un meurtrier, mais également comme une victime. Sans dévoiler la fin de l'histoire, la nature schizophrénique et psychotique du personnage consume littéralement ce dernier. Marié et père de deux enfants, l'étrangleur est ainsi en permanence dans un état de dédoublement de la personnalité, tiraillé entre sa vie de famille (c'est un mari aimant et un père attentionné) et son irrépressible besoin de tuer.
Le tour de force du film réside ainsi dans l'attachement que le spectateur ressent pour ce personnage d'assassin, Fleischer rappelant la paradoxale humanité de l'étrangleur et ne se bornant pas à s'intéresser uniquement à ses pulsions meurtrières. Cette dualité du personnage sera pleinement exploitée dans la dernière partie du métrage, au cours de laquelle l'homme de loi incarné par l'impérial Henry Fonda permettra à De Salvo d'accoucher du mal qui le ronge, d'en prendre conscience, le conduisant ainsi vers une issue tragique que le plan final du film, sans aucun dialogue, illustrera d'une manière terrible, par la seule force de la mise en scène et l'utilisation de la couleur blanche. La maïeutique mise à l'oeuvre par le personnage de Fonda aura paradoxalement permis à l'étrangleur de se trouver, mais aussi de se perdre définitivement. Soulignons également l'utilisation des jeux de miroirs et des reflets, constituant l'illustration visuelle de la dualité du personnage de Curtis, aussi bien lors de ses méfaits (voir la scène dans laquelle il s'aperçoit dans un miroir alors qu'il est en train de maltraiter une femme), que dans la confrontation finale avec Fonda.
L'étrangleur de Boston s'inscrit donc comme un thriller psychologique de haute volée, soutenu par des comédiens en état de grâce et doté d'une mise en scène extrêmement intelligente et novatrice. La modernité du style de Fleischer frappe encore aujourd'hui, et si le film vous est encore inconnu, je vous envie de le découvrir...
Touche-à-tout mais toujours respectueux du genre qu'il abordait, Fleischer fut ainsi à l'origine de longs-métrages dont l'imagerie est toujours présente dans l'imaginaire collectif (les explorateurs du corps humain dans Le voyage fantastique ou les bateaux des Vikings, notamment).
C'est cependant en 1968 que le metteur en scène réalisa son chef d'oeuvre, retraçant à l'écran l'histoire vraie d'Albert de Salvo, tueur en série qui défraya la chronique à Boston entre 1962 et 1964 en se rendant coupable du meurtre de 13 femmes par strangulation.
L'étrangleur de Boston est fascinant à double titre. Tout d'abord, Richard Fleischer fait une utilisation remarquable du split screen, technique consistant à morceler le cadre en plusieurs parties à l'intérieur desquels se déroulent des actions différentes ou, le plus souvent, une même action observée de différents points de vue. La technique, utilisée par la suite à foison par Brian de Palma, sera également exploitée par Norman Jewison la même année dans L'affaire Thomas Crown. Loin de n'en faire qu'un usage purement ornemental, Fleischer utilise le split screen à des fins totalement dramaturgiques servant pleinement le récit et la narration. Ainsi, les scènes précédant les meurtres sont le plus souvent filmées à la fois du point de vue du tueur se rapprochant de l'appartement de la victime, mais aussi du point de vue de la victime à l'intérieur de son appartement, le tout dans des cadres différents à l'intérieur du cadre principal. L'idée de la menace approchant sa proie innocente est ainsi exposée avec extrêmement de force, décuplant le suspense et créant un réel sentiment de fatalité et d'impuissance chez le spectateur.
Le second facteur de fascination exercé par le film tient à la nature du personnage de l'étrangleur, joué avec un talent ineffable par le regretté Tony Curtis, qui trouva dans le personnage d'Albert de Salvo le rôle le plus marquant de sa carrière. L'acteur souhaitait trouver un rôle qui lui permette d'exploiter ses talents dramatiques, Curtis ayant été jusqu'alors principalement utilisé dans des comédies. Et dire que l'acteur s'en sort haut la main serait un doux euphémisme tant sa performance dans L'étrangleur de Boston marque les esprits et provoque un trouble extrêmement dérangeant chez le spectateur. En effet, la force du personnage de l'étrangleur réside dans l'humanité que lui confère Fleischer, De Salvo étant présenté certes comme un meurtrier, mais également comme une victime. Sans dévoiler la fin de l'histoire, la nature schizophrénique et psychotique du personnage consume littéralement ce dernier. Marié et père de deux enfants, l'étrangleur est ainsi en permanence dans un état de dédoublement de la personnalité, tiraillé entre sa vie de famille (c'est un mari aimant et un père attentionné) et son irrépressible besoin de tuer.
Le tour de force du film réside ainsi dans l'attachement que le spectateur ressent pour ce personnage d'assassin, Fleischer rappelant la paradoxale humanité de l'étrangleur et ne se bornant pas à s'intéresser uniquement à ses pulsions meurtrières. Cette dualité du personnage sera pleinement exploitée dans la dernière partie du métrage, au cours de laquelle l'homme de loi incarné par l'impérial Henry Fonda permettra à De Salvo d'accoucher du mal qui le ronge, d'en prendre conscience, le conduisant ainsi vers une issue tragique que le plan final du film, sans aucun dialogue, illustrera d'une manière terrible, par la seule force de la mise en scène et l'utilisation de la couleur blanche. La maïeutique mise à l'oeuvre par le personnage de Fonda aura paradoxalement permis à l'étrangleur de se trouver, mais aussi de se perdre définitivement. Soulignons également l'utilisation des jeux de miroirs et des reflets, constituant l'illustration visuelle de la dualité du personnage de Curtis, aussi bien lors de ses méfaits (voir la scène dans laquelle il s'aperçoit dans un miroir alors qu'il est en train de maltraiter une femme), que dans la confrontation finale avec Fonda.
L'étrangleur de Boston s'inscrit donc comme un thriller psychologique de haute volée, soutenu par des comédiens en état de grâce et doté d'une mise en scène extrêmement intelligente et novatrice. La modernité du style de Fleischer frappe encore aujourd'hui, et si le film vous est encore inconnu, je vous envie de le découvrir...
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Re: L'étrangleur de Boston (Richard Fleischer)
Très belle analyse, lorenzo !
Rien à rajouter sinon que ce film est indispensable, à voir et à revoir.
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