Comme je suis invité à me justifier pour mon 3.5/10 à
The Chaser
Je note peut-être sévèrement, et ne prends probablement pas assez en compte la mise en scène tout à fait efficace, tout comme l'ambiance nocturne de Seoul. Mais une note donnée sur un forum n'a que vocation à exprimer un ressenti, et je peux dire que
The Chaser comporte un peu tout ce que je déteste du cinéma populaire coréen, à savoir toute cette esbroufe et cette complaisance dans le glauque. Je n'ai aucun problème avec les univers glauques et la violence, mais encore faut-il que ce ne soit pas pour masquer le manque de propos et de personnalité. C'est le sentiment que j'ai eu ici: une écriture bancale et bâclée, pour une intrigue qui avance trop souvent par hasards et coïncidences; un humour scatologique qui a peut-être son public mais je n'en fais pas partie; et une complaisance dans le glauque et le gore non pas pour révéler les personnages, mais juste pour l'effet, pour claquer, pour qu'on sorte de la salle en se disant que c'était fort. Mais qu'y a-t-il de fort à massacrer des personnages dont la seule fonction est de se faire massacrer? A partir de là, la mise en scène peut être brillante et efficace, peu importe, c'est la démarche elle-même qui n'a aucun intérêt.
Sinon le mois d'août par son actualité aura été propice à la découverte de certains Delon qui étaient sur ma liste depuis un moment.
Je retiens le fabuleux
Monsieur Klein: plus qu'un simple film historique sur les heures sombres, un suspense kafkaïen porté par un Delon au sommet de son charisme, qui en plus de son efficacité questionne. Sur quoi donc? Je ne trouve pas mieux que des banalités comme la médiocrité des gagnants, les frontières poreuses entre soi et l'autre, la violence du pouvoir... Mais je sens que le film pourrait révéler d'autres niveaux de lecture lors d'une prochaine vision. Je vais laisser murir en attendant.
Pas en reste non plus, le très beau
Le Professeur de Valerio Zurlini: un mélodrame typique de ces années-là, où la bourgeoisie s'ennuie et se lance dans des histoires d'amour perdues dès le début. Ce n'est pas d'une originalité folle, mais Delon donne à son personnage de professeur dilettante et désenchanté la densité tragique nécessaire pour être suivi volontiers dans cet univers morne où l'on se libère en conduisant trop vite ou en buvant trop.
Par contre, quelle déception devant
L'Eclipse d'Antonioni. J'avais pourtant un très beau souvenir de
La Nuit, dont il est le prolongement. Mais est-ce parce que je l'ai découvert quand j'avais 17 ans, et que forcément mes goûts et intérêts on changé depuis, ou bien tout simplement parce que cette "suite" est moins réussie? Il faudrait que je le revoie pour trancher, mais pour ce qui est de
L'Eclipse, j'y ai vu une oeuvre assez
mode, typique des années 60 au point d'enchaîner les clichés du cinéma d'auteur européen de cette époque: solitude des êtres dans le monde moderne, intrigue minimaliste voire inexistante, actrice magnifique parce que quand même, il faut du glamour, alors dis des phrases banales sur un ton monocorde en prenant une mine mélancolique, ça fera bien. Pourtant, j'ai un certain plaisir à voir ce cliché, car oui Antonioni sait flatter l'oeil, et Monica Vitti qui erre dans les décors ternes et désincarnés de l'Italie industrialisée, c'est comme une vamp de film noir qui fume une clope, une image mythique qui raconte son époque et un pan de l'Histoire du cinéma. Mais est-ce que ça tient pendant deux heures de film? Les scènes interminables à la Bourse (oui on a compris, ça raconte le capitalisme absurde), et l'ennui encore l'ennui, la rencontre amoureuse sans amour parce qu'encore l'ennui. Ca n'empêche pas des scènes brillantes (comme la poursuite Delon-Vitti dans l'appartement, ou la tentative de cinéma sensoriel de la fin), mais l'ensemble a peiné à m'intéresser et l'ennui était bel et bien présent. J'ai l'impression qu'Antonioni a moins bien pris le temps que d'autres auteurs stars de son époque comme Fellini ou Bergman, car il cherche à donner une vision du monde moderne mais sans vraiment trouver de l'humain dedans. Il reste le style, beaucoup repris depuis donc plus aussi unique, mais ça ne raconte plus grand chose car ce monde moderne est aujourd'hui ancien et suffisamment décortiqué. Bergman et Fellini (par exemple) ont pu aussi laisser derrière eux certains clichés, mais ils se sont davantage intéressés à l'humain, et même aujourd'hui ça raconte quelque chose d'actuel.
Et parce que c'est le mois Delon il convient de le préciser: le grand acteur est dans ce film complètement transparent, loin du magnétisme qui fera sa renommée.
Hormis le Losey et dans une moindre mesure le Zurlini, la découverte de ce mois d'août sera surement
La Femme du Boulanger de Pagnol. Et même le cinéma de Pagnol tout court. Un drame de vaudeville circonscrit à sa géographie mais qui prend une dimension quasi mythologique grâce aux rôles précis de ses personnages (le sage, le tentateur, la vaniteuse, le tenant de l'ordre ancien oppresseur...), tout en célébrant avec un amour réel la vie provençale.