L'ENFER POUR MISS JONES (The Devil In Miss Jones) de Gerard Damiano (1973)
Après son suicide, Justine Jones, une vieille fille sexuellement frustrée, est contrainte à errer dans les limbes du purgatoire. Afin de gagner sa place en enfer, on lui propose de retourner temporairement sur Terre et de s'adonner aux plaisirs de la chair sous toutes ses déclinaisons...
Après
GORGE PROFONDE, le film pornographique phénomène, Gerard Damiano offre au cinéma X ses lettres de noblesse avec
L'ENFER POUR MISS JONES qui est une oeuvre fondatrice pour le genre. Il s'agit du premier long-métrage X de l'Histoire à oser explorer un sujet adulte et mélodramatique. L'auteur/réalisateur construit son oeuvre autour d'une thématique bien à lui, brodant des histoires autour de femmes frustrées, insatisfaites ou aigries. Dans ce joyau aux accents bergmaniens, Damiano donne le rôle principal à une femme d'âge mûr : Georgina Spelvin, qui avait 37 ans à l'époque du tournage et que le réalisateur repère parmi son équipe; elle s'occupait de la cantine. Physique "ordinaire", bien loin des canons actuels de beautés désincarnés, Spelvin livre une prestation poignante avec une vraie dimension psychologique, où l'actrice saura faire ressentir au spectateur tout le désir, le plaisir et la jouissance de son personnage. D'un réalisme et d'une émotion bien trop rare dans le cinéma porno.
S'ouvrant les veines avec une lame de rasoir, Justine se vide de son sang dans sa baignoire, mettant ainsi fin à une existence morne et triste. Cette oeuvre de Damiano n'est pas un film pornographique comme les autres, il s'attache à dépeindre l'histoire tragique de cette femme qui n'a rien vécu, n'a eu aucun plaisir dans sa vie. Le cinéaste passe de l'univers morne et déprimant que constitue l'appartement grisâtre de Justine à une recherche constante de plénitude sexuelle à travers une succession de tableaux pornographiques où l'héroïne va pouvoir enfin satisfaire ses moindres désirs. Elle rencontre tout d'abord le "Professeur" (Harry Reems, grand star bien établi dans le genre) qui va se charger de son initiation. Le réalisateur opte pour une mise en scène élaborée, avec une très belle photographie qui donne des images troublantes, sensuelles. Le visuel du long-métrage est constamment soutenu par une bande sonore très travaillée, parfois même assez angoissante, et une belle recherche musicale pour illustrer cette quête absolue du plaisir dans la luxure. On a même droit à une scène de masturbation au jet d'eau dans une baignoire sous les accords d'une musique d'Ennio Morricone emprunté au film IL
ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST. Quelques idées originales soutiennent les séquences de sexe, comme ce duo féminin qui s'adonne au saphisme sur un waterbed ou encore quand Justine se retrouve au lit avec un serpent après avoir croqué une pomme, le fruit défendu.
Même si quelques scènes du long-métrage reste assez communes et que le film aurait mérité un traitement largement plus long que ces maigres 64 minutes,
L'ENFER POUR MISS JONES reste un sublime film X emblématique avec une dimension fantastique assez fascinante. C'est du cinéma pornographique intelligent, comme on en voit peu. Georgina Spelvin, par son naturel et sa sincérité, aura définitivement marqué le porno, rendant même ses scènes très émouvantes. Quel plaisir de voir une femme mûre s'adonner aux joies du sexe comme si sa vie en dépendait. C'est tout à fait le cas ici, et sa vie en sera complètement bouleversé au moment de rejoindre l'Enfer en compagnie d'un fou attendant Dieu sous la forme d'une mouche. Une dernière séquence et un dernier personnage incarné par le réalisateur lui-même, profondément féministe, qui a su brillamment éviter tous les stéréotypes inhérents au genre. Indispensable!
Pour l'anecdote, le groupe Massive Attack a rendu hommage à
L'ENFER POUR MISS JONES avec son clip intitulé "
Paradise Circus" extrait de leur album "
Heligoland".
Le clip de Massive Attack, forcément "+18" (contenant des images pornographiques) :
ICI
DERRIERE AVIDES A REMPLIR (Odyssey : The Ultimate Trip) de Gerard Damiano (1977)
"
Au commencement est la naissance. A la fin, la mort. Entre les deux, il y a la vie." Ainsi débute
ODYSSEY, qui présente trois percées intenses dans la libido américaine des années 70 : les fantasmes d'un homme marié perdu dans une maison de passe psychédélique, les émois de plusieurs femmes qui révèlent leurs frustrations sexuelles à une psychiatre et les illusions perdues d'une jeune mannequin, devenue escort girl par dépit amoureux.
Damiano dresse à nouveau des portraits de femmes qu'il psychanalyse avec maestria à travers des tableaux baroques. Le premier, qui nous fait visiter un lupanar dans lequel il règne une atmosphère onirique, un homme et une femme se redécouvre sexuellement à travers cette ambiance que n'aurait pas renier un David Lynch. Les décors sont très soignés et les scènes de sexe parfois assez étranges, comme cet homme et cette femme qui se travestisse l'un l'autre en personnage du sexe qui lui est opposé. Au milieu de cette ambiance chaude, le couple, miné par l'usure du quotidien se retrouve de leur côté dans les alcôves secrètes du lieu, portant des masques surprenants pour y faire à nouveau l'amour, depuis sans doute bien trop longtemps.
La deuxième séquence se révèle être la moins intéressante, peut être parce qu'elle est trop brève et ne se concentre pas assez sur ses interprètes féminines qui narrent leurs déboires sexuelles. C'est aussi les seuls instants de
ODYSSEY qui ne baigne pas dans un climat fantastique. Dans ce segment on y retrouve brièvement Samantha Fox qui jouait également dans un autre "classique" de l'Âge d'Or du X intitulé
FIEVRE AU LYCEE.
La troisième et dernière partie du film se révèle également être la plus réussie... et aussi la plus dramatique. Susan McBain y crève l'écran dans un rôle qui rappelle un peu celui de Georgina Spelvin dans
L'ENFER POUR MISS JONES. Une femme (plus jeune, cette fois-ci!) dont on assiste à la sourde détresse dans son appartement, alors qu'elle écoute inlassablement les messages téléphoniques de plusieurs personnes (sa mère, une copine déprimée, un agent qui veut la sauter, un imprésario...) qui lui demandent beaucoup de choses alors qu'elle n'obtient rien en retour. Après une scène d'humiliation lors d'un casting coquin, la jeune femme nous fait plonger dans ses pensées les plus intimes : séquence d'orgie sado-masochisme avec cuir, clous et chaînes métalliques où l'on aperçoit dans l'assemblée la formidable suceuse qu'est Olivia Del Rio avant de voir son rêve interrompu par un nouvel appel téléphonique. Dans ce segment, le réalisateur présente une séquence particulière en pointant sa caméra entre les cuisses de son héroïne en train de se raser complètement les parties génitales. Les filmx X des années 70 étant bien connus pour ses actrices à la touffe bien fournie, il est intéressant de voir ce moment de cinéma porno qui devait être sans doute l'une des premières scènes coquines montrant une actrice totalement imberbe!
Pour finir, dans les derniers instants d'
ODYSSEY, le personnage incarné par Susan McBain rêve d'une nuit de bonheur dans les bras d'un homme qui s'occupe pleinement d'elle au milieu d'un superbe décor faits d'énormes coussins argentés... Une fantaisie qui, finalement, n'empêchera pas la belle de s'ôter la vie. Une conclusion brillante et cruelle pour un porno pétri de réflections existentielles. Une oeuvre originale et troublante, parmi les meilleurs films X américain. Comme à son habitude, Damiano soigne ses images, bien aidé par d'excellents choix musicaux allant de la musique tribale au jazz-rock progressif et classique, le "trip" faisant complètement effet... Et c'est excellent!
SECRETS D'ADOLESCENTES de Gérard Loubeau (1980)
Un film X français avec Brigitte Lahaie à l'apogée de sa sublime beauté. La comédienne y interprète une femme de chambre qui n'hésite pas à aider le fils de ses employeurs à conquérir sa belle. Et cela même si il faut d'abord l'initier à tous les plaisirs de la chair. Cette petite production d'un peu plus d'une heure ne s'embarrasse pas d'un scénario très compliqué et se concentre surtout sur une succession de situations coquines où l'on peut découvrir la belle blonde s'adonner au lesbianisme avec une servante noire, observer un jeune homme se masturber en portant les dessous féminins de sa chérie; cette dernière se caressant avec entrain tout en lisant une revue pornographique; il y a encore une petite scène de triolisme et même un peu de naturisme où l'actrice s'envoie en l'air sur le capot d'une voiture.
Rien de bien transcendant pour une oeuvre qui manque singulièrement d'originalité, les scènes de sexe étant plutôt basiques et sans grand intérêt. On retiendra surtout la très belle séquence où Brigitte Lahaie, à peine dévêtue, enfile un très beau déshabillé tout en se regardant dans un miroir. Un bref petit instant érotique qui est bien plus excitant que l'ensemble d'un long-métrage devant lequel on ne s'ennuie toutefois pas trop au vu la brièveté d'une histoire qui aurait sans doute mérité d'avantage d'attention pour en révéler toute la perversité.
LA VITRINE DU PLAISIR de Gérard Kikoïne (1977)
Ici, il ne s'agit pas vraiment d'une fiction mais plutôt une représentation de l'envers du décor d'un film X. En l'occurence, le spectateur est invité par l'entremise d'une journaliste, à découvrir le plateau de tournage de PARTIES FINES (également connu sous le titre INDECENCES 1930), une des meilleures oeuvres pornographiques dans laquelle figure Brigitte Lahaie. Un making of qui fait la part belle aux séquences explicites, permettant d'assister à toutes sortes de scènettes allant d'une simple fellation à une partouze avec sodomie, éjaculation et tutti quanti! Il y a bien quelques instants d'entretiens privilégés entre la reporter, l'équipe technique et ses comédiens mais ces moments se révèlent plutôt rares. Par contre, la caméra dévoile tout ce beau monde en pleine action dans des décors souvent assez exigus.
Ce qui est assez amusant, c'est qu'outre cette visite inédite des dessous d'une superproduction X, LA VITRINE DU PLAISIR met en scène une femme journaliste que l'on soupçonne aisément d'être également comédienne de cette oeuvre limite propagandiste. C'est même rigolo de voir la reporter elle-même se représenter une équipe de travailleurs du sexe. Le film montrant même cette petite fantasie mise en scène avec un certain sens de l'auto-dérision : les techniciens à l'oeuvre étant tous nus et en train de se faire sucer alors que les acteurs du long-métrage sont tous habillés pour jouer leurs scènes. De plus, à mesure que la jeune femme investit progressivement le milieu, celle-ci se retrouve complètement fascinée par cet univers et se retrouve même dans la dernière séquence du "documentaire" à devenir une protagoniste d'un film, nous la présentant en train de tailler une pipe au moment où défile le générique de fin. Même si l'oeuvre se montre probablement comme un "faux" reportage, il reste tout de même un document exceptionnel à voir pour tous les amateurs qui désirent savoir comment cela se passe derrière la caméra d'un film pornographique.
VIBRATIONS SEXUELLES de Jean Rollin (1977)
Sous le pseudonyme "Michel Gentil" se cache le réalisateur Jean Rollin qui met en scène l'un des tout premiers films de Brigitte Lahaie. La comédienne a d'ailleurs encore les cheveux bruns et ne figure que dans une seule séquence X, l'apothéose finale! Cette histoire très brève (à peine plus de 40 minutes!) où une psychiatre essaie de venir en aide à un homme (le fameux Alban Ceray) qui essaie de trouver une extase autant physique que cérébrale après un rêve coquin plutôt convaincant. Le patient trouvera bien entendu son bonheur dans les bras de la doctoresse.
Jean Rollin s'étant mis au cinéma pornographique par contrainte financière, mettant pour un temps la pédale douce sur un cinéma plus traditionnel, n'était vraiment pas à l'aise dans le cinéma X. De nature timide, le réalisateur laissera la mise en boîte des séquences sexuellement explicites à ses techniciens. Pour le reste, on retrouve son sens de l'atmosphère, mettant en images quelques belles scènes se déroulant sur les quais de Paris où les deux amants se baladent juste après s'être mariés. Car oui, dans ce film X, les sentiments priment avant tout. Ce qui rend la très chaude scène finale d'autant plus touchante que ce n'est pas tous les jours que l'on voit deux personnages d'une intrigue pornographique se dire "Je t'aime" avant que le mot "FIN" apparaisse au générique! C'est la petite touche poétique d'un auteur qui s'approprie les codes du genre pour y infilter de petits instants qui n'appartiennent qu'à lui.
VIBRATIONS SEXUELLES est donc une curiosité à découvrir, une autre facette du cinéma de Jean Rollin. Dans ce film, en plus de la sublime Brigitte Lahaie, on y retrouve aussi une autre comédienne issue de l'univers du réalisateur : la blonde Catherine Castel que l'on a pu voir dans
LA VAMPIRE NUE ou encore
LEVRES DE SANG. Ici, elle ne suce pas de sang mais fricotte timidement avec une autre jeune femme au milieu d'ours en peluche. Car Rollin soigne un minimum ses décors, on peut apprécier sa délicieuse séquence d'ouverture faisant office d'un rêve humide où deux femmes font l'amour sur une peau de tigre! Une belle rareté XXX!
