Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
- Watkinssien
- Etanche
- Messages : 18207
- Inscription : 6 mai 06, 12:53
- Localisation : Xanadu
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
J'ai étudié avec mes élèves des séquences de Autant en emporte le vent, et j'ai trouvé cela complètement normal. On parle d'une date dans l'histoire du cinéma, non seulement pour son succès phénoménal mais également et surtout pour ses très nombreuses qualités artistiques, cinématographiques, dramatiques.
Au milieu de ce débat actuel, même si je ne suis absolument pas d'accord du tout avec la décision de HBO Max, j'ai été beaucoup plus choqué qu'on retire le nom de Lillian Gish sur une salle de cinéma située dans une université tout ça parce qu'elle apparaît dans The Birth of a Nation.
Au milieu de ce débat actuel, même si je ne suis absolument pas d'accord du tout avec la décision de HBO Max, j'ai été beaucoup plus choqué qu'on retire le nom de Lillian Gish sur une salle de cinéma située dans une université tout ça parce qu'elle apparaît dans The Birth of a Nation.

Mother, I miss you

- Alphonse Tram
- Producteur Exécutif
- Messages : 7213
- Inscription : 7 juil. 03, 08:50
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Il n’y a même plus à être choqué de tout cela. Cette folie disparaitra au profit d’une autre dans un mois ou dans un an. Une échelle de temps tellement ridicule que toutes ces contestations finiront par se mélanger. Leurs répercussions sont encore à inventer.
L’information telle qu’on la subi au jour le jour devient tellement stressante que je ne lutte pas : je l’accueille – sans jugement – et passe à autre chose. L’oubli vient plus vite. C’est de la méditation en pleine conscience, vous devriez essayer
Et comme les mots me manquent, je préfère laisser la parole à ceux qui sont + doués
https://www.contrepoints.org/2020/06/13 ... e-le-passe
https://www.contrepoints.org/2020/06/13 ... n-pensance
https://www.contrepoints.org/2020/06/14 ... te-le-vent
L’information telle qu’on la subi au jour le jour devient tellement stressante que je ne lutte pas : je l’accueille – sans jugement – et passe à autre chose. L’oubli vient plus vite. C’est de la méditation en pleine conscience, vous devriez essayer

Et comme les mots me manquent, je préfère laisser la parole à ceux qui sont + doués
https://www.contrepoints.org/2020/06/13 ... e-le-passe
https://www.contrepoints.org/2020/06/13 ... n-pensance
https://www.contrepoints.org/2020/06/14 ... te-le-vent
Souhaits : Alphabétiques - Par éditeurs
- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
- « Il y aura toujours de la souffrance humaine… mais pour moi, il est impossible de continuer avec cette richesse et cette pauvreté ». - Louis ‘Studs’ Terkel (1912-2008) -
- Commissaire Juve
- Charles Foster Kane
- Messages : 24918
- Inscription : 13 avr. 03, 13:27
- Localisation : Aux trousses de Fantômas !
- Contact :
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Tu as bien raison. Tout ça sera oublié dans quelques semaines.Alphonse Tram a écrit :Il n’y a même plus à être choqué de tout cela. Cette folie disparaitra au profit d’une autre dans un mois ou dans un an...
L’information telle qu’on la subi au jour le jour devient tellement stressante que je ne lutte pas : je l’accueille – sans jugement – et passe à autre chose. L’oubli vient plus vite....
Les s***pards des chaînes d'info en continu font leur beurre avec ce genre de conneries !
Ils montent tout ça en épingle jusqu'à nous filer la nausée. Dans les années 70 ou 80,
tout ça aurait fait une minute au JT et on serait passé à autre chose.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
Moi, je ne regarde plus l'info à la télé depuis deux ans environ (à vue de nez).
Dernière modification par Commissaire Juve le 14 juin 20, 22:14, modifié 1 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
-
- Cadreur
- Messages : 4210
- Inscription : 4 mars 15, 02:40
- Localisation : Lutetia
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
™En même temps™, l'attentat terroriste islamiste au couteau là-bas précisément en avril dernier est passé inaperçu en plein confinement à cause du coronavirus. Quelques minutes et puis on passe à autre chose...Commissaire Juve a écrit :Imaginez la même chose aujourd'hui ! Avec BFM et Cie !
- Spoiler (cliquez pour afficher)
Moi, je ne regarde plus l'info à la télé depuis deux ans environ (à vue de nez).
- Michel2
- Doublure lumière
- Messages : 528
- Inscription : 19 juin 16, 04:59
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
L'aspect cinématographique est sans surprise le grand absent de cette controverse : je ne suis d'ailleurs pas sûr que les gens qui condamnent le film l'aient tous vu. Dans ce contexte, Autant en emporte le vent n'est clairement pas jugé pour ce qu'il est mais pour le symbole que l'on veut faire de lui. C'est ce que tu disais très justement il y a deux ou trois pages.Rashomon a écrit :Oui, c'est ce qu'il y a de plus dingue dans cette affaire: Autant en emporte le vent n'est plus un film. On débat de son racisme réel ou supposé, mais personne ne tente ou n'ose une défense artistique, comme si la qualité du film dépendait de ses bonnes moeurs politiques. C'est le grand retour de Me Pinard.Michel2 a écrit : Mais je ne serai pas venu pour rien sur le forum, j'ai appris que les trolls aiment les crêpes. Et si vous voulez bien me pardonner cette impardonnable suggestion, on peut se remettre à causer un peu de cinéma ? Parce qu'au-delà du concours amateur de lucha libre rhétorique de ces dernières pages, il y des choses intéressantes à dire sur Autant en emporte le vent et la tradition du mélodrame sudiste.
Ceci étant dit, il n'y a rien d'illégitime à critiquer la vision du Sud que propose le film : la guerre civile et l'esclavage ont toujours été des sujets extrêmement sensibles aux Etats-Unis et il est normal et même inévitable qu'une oeuvre de fiction soit attendue au tournant quand elle s'aventure sur ce terrain. La polémique ne date d'ailleurs pas d'hier puisqu'elle avait commencé avant même la sortie du film. Et de même qu'on ne peut pas réduire un long métrage aux seules idées politiques qu'on lui prête et n'y voir qu'un tract (ce que beaucoup ne se privent malgré tout pas de faire), on ne peut pas non plus éluder la résonance idéologique d'une fiction qui appuie là où cela fait très mal en plaçant le débat sur le seul plan de l'Art avec un A majuscule. C'est ce que dit Watkinssien en haut de la page : Autant en emporte le vent est à la fois un mélo flamboyant parfaitement représentatif d'une certaine grande forme hollywoodienne classique et une déclinaison de la tradition du plantation drama, un genre qui repose sur l'idéalisation du passé et qui est dans le meilleur des cas plutôt conservateur et dans le pire raciste, réactionnaire et révisionniste. L'oeuvre de Fleming n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux à la fois, sans qu'on puisse les dissocier. Et on peut parfaitement apprécier le film et ses qualités formelles tout en étant lucide sur la manière dont il perpétue la tradition pas franchement progressiste de la "cause perdue".
Pour clarifier ma position, Autant en emporte le vent n'est pas un de mes films de chevet mais j'en apprécie les qualités. Je reste assez extérieur à l'histoire et aux personnages, qui ne me font pas beaucoup vibrer, mais je considère que c'est un film important malgré ou peut-être en raison de son caractère hors-norme (il est d'ailleurs assez amusant de voir qu'on continue à vouloir faire de lui l'incarnation d'un certain cinéma classique hollywoodien alors qu'il s'agit d'une oeuvre atypique à bien des égards, mais ceci est un autre débat). Sur le plan "idéologique", ce sont sa complexité et ses contradictions internes qui m'intéressent, davantage que sa propension à recycler des topoï que les historiens du cinéma ont décryptés depuis déjà un bail - c'est quand même un film qui a été analysé en long, en large et en travers au fil des décennies.
- Alexandre Angel
- Une couille cache l'autre
- Messages : 15411
- Inscription : 18 mars 14, 08:41
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Avec tout ça, je suis surpris de ne pas entendre parler de Naissance d'une nation ces derniers temps.Michel2 a écrit :Autant en emporte le vent est à la fois un mélo flamboyant parfaitement représentatif d'une certaine grande forme hollywoodienne classique et une déclinaison de la tradition du plantation drama, un genre qui repose sur l'idéalisation du passé et qui est dans le meilleur des cas plutôt conservateur et dans le pire raciste, réactionnaire et révisionniste. L'oeuvre de Fleming n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux à la fois, sans qu'on puisse les dissocier. Et on peut parfaitement apprécier le film et ses qualités formelles tout en étant lucide sur la manière dont il perpétue la tradition pas franchement progressiste de la "cause perdue".
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
- odelay
- David O. Selznick
- Messages : 14187
- Inscription : 19 avr. 03, 09:21
- Localisation : A Fraggle Rock
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Alexandre Angel a écrit :Avec tout ça, je suis surpris de ne pas entendre parler de Naissance d'une nation ces derniers temps.Michel2 a écrit :Autant en emporte le vent est à la fois un mélo flamboyant parfaitement représentatif d'une certaine grande forme hollywoodienne classique et une déclinaison de la tradition du plantation drama, un genre qui repose sur l'idéalisation du passé et qui est dans le meilleur des cas plutôt conservateur et dans le pire raciste, réactionnaire et révisionniste. L'oeuvre de Fleming n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux à la fois, sans qu'on puisse les dissocier. Et on peut parfaitement apprécier le film et ses qualités formelles tout en étant lucide sur la manière dont il perpétue la tradition pas franchement progressiste de la "cause perdue".
Chacun son tour! Il fait la queue comme tout le monde.
Sinon on vient d’annoncer un 3eme volet de Qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu et là aucun problème pour le financer.
-
- Doublure lumière
- Messages : 315
- Inscription : 15 févr. 13, 21:24
- Localisation : Bates motel
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Pas étonnant le film est quand même beaucoup moins connus. C'est un film qui appartient au passé en dehors des historien du cinéma (ou des États Unis, ou de la question raciale aux États Unis) et quelques cinéphile, peu l'ont vu aujourd'hui, le film est donc ignoré ou abordé avec une distance qui n'existe pas pour Autant en Emporte le Vent qui reste encore très présent dans la culture contemporaine (vu ou pas vu), multi-rediffusé et réellement populaire (et populaire auprès d'un public qui n’adhère pas à l'idéologie de la cause perdue).Alexandre Angel a écrit :Avec tout ça, je suis surpris de ne pas entendre parler de Naissance d'une nation ces derniers temps.Michel2 a écrit :Autant en emporte le vent est à la fois un mélo flamboyant parfaitement représentatif d'une certaine grande forme hollywoodienne classique et une déclinaison de la tradition du plantation drama, un genre qui repose sur l'idéalisation du passé et qui est dans le meilleur des cas plutôt conservateur et dans le pire raciste, réactionnaire et révisionniste. L'oeuvre de Fleming n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux à la fois, sans qu'on puisse les dissocier. Et on peut parfaitement apprécier le film et ses qualités formelles tout en étant lucide sur la manière dont il perpétue la tradition pas franchement progressiste de la "cause perdue".
Je ne pense pas que les deux films soient comparable. Naissance d'une Nation est caricatural et direct dans son racisme, et son apologie du Ku Klux Klan, Autant en Emporte le Vent est un film plus complexe (et bien meilleur a mon avis, sans remettre en question l'importance du film de Griffith dans l'histoire du cinéma), en tout cas sur ces questions. On accepte plus facilement une discussion sur le racisme, et les représentations racistes, a partir de Naissance d'une Nation parce que la question est évidente (et inévitable) alors que dans Autant en Emporte le Vent beaucoup de spectateur vont d’abord voir une romance ou une saga familiale reléguant l'histoire a l'arrière plan. Pourtant autant pour Margaret Mitchell que pour Selznick, je pense que la dimension historique était d'égale importance, mais ce n'est pas forcément ce que le spectateur retient du film ce qui compliquent toute discussion de sa dimension politique.
Personnellement je considère Autant en Emporte le Vent comme un grand chef d’œuvre assez incontestable, pour son souffle épique, l'originalité de ses personnages principaux totalement amoraux, et la complexité du film dans son traitement du point de vue confédérés, le film est plus critique a l'égard de la "cause perdue" qu'on pourrait le croire au premier abord. Ne serait-ce déjà que parce qu'il expose assez clairement l'esclavage comme la cause de la sécession et donc de la guerre (cf la discussion entendue par Scarlett au début du film, avec tous les hommes réunis dans la maison d'Ashley le père de Scarlett dit très clairement que le sud veut garder ses esclaves que c'est une nécessité, Ashley est déjà un centriste mou et hypocrite qui veut faire sécession en paix ce qui contraste fortement avec les discours guerriers enthousiastes autour de lui, le sud est donc dés le départ montré comme responsable du conflit, du moins autant que le Nord, ce qui est conforme a la vérité historique), il y a plein d'autres éléments qui vont dans la direction d'une certaine distance critique. Le film en fait a presque la même attitude a l'égard de la confédération qu'a l'égard de Scarlett: empathie voire admiration pour leur force et leur courage dans l'adversité, mais dans le même temps l'identification ne peut être totale parce qu'elle est difficilement un modèle a suivre.
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."
Orson Welles
Orson Welles
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Un bon article dans le New-York Times qui rappelle que les controverses sur le film datent du début de sa production et ont duré jusqu'à ce jour sans jamais s'arrêter, c'est juste qu'on s'en foutait, particulièrement en France où le film est plus un symbole de la fin de la 2e guerre mondiale et du retour du spectacle hollywoodien au cinéma...
https://www.nytimes.com/2020/06/14/movi ... tw-nytimes
D'autre part ça donne quelques clés sur le boulot de Selznick déjà inquiet à l'époque des tendances de l'auteur à embellir la cause sudiste et laisser filtrer a minima un paternalisme certain et des coupes dans le scénario pour éviter de présenter un truc aussi discutable que "Naissance d'une Nation".
https://www.nytimes.com/2020/06/14/movi ... tw-nytimes
D'autre part ça donne quelques clés sur le boulot de Selznick déjà inquiet à l'époque des tendances de l'auteur à embellir la cause sudiste et laisser filtrer a minima un paternalisme certain et des coupes dans le scénario pour éviter de présenter un truc aussi discutable que "Naissance d'une Nation".
- tenia
- Le Choix de Sophisme
- Messages : 32839
- Inscription : 1 juin 08, 14:29
- Contact :
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
A chaque pays son histoire culturelle spécifique, je suppose.odelay a écrit :Sinon on vient d’annoncer un 3eme volet de Qu’est ce que j’ai fait au bon Dieu et là aucun problème pour le financer.
- Michel2
- Doublure lumière
- Messages : 528
- Inscription : 19 juin 16, 04:59
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Ils se situent tous les deux dans la même mouvance et se rattachent au même sous-genre (le plantation drama déjà mentionné), mais il y a vingt ans d'écart entre les deux, et ces deux décennies changent tout. Adapté d'un roman de Thomas Dixon Jr., qui était l'un des principaux apologistes de la cause perdue, Naissance d'une nation est un pur produit des années 1910 : Dixon, qui avait collaboré au script du film, avait un message à faire passer, à savoir que la guerre civile était avant tout une guerre d'agression nordiste (pour reprendre la terminologie de l'époque) dont le sud était la victime, et surtout que tout est la faute des noirs. Le racisme hystérique du film et son apologie du Ku Klux Klan peuvent paraître caricaturaux aujourd'hui, mais ils sont parfaitement en phase avec l'esprit de l'époque, qui voit entre autre la popularisation des théories eugénistes aux Etats-Unis, la montée d'une pseudo-science obsédée par la hiérarchisation des races, et le développement d'une hostilité croissante envers tout ce qui n'est pas blanc, anglo-saxon et protestant, phénomène qui culminera dans les années 20 que les Américains surnomment souvent les tribal twenties.A serious man a écrit :Je ne pense pas que les deux films soient comparable. Naissance d'une Nation est caricatural et direct dans son racisme, et son apologie du Ku Klux Klan, Autant en Emporte le Vent est un film plus complexe (et bien meilleur a mon avis, sans remettre en question l'importance du film de Griffith dans l'histoire du cinéma), en tout cas sur ces questions. On accepte plus facilement une discussion sur le racisme, et les représentations racistes, a partir de Naissance d'une Nation parce que la question est évidente (et inévitable) alors que dans Autant en Emporte le Vent beaucoup de spectateur vont d’abord voir une romance ou une saga familiale reléguant l'histoire a l'arrière plan. Pourtant autant pour Margaret Mitchell que pour Selznick, je pense que la dimension historique était d'égale importance, mais ce n'est pas forcément ce que le spectateur retient du film ce qui compliquent toute discussion de sa dimension politique.
Quand Margaret Mitchell publie son bouquin en 1936, le plantation drama est devenu un sous-genre littéraire très populaire (il ne faut pas oublier que c'est la littérature qui crée les topoï dont nous parlons et que la quasi-totalité des films du genre sont des adaptations d'oeuvres littéraires), mais il a coulé de l'eau sous les ponts. Depuis le début des années 30, le discours qui sous-tend ce type de récit commence à être remis en question et critiqué, notamment par des romanciers sudistes comme William Faulkner qui rejettent les clichés inhérents au genre et donnent naissance à une nouvelle tradition, celle du southern gothic, où le sud est dépouillé de son glamour et plutôt présenté comme un endroit sombre, voire cauchemardesque et hanté par les fantômes et les crimes de son passé. Et même si le grand public continue à plébisciter les plantation dramas, certains éléments du discours originel de Dixon ne passent déjà plus : l'exaltation du Ku Kux Klan n'est notamment plus possible, on le voit avant même la sortie d'Autant en emporte le vent avec des films anti-Klan comme Legion of Terror de Charles Coleman en 1936 ou La légion noire d'Archie Mayo en 1937.
Le roman de Mitchell prend partiellement en compte cette évolution, même s'il reste totalement enraciné dans une vision nostalgique et paternaliste du Sud d'avant la guerre civile : de ce point de vue, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi quand tu dis que le récit contient une critique implicite de l'esclavage et de la société sudiste, le roman reste quand même avant tout dans la fascination. Mais comme je le disais dans un précédent post et comme le rappelle Stromboli, Selznick était parfaitement conscient du côté problématique de certains aspects du livre, d'où sa volonté très bien documentée d'arrondir les angles et de lisser ce qui pourrait trop prêter à la controverse (controverse qui a quand même fini par avoir lieu, cf le lien donné par Stromboli). D'où un exercice d'équilibriste qui consiste à produire un plantation drama bon teint (et qu'on le veuille ou non, il s'agit d'un genre littéraire et cinématographique dont l'ADN est fondamentalement nostalgique et conservateur) sans pour autant faire un film raciste et réactionnaire : c'est le côté centriste dont je parlais précédemment et qui donne au film une complexité et une subtilité que ne possède pas Naissance d'une nation, même si la sensibilité des spectateurs de 2020 fait qu'ils verront surtout le côté nostalgique et conservateur de l'entreprise.
Parce qu'il est lui aussi le produit de son époque, Autant en emporte le vent est un film rempli de paradoxes et de contradictions, mais loin d'être un défaut, je trouve que ces lignes de fracture internes sont plutôt une richesse et une qualité.
-
- Doublure lumière
- Messages : 315
- Inscription : 15 févr. 13, 21:24
- Localisation : Bates motel
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Quand je dit que les deux films ne sont pas tout a fait comparable c'est simplement qu'avec Naissance d'une nation il n'y a aucune ambiguïté quand au message que l'on cherche a nous faire passer, Autant en Emporte le Vent est un peu plus difficile a saisir quand on regarde le film au delà du vernis romantico-nostalgique, ce que tu appelle le côté centriste du film.Michel2 a écrit :Ils se situent tous les deux dans la même mouvance et se rattachent au même sous-genre (le plantation drama déjà mentionné), mais il y a vingt ans d'écart entre les deux, et ces deux décennies changent tout. Adapté d'un roman de Thomas Dixon Jr., qui était l'un des principaux apologistes de la cause perdue, Naissance d'une nation est un pur produit des années 1910 : Dixon, qui avait collaboré au script du film, avait un message à faire passer, à savoir que la guerre civile était avant tout une guerre d'agression nordiste (pour reprendre la terminologie de l'époque) dont le sud était la victime, et surtout que tout est la faute des noirs. Le racisme hystérique du film et son apologie du Ku Klux Klan peuvent paraître caricaturaux aujourd'hui, mais ils sont parfaitement en phase avec l'esprit de l'époque, qui voit entre autre la popularisation des théories eugénistes aux Etats-Unis, la montée d'une pseudo-science obsédée par la hiérarchisation des races, et le développement d'une hostilité croissante envers tout ce qui n'est pas blanc, anglo-saxon et protestant, phénomène qui culminera dans les années 20 que les Américains surnomment souvent les tribal twenties.A serious man a écrit :Je ne pense pas que les deux films soient comparable. Naissance d'une Nation est caricatural et direct dans son racisme, et son apologie du Ku Klux Klan, Autant en Emporte le Vent est un film plus complexe (et bien meilleur a mon avis, sans remettre en question l'importance du film de Griffith dans l'histoire du cinéma), en tout cas sur ces questions. On accepte plus facilement une discussion sur le racisme, et les représentations racistes, a partir de Naissance d'une Nation parce que la question est évidente (et inévitable) alors que dans Autant en Emporte le Vent beaucoup de spectateur vont d’abord voir une romance ou une saga familiale reléguant l'histoire a l'arrière plan. Pourtant autant pour Margaret Mitchell que pour Selznick, je pense que la dimension historique était d'égale importance, mais ce n'est pas forcément ce que le spectateur retient du film ce qui compliquent toute discussion de sa dimension politique.
Pour Naissance d'une Nation, le racisme du film et son apologie du Ku Klux Klan, même si ça faisaient écho a des tendances contemporaines (et tu as raison de rappeler les théories eugénistes) était déjà caricatural, en tout cas extrême, dans les années 1910, en témoigne les réactions parfois très violentes suscités par le film à sa sortie, et son rôle dans la résurrection du Klan.
Aussi n'ai-je parlé que du film et non du roman de MitchellMichel2 a écrit : je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi quand tu dis que le récit contient une critique implicite de l'esclavage et de la société sudiste, le roman reste quand même avant tout dans la fascination.

d'abord parce que je ne l'ai pas lu et ensuite parce que je sais que Selznick et ses scénaristes ont effectué un certains nombres de changement pour éviter les controverses. Je maintien qu'il y a dans le film une critique implicite pas tellement de l'esclavage (qui est clairement romantisé, avec des esclaves fidèles qui aiment leur maitres et qui ne questionnent jamais leur statut) mais de la société sudiste certainement que cela soit conscient ou pas, le seul personnage incarnant le sudiste modéré, bon avec les esclaves qui les aurait bien volontiers libéré façon Robert Lee (qui dans les faits était très loin de cette image d’Épinal n'en déplaise a certains) c'est Ashley Wilkes, qui est un personnage idéalisé parce que nous le percevons essentiellement par le prisme amoureux de Scarlett, mais qui est ultimement une figure assez négative. Il est caractérisé par son indécision sentimentale, incapable, ou trop complaisant pour le faire, de dire a Scarlett qu'il ne l'aime pas préférant la laisser s'enfoncer dans cette illusion jusqu’à la mort de sa femme (en fait c'est lui la 'Bovary' du film qui passe a côté de sa vie, pas Scarlett, il ne sait pas ce qu'il veut et désire ce qui se trouve irrémédiablement hors de sa portée). C'est ce personnage qui exprime le désir d'une sécession pacifique quand tous les autres attendent les combats avec impatience pour défendre leur droit a conserver des esclaves, c'est encore ce personnage qui plus tard fait la morale a Scarlett lorsqu'elle décide d'exploiter des bagnards et répond quand elle lui dit qu'il n'avait pas autant de scrupule a utiliser des esclaves qu'il les aurait libéré de toute façon. Rhett Blutler est cynique et brutal mais il ne se nourrit d'aucune illusion sur la capacité du Sud a gagné la guerre, ni même sur la justesse de la cause, il ne s'engage pleinement que quand tout est déjà perdu. Quand a Scarlett c'est une quasi-sociopathe égoïste prête a tout pour éviter la misère et qui n'a pas non plus beaucoup de temps a perdre avec la "cause". Certes ce sont des personnages dont nous ne sommes pas censé approuvé toutes les actions n'empêche qu'ils représentent l'avenir.
Et je suis tout a fait d'accord avec ça! C'est un film qui est a la fois dans la fascination et la nostalgie pour le vieux sud et en même temps la distance (plus que dans la critique c'est vrai), on est invité a ressentir de l'empathie et parfois de la sympathie avec des personnages avec lesquels on ne peut pas tout a fait s'identifier. C'est comme tu dit un exercice d'équilibriste qui contribue à la richesse du film.Michel2 a écrit :Parce qu'il est lui aussi le produit de son époque, Autant en emporte le vent est un film rempli de paradoxes et de contradictions, mais loin d'être un défaut, je trouve que ces lignes de fracture internes sont plutôt une richesse et une qualité.
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."
Orson Welles
Orson Welles
- Spongebob
- David O. Selznick
- Messages : 14231
- Inscription : 21 août 03, 22:20
- Last.fm
- Liste DVD
- Localisation : Pathé Beaugrenelle
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Bon j'ai craqué, je viens de commander le Blu-ray sur Amazon. Cela faisait très longtemps que je voulais le prendre et là c'était l'occasion. J'avais eu la chance de découvrir le film en salle. J'ai normalement le joli coffret DVD très complet mais malheureusement je ne l'ai pas retrouvé 

-
- Doublure lumière
- Messages : 315
- Inscription : 15 févr. 13, 21:24
- Localisation : Bates motel
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
Un autre article en anglais qui parle (élogieusement) du roman de Mitchell et de ses implications politiques (réelles ou projetées) c'est assez intéressant, ça peut s'appliquer sur pas mal de point au film et ça donne envie de tenter la lecture de ce monument. https://www.theatlantic.com/politics/ar ... cy/398663/
"Il ne faut pas être timide avec la caméra. Il faut lui faire violence, la pousser jusque dans ses derniers retranchements, parce qu'elle est une vile mécanique. Ce qui compte, c'est la poésie."
Orson Welles
Orson Welles
- Commissaire Juve
- Charles Foster Kane
- Messages : 24918
- Inscription : 13 avr. 03, 13:27
- Localisation : Aux trousses de Fantômas !
- Contact :
Re: Autant en emporte le vent (Victor Fleming - 1939)
J'ai fini par revoir le film (en BLU... disque qui attendait d'être visionné depuis novembre 2011).
C'était la deuxième fois que je le voyais en 20 ans (et -- ne raffolant pas de ce genre de gros millefeuille -- je ne suis pas sûr de l'avoir vu trois fois).
J'ai cherché les diffusions télé entre le 1er janvier 1978 et le 31 décembre 1989, et je n'ai trouvé qu'une diffusion (en deux parties) les 6 et 7 janvier 1986 sur FR3 (en Suisse, il était passé deux fois pendant la même période).
Et ?
Ai-je commandé sur Amazon un uniforme gris de l'armée confédérée ?
Me suis-je mis à chanter :
J'en retiens un formidable numéro d'actrice de Vivien Leigh (qu'elle était belle !) au service d'un mélo flamboyant, et un personnage de Mammy / Mamma tout à fait sympathique. Je n'ai pas trouvé le film plus scandaleux qu'un péplum lambda (le péplum nous ramenant en des temps où l'esclavage était également pratiqué).
Bref : on se calme et on boit frais à Saint-Tropez. Quant aux "énervés" et autres talibans*, eh bien...
* les mêmes -- sans doute -- qui avaient vu une apologie du IIIe Reich dans certains passages de "La Guerre des étoiles", ou qui s'étaient indignés du fait que le "Marie Antoinette" de Sofia Coppola puisse présenter la reine comme une icône glamour.
C'était la deuxième fois que je le voyais en 20 ans (et -- ne raffolant pas de ce genre de gros millefeuille -- je ne suis pas sûr de l'avoir vu trois fois).
J'ai cherché les diffusions télé entre le 1er janvier 1978 et le 31 décembre 1989, et je n'ai trouvé qu'une diffusion (en deux parties) les 6 et 7 janvier 1986 sur FR3 (en Suisse, il était passé deux fois pendant la même période).
Et ?
Ai-je commandé sur Amazon un uniforme gris de l'armée confédérée ?
Me suis-je mis à chanter :
Non. Pas plus que la lecture de Tintin au Congo ne m'a donné envie de mettre un casque colonial et de faire sauter les rhinocéros à la dynamite.I wish I was in the land of cotton,
Old times there are not forgotten ;
Look away ! Look away ! Look away, Dixie's Land !
J'en retiens un formidable numéro d'actrice de Vivien Leigh (qu'elle était belle !) au service d'un mélo flamboyant, et un personnage de Mammy / Mamma tout à fait sympathique. Je n'ai pas trouvé le film plus scandaleux qu'un péplum lambda (le péplum nous ramenant en des temps où l'esclavage était également pratiqué).
Bref : on se calme et on boit frais à Saint-Tropez. Quant aux "énervés" et autres talibans*, eh bien...
... comme dirait Scarlett.Taratata !
* les mêmes -- sans doute -- qui avaient vu une apologie du IIIe Reich dans certains passages de "La Guerre des étoiles", ou qui s'étaient indignés du fait que le "Marie Antoinette" de Sofia Coppola puisse présenter la reine comme une icône glamour.
Dernière modification par Commissaire Juve le 16 juin 20, 12:30, modifié 1 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...