Cinéma politique, politique du cinéma

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Margo

Message par Margo »

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Intéressante interview de Peter Biskindhier dans Libé.
J'ai mis un spoiler quand il évoque la saison 5 de 24.
Peter Biskind*, critique, journaliste et auteur de nombreux livres sur le cinéma américain, explique pourquoi, aux Etats-Unis, le réveil militant passe par Hollywood, où les stars jouent le rôle tenu en Europe par les intellectuels

Le secret de Brokeback Mountain, l'histoire d'amour interdite entre deux cow-boys dans l'Amérique profonde des années 60, est en tête pour les oscars avec huit nominations. Dont meilleur film, meilleur metteur en scène pour Ang Lee... Une première. Un western gay ne choque plus personne ?

Pas si facile. Brokeback Mountain a été produit par Focus, la branche «art et essai» du studio Universal. Mais jamais, jamais, le studio Universal n'aurait lui-même produit ce film. Et on veut bien le sortir sous le sigle «Focus» mais pas sous le label «Universal». C'est encore un sujet trop sensible pour les studios, cela leur fait peur. Universal aurait craint un appel au boycott lancé par les lobbies des millions d'électeurs d'extrême droite, ce qui est arrivé à Disney en 1995 : Miramax, alors filiale de Disney, avait acheté Priest, un film anglais sur un prêtre homosexuel. Disney, le bon studio des familles, s'est retrouvé inondé de lettres de haine, menacé de boycott de ses dessins animés et ses parcs d'attraction. Les frères Weinstein, fondateurs de Miramax, qui avaient pour philosophie ­ et pratique ­ que toute publicité est utile, qu'elle soit bonne ou mauvaise, là, ont dû reculer. Pour Priest, et aussi pour un autre film sulfureux, Kids, qu'ils ont dû racheter à Disney et sortir sous une autre étiquette.

Quant aux gays, Universal avait déjà refusé en 1998 de distribuer Happiness, comédie anglaise produite par Good Machine (qui est devenue Focus) où un pédéraste était présenté d'une façon plutôt sympathique et, en plus, il y avait une scène de masturbation à la fin. C'est October, autre filiale d'Universal, qui a sorti le film. Dans le cas d'Ang Lee, il s'agit d'un grand cinéaste, d'un film très artistique, sensible et de très bon goût, produit par Focus, société très respectée à Hollywood : pour toutes ces raisons, Focus s'est senti assez protégée pour faire Brokeback Mountain. Mais cela a pris huit ans pour qu'Ang Lee puisse monter ce western gay, cela n'avait jamais été fait. Dans les années 80, il y avait eu quelques films gays, Philadelphia avec Tom Hanks, mais c'était plus sur le sida que sur l'amour et le sexe. Et Boys don't Cry, mais il ne s'agissait pas de l'amour entre hommes, l'héroïne était lesbienne. Curieusement, la droite chrétienne a décidé cette fois de ne pas manifester contre Brokeback Mountain. Ang Lee pense que c'est pour éviter de faire de la publicité au film, les conservateurs espéraient qu'il allait rester dans des circuits confidentiels. Erreur, c'est un succès commercial et les oscars vont rapporter en plus une vingtaine de millions de dollars.

On peut interpréter ce succès comme le recul des préjugés envers les homosexuels en Amérique ­ avec la progression du mariage gay (légal dans l'Etat du Massachusetts, ndlr) et de l'union civile entre personnes de même sexe ­ et se dire que les Américains deviennent plus tolérants. Ou constater que c'est un succès parce que c'est un très bon film avant d'être un western gay.

La saison des oscars n'a jamais été aussi politique : Brokeback Mountain, mais aussi Good Night and Good Luck, de George Clooney, flash-back sur le maccarthysme, Collision, de Paul Haggis sur le racisme à Los Angeles, le Munich, de Spielberg, sur le conflit israélo-palestinien... D'où vient ce réveil militant à Hollywood ?

La désillusion. La situation américaine est déprimante, avec chaque jour de nouvelles révélations : on découvre les écoutes illégales, la tentative de contrôle de Google, la Cour suprême de plus en plus à droite. Tout cela galvanise les gens. En colère contre Bush, Hollywood s'engage dans des films politiques. Les gens (acteurs, producteurs, scénaristes, etc.) sont désespérés et effrayés. Et c'est plus large que le noyau habituel des activistes de gauche. On voit des stars s'engager comme George Clooney, qui réalise Good Night and Good Luck mais joue aussi dans Syriana, un film dénonçant la politique américaine dans un pays fictif qui ressemble à l'Irak. Ou Robert De Niro Ñ pas vraiment quelqu'un de politique ­ qui a décidé de réaliser The Good Shepherd, un film à gros budget avec Matt Damon et Angelina Jolie sur la vraie histoire d'un «chasseur de taupes» complètement paranoïaque à l'intérieur de la CIA, qui voyait des espions du KGB infiltrés partout. C'est un film très critique de la CIA. Il sort au printemps, et s'il marche, ce sera un signe positif pour continuer sur cette voie. Un autre film politique, c'est Lord of War avec Nicolas Cage. Andrew Niccol est un cinéaste très intéressant, mais cette histoire de trafiquants d'armes n'aurait jamais été tournée si Nicolas Cage n'avait décidé de jouer dans le film.

Il y a aussi une renaissance des documentaires politiques. Le cinéaste Robert Greenwald, qui a fait un film sur Fox News et un autre sur la chaîne de magasins Walt Mart, vend ses DVD sur l'Internet par les réseaux politiques comme Move On et autres organisations militantes proches des démocrates. C'est un marché alternatif énorme, qui permet à de nombreux réalisateurs de documentaires de financer et de distribuer des films politiques qui n'auraient pas pu survivre financièrement. Pendant que les studios continuent à fabriquer des grosses machines. Avec la baisse de fréquentation et l'augmentation des budgets, les studios deviennent très nerveux, pris de panique quand on approche les 100 millions de dollars. Ils préfèrent alors se rabattre sur des films dont le public existe déjà : les suites, la reprise de vieux succès de télé, des BD, des best-sellers... ou des stars

Aux Etats-Unis, ce sont les stars de Hollywood, des Warren Beatty, Martin Sheen ou George Clooney, qui jouent le rôle contestataire et polémique des intellectuels en Europe...

On n'a pas ce type de tradition politico-littéraire européenne. Nous avons une culture de la célébrité basée sur l'image. Il est plus facile d'attirer l'attention si vous êtes movie star ou rock star, que si vous êtes Philip Roth. Pourtant, pendant la guerre du Vietnam, des intellectuels avaient joué un rôle décisif : Susan Sontag, Norman Mailer... Encore après les attentats du 11 septembre, Sontag a eu beaucoup de problèmes parce qu'elle a écrit dans le New Yorker qu'on ne pouvait pas traiter de «lâches» les kamikazes qui s'étaient écrasés contre le World Trade Center. Les gens de Hollywood savent mobiliser les médias et, comme ils sont politiques, ils les utilisent. La droite a toujours cherché à diaboliser les stars : «Qu'est-ce qu'ils savent ? Quelle compétence ? De quel droit parlent-ils ?» Cela a commencé avec la visite de Jane Fonda à Hanoi pendant la guerre du Vietnam qui a provoqué des réactions très violentes. Ensuite, pendant longtemps, les stars ont choisi de se taire.

Mais tout cela a changé. En 1999, quand Warren Beatty a parlé de se présenter à la présidentielle, il a eu une presse extraordinaire, très enthousiaste. Surtout que les deux candidats à la présidence, George Bush et Al Gore, étaient très ennuyeux alors que Beatty est drôle, séduisant et intelligent.

Warren Beatty voulait sérieusement se présenter à la présidence ? Et il repart aujourd'hui en campagne pour le poste de gouverneur en Californie, contre un autre acteur, Arnold Schwarzenegger ?

Non, il cherche seulement à influencer le débat, à faire avancer les idées. Je ne pense pas qu'il voulait être candidat à la présidence des Etats-Unis comme je ne pense pas qu'il va se présenter cette année contre Schwarzenegger. Il a quatre jeunes enfants, il veut tourner des films et il n'a pas le temps d'être gouverneur. Mais il s'est engagé contre les référendums soutenus par Schwarzenegger en novembre : il le suivait en campagne dans un bus pour apporter la contradiction dans ses meetings. Il était dehors, et Schwarzenegger à la tribune, mais c'est Beatty qui a attiré le plus de journalistes. Il est extrêmement efficace dans ses attaques contre Schwarzenegger qu'il dénonce comme un «républicain Bush». Deux piliers de Hollywood qui font de la politique. D'ailleurs Schwarzenegger n'arrête pas de dire qu'il ne comprend pas ces attaques : «On est amis, c'est un acteur comme moi...»

La bataille politique semble s'être déplacée, depuis la dernière campagne présidentielle, sur le terrain de la culture, du cinéma, de la télévision...

Quand la droite saute sur la Marche de l'empereur pour s'en emparer et affirmer que c'est un film pentecôtiste, c'est de la folie. On voit dans le Monde de Narnia une supposée allégorie chrétienne... Tout objet culturel est maintenant examiné sous un angle politique et idéologique. La culture devient un enjeu politique. Une série comme Sex and the City devient un show radical et contestataire par le seul fait de montrer des femmes célibataires qui ont une vie sexuelle intense. Ou d'autres shows sur HBO où chaque mot est une obscénité alors que nous vivons dans un pays où la droite veut supprimer tous les gros mots sur les ondes. Politique aussi une série comme 24 Heures chrono sur ABC :
Spoiler (cliquez pour afficher)
l'année dernière, les méchants terroristes étaient musulmans, mais, cette année, le méchant c'est... le président des Etats-Unis. Le gouvernement. C'est un changement radical.
On a toujours été conscients politiquement, mais on devient plus vocal. On ne se rallie plus derrière le drapeau. Et il y a des gens à la télévision comme l'humoriste Jon Stewart qui critiquent sans cesse l'administration Bush. Or, selon les sondages, les shows comiques comme celui de Jon Stewart sont la source numéro 1 d'info pour les jeunes.

Steven Soderbergh (Traffic, Ocean 11, etc.), George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon s'engagent de plus en plus dans des films à contenu ou à message, mais continuent en même temps à faire des films populaires et commerciaux. On peut jouer sur les deux tableaux ?

Pendant longtemps, les studios ont pensé que film et politique n'était pas un bon mélange. On se souvient de la fameuse phrase d'un mogul de studio : «Si tu as un message à envoyer va à la poste» (If you have a message to send, call Western Union). Aujourd'hui les cinéastes qui ont réussi à Hollywood cherchent à faire des films qui leur tiennent plus à coeur. Ils vieillissent et se disent qu'ils ne vont pas réaliser des films nuls toute leur vie. Ainsi, Matt Damon a tourné dans des thrillers, il a gagné une fortune et maintenant on le retrouve dans beaucoup de ces films politiques.

C'est un classique à Hollywood : «J'en fais un pour eux, un pour moi.» Quand Paramount a proposé à Coppola de tourner le Parrain, il a refusé parce qu'il trouvait que c'était un best-seller merdique. Bob Evans lui a alors dit : «Fais ce film, tu vas gagner plein de fric et ensuite tu pourras tourner tous les films que tu veux.» Martin Scorsese fonctionne comme cela, Clint Eastwood a construit sa carrière sur les westerns et a entamé ensuite une carrière formidable de cinéaste. Spielberg est le meilleur exemple de cette dichotomie. Il a tourné la Liste de Schindler et monté en même temps Jurassic Park. J'ai toujours pensé que Spielberg est un cas de schizophrénie : deux cinéastes dans un seul corps. C'est étonnant, on a l'impression que, pour lui, tout est sur le même plan. Ainsi, dans la Guerre des Mondes, il montre des images de cadavres flottant dans l'Hudson et ensuite un happy end ridicule avec la famille réunie à Boston comme s'il ne s'était rien passé.

Hollywood va continuer sur cette voie engagée ?

Aujourd'hui, on a plus de films politiques, mais, à l'avenir, cela dépendra tout de même de leur réussite au box-office : rapportent-ils de l'argent ? C'est toujours la ligne finale. Hollywood est une arme non seulement à cause du cinéma et de la télévision, mais aussi parce que c'est l'une des principales sources de financement des campagnes politiques américaines. Quand on rentrera dans la prochaine campagne présidentielle, on va voir un assaut politique contre Hollywood. On critiquera les films qui «ne luttent pas» contre le terrorisme, soi-disant antipatriotiques. Tout dépendra aussi de la situation politique dans le pays. Si les démocrates s'en sortent bien aux élections du mid-term en novembre prochain, cela donnera du souffle à Hollywood. Si, au contraire, le Congrès reste républicain on aura un retour en arrière. On ne peut pas éternellement aller contre le vent.

Interview par Annette LEVY-WILLARD - Libérationde ce WE

*Diplômé de la prestigieuse université de Yale, professeur de littérature à l'université de Santa Barbara en Californie, Peter Biskind a glissé vers le cinéma en réalisant des documentaires engagés dans les années 1960-1970. Il est ensuite devenu critique de cinéma pour le magazine Rolling Stones, directeur adjoint du Première américain, journaliste pour Vanity Fair. Après un livre sur l'idéologie et la politique dans les films hollywoodiens (Seeing is Believing), il a décrit la «révolution d'une génération» dans Easy Rider, Raging Bull (Le Nouvel Hollywood au Cherche-Midi) et la montée du cinéma indépendant dans un livre qui paraît cette semaine en français : Sexes, Mensonge et Hollywood (Cherche-Midi). Il écrit actuellement la biographie de Warren Beatty.
Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

Zyva, je postais des topics sérieux dans le temps :shock:
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Message par Momo la crevette »

Cosmo Vitelli a écrit :Zyva, je postais des topics sérieux dans le temps :shock:
C'était avant, tu avais encore des illusions...

Momo
styx a écrit :Je comprends pas grand chose à vos salades, mais vous avez l'air bien sur de vous, donc zetes plus à même hein de parler, de sacrés rigolos que vous faites en fait, merde ça rime lourd là, je vais éditer. mdr
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Boubakar
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Message par Boubakar »

Le 16 sort ce livre de Peter Biskiund, auteur du Nouvel Hollywood :D

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Après le succès public et médiatique du Nouvel Hollywood, dans lequel il s'intéressait au cinéma des années 70, le nouveau livre de Peter Biskind traite, dans un ton tout aussi décapant, des figures et des mœurs du cinéma hollywoodien des deux dernières décennies.
Prenant pour fil rouge le festival de Sundance, créé par Robert Redford, et la maison de production des frères Weinstein, Miramax, Peter Biskind s'attaque ici à un nouveau mythe : le cinéma indépendant. À travers des portraits aussi mordants que réalistes de figures comme Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, Martin Scorsese, la genèse tumultueuse de films aussi célèbres que Sexe, Mensonge et Vidéo, Pulp Fiction ou encore Gangs of New York, il brosse un paysage aussi délirant qu'inquiétant : celui du Hollywood contemporain.
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Message par Kevin95 »

Boubakar a écrit :Le 16 sort ce livre de Peter Biskiund, auteur du Nouvel Hollywood :D

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Après le succès public et médiatique du Nouvel Hollywood, dans lequel il s'intéressait au cinéma des années 70, le nouveau livre de Peter Biskind traite, dans un ton tout aussi décapant, des figures et des mœurs du cinéma hollywoodien des deux dernières décennies.
Prenant pour fil rouge le festival de Sundance, créé par Robert Redford, et la maison de production des frères Weinstein, Miramax, Peter Biskind s'attaque ici à un nouveau mythe : le cinéma indépendant. À travers des portraits aussi mordants que réalistes de figures comme Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, Martin Scorsese, la genèse tumultueuse de films aussi célèbres que Sexe, Mensonge et Vidéo, Pulp Fiction ou encore Gangs of New York, il brosse un paysage aussi délirant qu'inquiétant : celui du Hollywood contemporain.
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MJ
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Message par MJ »

Margo a écrit :
On voit dans le Monde de Narnia une supposée allégorie chrétienne...

Je la trouve relativement claire, mais bon...
Spielberg est le meilleur exemple de cette dichotomie. Il a tourné la Liste de Schindler et monté en même temps Jurassic Park. J'ai toujours pensé que Spielberg est un cas de schizophrénie : deux cinéastes dans un seul corps. C'est étonnant, on a l'impression que, pour lui, tout est sur le même plan. Ainsi, dans la Guerre des Mondes, il montre des images de cadavres flottant dans l'Hudson et ensuite un happy end ridicule avec la famille réunie à Boston comme s'il ne s'était rien passé.
Roooooooooooyyyyyyy :lol: Ca aussi, oui bôf. Je vois plus cela comme une complémentarité qu'une dualité. Et même si ce fameux happy-end War of the Worldien est nettement en deça du reste du métrage, je ne comprends pas tous les quolibets à son égard. A croire qu'avoir un avis positif sur la famille c'est être un gros con idéaliste.

Texte très intéressant. Il faudrait toutefois que je le relise, j'ai finis par faire de la diagonale malgré le grand intérêt que j'y ai porté.
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Boubakar
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Message par Boubakar »

Kevin95 a écrit :
Boubakar a écrit :Le 16 sort ce livre de Peter Biskiund, auteur du Nouvel Hollywood :D

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Après le succès public et médiatique du Nouvel Hollywood, dans lequel il s'intéressait au cinéma des années 70, le nouveau livre de Peter Biskind traite, dans un ton tout aussi décapant, des figures et des mœurs du cinéma hollywoodien des deux dernières décennies.
Prenant pour fil rouge le festival de Sundance, créé par Robert Redford, et la maison de production des frères Weinstein, Miramax, Peter Biskind s'attaque ici à un nouveau mythe : le cinéma indépendant. À travers des portraits aussi mordants que réalistes de figures comme Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, Martin Scorsese, la genèse tumultueuse de films aussi célèbres que Sexe, Mensonge et Vidéo, Pulp Fiction ou encore Gangs of New York, il brosse un paysage aussi délirant qu'inquiétant : celui du Hollywood contemporain.
:shock: I'm very tres content !
Je l'ai en anglais (et j'ai pas eu le courage de le finir, compliqué), mais je le conseille pour qui s'intéresse au ciné indépendant, on y en apprend des vertes et des pas mures sur Redford et les Weinstein
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Coxwell
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Message par Coxwell »

Il me semble que Lars von Trier soit un artiste particulièrement engagé sur le terrain du politique.
Little Bastard
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Message par Little Bastard »

1) ?

2) Chaplin, pour Le Dictateur évidemment, mais aussi pour Les Lumières de la ville qui, je crois, peut être vu comme une fable politique (entre autres choses). Le journal d'une femme de chambre de Bunuel.

3) ?
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MJ
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Message par MJ »

C'est Kubrick qui disait: "Lubitsch c'est la forme sans le fond et Chaplin c'est le fond sans la forme."
Mais Stanley, pourquoi t'es mort?
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Boubakar
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Message par Boubakar »

MJ a écrit :C'est Kubrick qui disait: "Lubitsch c'est la forme sans le fond et Chaplin c'est le fond sans la forme."
Mais Stanley, pourquoi t'es mort?
Rien que pour t'emmerder :mrgreen:
Art Core
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Message par Art Core »

MJ a écrit :C'est Kubrick qui disait: "Lubitsch c'est la forme sans le fond et Chaplin c'est le fond sans la forme."
Mais Stanley, pourquoi t'es mort?
Enfin en même temps on est pas obligés d'être d'accord.
paul_mtl
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Message par paul_mtl »

Personnellement, je prefere voir un bon documentaire politique réalisé par un journaliste riguoureux et competent qui nous laisse juger par les faits exposés plutôt qu'un film/documentaire de propagande.

Sinon je pense aux réalisateurs italiens que tu as cité et aussi a l'acteur tres engagé politiquement qu'etait Gian Maria Volonté.
Si tu reguardes sa filmographie tu trouveras pas mal de film politique :
Il Terrorista (1963)
Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto (1970)
La Classe operaia va in paradiso (1971)
Sacco e Vanzetti (1971)
Il Caso Mattei (1972)
...
Il Cristo si è fermato a Eboli (1979)
...
Il Caso Moro (1986)
etc ...

C'est un genre qui sensibilise au probleme et donne l'envie d'en savoir plus.
A ce titre c'est positif sinon ca reste plus superficiel qu'un bon documentaire d'une durée equivalente.
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Re: Cinéma politique, politique du cinéma

Message par Karras »

Cosmo Vitelli a écrit : Questionnaire

1) Pouvez-vous citer des films, ou des cinéastes qui appartiendraient au genre du "film politique" ?

2) Pouvez-vous citer des films, ou des cinéastes qui, sans appartenir au genre évoqué, peuvent être considéré comme éminemment politiques.

3) Un cinéma politique, comme celui pratiqué dans les années 60-70, est-il concevable et/ou souhaitable aujourd'hui ?
1) J'ai beaucoup apprécié récemment l'Exercice de l'état et Le candidat avec un imposant Niels Astrups également présent dans le décalé Quai d'Orsay.
2) Laurent Cantet avec Ressources Humaines et Entre les murs me semble rentrer dans cette catégorie.
3) J'ai l'impression que la série TV s'impose également sur le sujet à travers la manipulation politicienne (House of Cards ou The Boss ) mais aussi dans une vision plus positive dans la remarquable série danoise Borgen.
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Jeremy Fox
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Re: Cinéma politique, politique du cinéma

Message par Jeremy Fox »

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Alors que la police du Massachusetts enquête sur un hold-up ayant occasionné deux morts, suite à la dénonciation d’un garagiste interloqué par de fausses plaques d’immatriculation sur une voiture qu’il avait en charge, deux hommes sur lesquels on retrouve des armes à feu sont interpellés et arrêtés à bord d’un tramway. Il s’agit du cordonnier Niccola Sacco (Riccardo Cucciolla) et du poissonnier Bartolomeo Vanzetti (Gian Maria Volonte). Ils sont immédiatement inculpés pour le cambriolage meurtrier. Malgré des alibis en bétons et un flagrant manque de preuves, deux procès se déroulent à un an d’intervalle ; le verdict unanime des jurés est la peine capitale. Deux avocats chevronnés se succèdent, un comité de défense se créé, l’opinion publique mondiale se mobilise contre cette injustice et un des véritables coupables se met aux aveux. Le juge Thayer refuse néanmoins de rouvrir le dossier ; Sacco et Vanzetti finissent sur la chaise électrique. Plus que deux meurtriers présumés, ce sont deux anarchistes étrangers qui périrent ce jour là, le procès s’étant transformée au fur et à mesure de son avancée en une véritable affaire politique, une cabale raciste et ‘anti-rouge’.

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Succinct rappel historique pour remettre la célèbre affaire dans son contexte et pour en retracer les grandes lignes. Au début des années 20, les États-Unis, tout comme l’Europe, subissent de violents remous sociaux. Près de quatre millions de grévistes descendent dans les rues pour réclamer de meilleurs salaires et la réduction du temps de travail ; des manifestations qui dégénèrent parfois en affrontements dans les grandes villes comme à Boston. Un climat social tendu et de nombreux attentats anarchistes qui aboutissent à de la paranoïa, un dangereux amalgame opéré par l’opinion publique et des mesures de répression à l’encontre de nombreuses personnes de gauche (‘de préférence’ étrangères) emprisonnées ou obligées de s’exiler. La ‘peur rouge’ commence sérieusement à s’installer : grévistes, étrangers et ‘bolchéviques’ sont alors tous mis dans le même panier. Le 15 avril 1920, un braquage a lieu dans le Massachusetts qui cause la mort de deux hommes. La police porte immédiatement ses soupçons sur un groupe d’anarchistes italiens dont les cambriolages serviraient à financer leurs attentats. Trois semaines plus tard, malgré le fait qu’ils n’aient pas de casiers judiciaires, deux hommes venus récupérer leur véhicule dans un garage de la région sont appréhendés. Le garagiste ayant repéré que leurs plaques d’immatriculation étaient fausses avait alerté la police qui leur est ainsi tombée dessus. Détenteurs d’armes à feu, ils sont inculpés pour le hold-up meurtrier. Le 22 juin suivant se tient un premier procès. Un an après, un second procès condamne les deux italiens à la peine capitale malgré l'absence avérée de preuves. Une campagne médiatique internationale est immédiatement lancée qui aboutit à la création d’un comité de défense qui parviendra à lever 300 000 dollars dont bénéficiera en partie l’avocat californien Fred Moore, spécialiste des procès politiques (puisque ça en deviendra un en définitive). L’opinion publique est sensibilisée, cette flagrante injustice vilipendée par une énorme mobilisation mondiale.

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Un autre condamné à mort, Celestino Madeiros, n’ayant plus rien à perdre, avoue de sa cellule avoir fait partie du gang ayant perpétré le braquage meurtrier, innocentant du même coup Nick & Bart (tels les appelleront tous leurs défenseurs de par le monde). Le juge Thayer refuse de rouvrir le dossier, appuyé en cela par le gouverneur du Massachusetts qui se vante d’être le plus réactionnaire d’entre tous. Malgré de nombreux reports, l’exécution a lieu le 22 août 1927 à la prison de Charlestown. 50 ans jour pour jour après leur mort, Michael Dukakis, alors gouverneur du même état, réhabilite officiellement les deux hommes déclarant que "tous les déshonneurs devaient être enlevés de leurs noms pour toujours". Entre temps, Franklin Roosevelt aura déclaré que cette affaire avait constitué "le délit le plus atroce commis en ce siècle par la justice." C’est l’histoire de cette injustice avérée que nous restitue avec force détails le réalisateur Giuliano Montaldo dans ce film resté surtout célèbre pour la chanson qu’entonne Joan Baez durant le générique de fin, ‘Here’s to you’. Ennio Morricone signe pour l’occasion une bande originale inoubliable, entendue malheureusement avec un peu trop de parcimonie à mon goût, sa longue ‘ballade pour Sacco et Vanzetti’ également interprétée par Joan Baez étant accolée aux deux plus poignantes séquences du film ; il faudrait en l’occurrence plutôt en conclure que si ces deux scènes s’avèrent aussi bouleversantes c’est avant tout grâce à l'utilisation de cette magnifique chanson sublimement orchestrée. On l’entend la première fois lors de la séquence pré-générique en noir et blanc, peut-être la plus mémorable, paradoxalement aussi celle à cause de laquelle nous sommes ensuite un peu déçus par le fait que le film ne retrouve plus jamais une telle puissance d’évocation ! Montaldo filme la descente nocturne d’une imposante escouade de policiers à cheval dans un quartier italien, les hommes en uniforme n’y allant pas de main morte pour procéder à l’arrestation de quelques hommes soupçonnés de faire partie d’un groupe d’anarchistes. Dans un noir et blanc très contrasté, nous assistons à une succession d’une efficacité redoutable de plans fixes et de plans tremblotants caméra à l’épaule, donnant l’impression d’une forte tension et d’une grande brutalité. Puis, sur le générique de début avec les images de ces incarcérations continuant à se dérouler en arrière fond, la musique de Morricone s’élève, la voix de Joan Baez entame sa poignante ballade jusqu’à cette image terrible d’un homme (l’un de ceux ayant été arrêtés) se jetant dans le vide du haut d’un immeuble. C’est l’intolérable abus de pouvoir qui est visé dans cette introduction contextuelle tout sauf fastidieuse, les faits de l’affaire nous concernant plus directement étant ensuite détaillés au travers du procès.

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L'image de cet homme tombant d’un immeuble reviendra hanter nos deux accusés à plusieurs reprises sans que le spectateur sache immédiatement de quoi il en retourne, sans qu’il n’appréhende le rapport qu’elle entretiendra avec l’affaire Sacco & Vanzetti, le lien s’avérant à priori assez ténu, prouvant néanmoins l’appartenance au parti anarchiste de Bartolomeo Vanzetti. Si les deux affaires sont distinctes, vu que celle qui nous concerne va se transformer en procès politique, ce rapprochement aura cependant son importance étant donné que les deux hommes seront en fait condamnés non pas pour le meurtre (qu’ils n’ont pas commis) mais pour leurs origines, leurs convictions politiques et la ‘subversion’ de leurs idées à propos de la nation qui les a accueilli ; ils auront en quelque sorte été des victimes du climat hystérique de l’époque, de l’intolérance et de la xénophobie. De quoi avoir indigné à juste titre l’opinion publique de ces années là, d’où résulta un tollé international, et de scandaliser encore aujourd’hui les spectateurs de ce film découvrant l’affaire à l’occasion ! Et, comme l’a très bien expliqué un siècle plus tard Stéphane Hessel dans son célèbre essai, l’indignation étant le ferment de l’esprit de résistance contre toute injustice, un tel film, malgré ses défauts et son manichéisme, demeurera toujours salutaire et utile pour se souvenir que si ce genre d’affaire est déjà arrivée, ça pourrait encore se reproduire sous des régimes sans éthiques, fustigeant les droits de l’homme pour mieux sauvegarder la souveraineté nationale. Pour en revenir au film, une fois le générique terminé, il devient en couleurs (le noir et blanc n’étant ensuite plus convoqué, hormis les images d’archives, que pour l’exécution finale) et, après l’arrestation de Sacco et Vanzetti, ne quittera quasiment plus le tribunal ou la prison, seule la contre-enquête permettant de sortir de ces lieux assez étouffants. Le film narre alors surtout les deux procès, l’enquête qui se déroulera à l'extérieur, le combat désespéré du comité de soutien ainsi que la marche des deux hommes vers la mort.

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Un ‘film-dossier’ souvent passionnant mais un peu trop manichéen et systématique dans sa construction et ses effets de mise en scène (le flou qui précède les flash-back nous montrant ce que les témoins ont réellement vus contrairement à leurs dires ; les rapides zooms avant sur leurs visage…) pour convaincre totalement. Il n’était pas non plus nécessaire d’insister aussi lourdement sur le racisme de Katzmann au travers des coups de colère de l’avocat de la défense ; le message aurait sans doute été plus fort sans en passer par de tels moments d’hystérie qui rendent également le noble propos moins intelligent. Mais le principal défaut du film est peut-être dans l'écriture des personnages de Sacco et Vanzetti, portraiturés plus comme des stéréotypes d’innocents accusés à tort que comme des êtres humains de chair et de sang. Malgré la formidable qualité d’interprétation de deux comédiens (Riccardo Cucciolla obtenant même le prix d’interprétation au festival de Cannes), et même si notre sympathie leur est immédiatement acquise, nous avons néanmoins du mal à ressentir de l’empathie à leur égard. C’est d’autant plus frustrant que la différence de caractères entre les deux accusés avait de quoi les rendre très riches ainsi que passionnantes leurs relations, alors qu'au final ils semblent ici un peu privés de vie (sans jeux de mots). Aux côtés d’un Vanzetti comprenant que son statut de martyr pourrait servir de symbole à sa cause et se transformant en tribun défenseur des droits de l’homme, l’on trouve un Sacco plus ‘humain’, refusant la dimension politique de cette affaire, ne pensant qu’à sa sauvegarde, aux retrouvailles avec sa famille, acceptant moralement très mal le fait d’être accusé à tort. On pourra cependant rétorquer que c’est tout à fait digne de la part de Montaldo de ne pas avoir succombé à l’attrait du mélodrame. Disons qu’un juste-milieu entre froideur du documentaire et passion du drame humain aurait été l’idéal et aurait peut-être eu un peu plus d’impact sur le public. Ici le film reste assez froid (sur le même modèle, Francesco Rosi aurait probablement été moins manichéen), sa mise en scène manquant parfois de puissance et de rythme (Elio Petri aurait peut-être pris le sujet plus à bras le corps et avec un peu plus de nerfs). Ceci étant acquis, il faut cependant bien se rendre à l’évidence : l’efficacité du discours, la qualité de l’interprétation et le professionnalisme de Montaldo font qu’on ne s’ennuie à aucun moment, ce qui n’était pas gagné d’avance surtout sachant que les scènes de prétoires représentent les ¾ de la durée de l’œuvre et que les films de procès n’ont que rarement été captivants tout du long.

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Plus de vingt ans avant le maccarthysme, l’Amérique avait déjà versé dans l’hystérie, la paranoïa, l’intolérance et la violation sans vergogne des droits de l’homme, craignant tellement la montée du bolchévisme qu’elle en avait oublié un temps le respect de sa constitution, son principe primordiale de liberté et de justice. En même temps que l’histoire tragique de ces deux émigrés italiens au travers l’un des épisodes les plus noirs de la justice américaine, c’est à une radiographie de cette époque aux USA dont nous gratifient les auteurs de ce film humaniste, formidablement interprété par les deux comédiens principaux mais aussi par Milo O’Shea, l’avocat en nu-pieds, Geoffrey Keen, le juge puritain, et surtout l’intense Cyril Cusak dans le rôle du District Attorney obnubilé par l’envie d’envoyer Sacco et Vanzetti sur la chaise électrique. Une belle reconstitution d’époque avec la plupart des extérieurs tournés en Irlande (les vieilles rues de Boston ayant quasiment disparues), un scénario plutôt bien mené même si parfois un peu empesé et emphatique, pour un film engagé et parfois émouvant, manquant cependant de fougue et de passion. Néanmoins fortement recommandable !

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