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Publié : 8 sept. 07, 15:52
par Eusebio Cafarelli
Je ne dis pas le contraire, je dis juste qu'il est faux de dire que le cinéma français a ignoré la guerre d'Algérie.
Publié : 12 sept. 07, 23:13
par haxandreyer
J'ai découvert ce film il y a peu, et j'avoue ne pas avoir vu une once de comédie dedans. Au contraire, les personnages sont terrifiants. Aucun ne m'a suscité une quelconque sympathie, ni même le personnage de Huppert.
C'est cependant un trés beau film, qui met le nez du Français moyen de l'époque dans sa médiocrité resplendissante. Gaspar Noé fut probablement inspiré dans ses premiers films par ce métrage sans complaisance et dur comme la pierre.
La fin m'a évoqué une sorte de prédiction des émeutes en banlieue de fin 2005 (pas sûr de l'année). A force de subir pressions et humiliations, la révolte violente explose, face à un Carmet (magnifique) qui a perdu ses illusions de "supériorité raciale" et son honneur : il semble se sentir mal et accepter l'inéluctable. En tous cas, l'Histoire a donné raison à ce film froid et lucide.
J'ai pensé à Cannibal Holocaust et son réalisme non-manichéen dans sa description de civilisations qui se rencontrent. Avec l'optimisme (le professeur Monroe et son comportement basé sur le dialogue et le respect) en moins. Cette comparaison, dans ma bouche, n'est pas moins qu'un grand compliment.
Publié : 12 sept. 07, 23:50
par Nomorereasons
Je ne suis pas vraiment d'accord avec ta critique, ni avec quelques autres que j'ai pu lire ici ou ailleurs sur ce film.
J'ai tendance à penser que Boisset s'est bien amusé à dresser des caricatures effrayantes pour un film bien gentiment démago. Pour ma part je ne supporte pas cette façon de toiser "le français moyen dans les campings" qui est un cliché où personne ne s'est jamais vraiment reconnu malgré la vogue des campings. En prime, c'est à peine si l'on n'en sort pas tout auréolé d'antiracisme candide, ce qui est un comble pour ce genre de film -sauvé in-extremis de sa nullité par Jean Carmet.
De plus, dénoncer le racisme dans les années 70 n'était plus une chose très risquée; ça a peut-être mis un peu de poil à gratter dans la droite "Algérie Française" de l'époque, grand maximum. Parlons de réquisitoire si ça vous chante; en tout cas ce n'est pas ce film gentillet qui me fera revendre mon exemplaire de "Shadows" de Cassavetes, un film qui parle vraiment de racisme sans bercer son public, et où les racistes sont blancs et noirs (voire les deux en même temps) -et ne sont surtout pas des imbéciles.
haxandreyer a écrit :En tous cas, l'Histoire a donné raison à ce film froid et lucide.
Le rapprochement avec les banlieues en 2005 me paraît vraiment très hasardeux. Il s'est passé mille choses avant et après les émeutes, même si la situation ne s'est pas améliorée; mais l'idée selon laquelle un film porte une vision prophétique de l'Histoire me semble absolument fausse. Avec du hasard (ou de l'histoire, si l'on préfère) on donne raison rétrospectivement à n'importe-quoi et particulièrement aux réalisateurs qui se font fort de crier au loup. Ca marche quatre fois sur cinq et c'est sans danger.
Pour finir, ton paragraphe sur "Cannibal Holocaust" me semble ruiner un peu toute ta démonstration. Il n'y a pas dans Dupont-Lajoie de "rencontre de civilisations", juste des immigrés qui tentent de s'intégrer malgré des crétins chauvins et avinés; je ne vois pas ce qu'un ethnographe ou un Professeur Monroe irait fabriquer ici.
Publié : 13 sept. 07, 00:45
par blaisdell
J'ai beaucoup aimé ce film, où Boisset réussit à rendre excellents des acteurs vus dans des nanars sans nom: Pierre Tornade, Robert Castel par exemple.
Et Jean Carmet a le rôle de sa vie.
Quel directeur d'acteur ce Boisset !!
Peut-être que le moment avec Jean Bouise en flic "redresseur" de tort rend le film didactique et amondrit le malaise éprouvé....
jusqu'à une fin troublante.
Alors certes Boisset a les plus gros sabots du cinéma français mais dans ses meilleurs films, personne n'a sa puissance, et le courage de se frotter avec sa fougue à la télé-réalité, au racisme ordinaire, à l'affaire Ben Barka, j'en passe et des meilleurs..
Et quelle sens de l'anticipation dans ce film qui annonce Le Pen et avril 2002.
Publié : 13 sept. 07, 09:55
par haxandreyer
Evidemment je ne suis pas du tout d'accord avec yaplusdesaison pour plusieurs raisons.
D'abord, Carmet ne sauve pas le film car Tornade, Lanoux et TOUS les autres acteurs offrent une trés belle interprétation.
Puis ce film n'est pas antiraciste, il est juste violemment anti-tout (anti-jeunes, anti-vieux etc...) ou plutôt il est anti-médiocre. Et là où je trouve ce film d'une finesse infinie, c'est que de trés nombreuses situations sonnent juste sans aucun artifice voyant. On est quand même proche de Strip-Tease !
Je pense surtout à cette première scène dans le bar, qui est criante de vérité. Entre les alcolos du coin qui se retrouvent autour d'un canon, le fils neuneu et diplômé, le gérant un peu macho ("et la patronne ? elle veut boire un coup ?), le mec à la guitare qui rentre juste pour pisser etc... je suis dans le bar.
Rares sont les films aussi réalistes avec des acteurs chevronnés.
Et puis ma relation avec Cannibal Holocaust est basée sur deux choses :
- la peinture réaliste d'une société sans filtre angélique ou démoniaque (les sociétés primitives au comportement cohérent en dehors de nos valeurs morales judéo-chrétiennes, la société occidentale à deux faces avec les jeunes qui tournent le documentaire et le professeur Monroe qui dialogue avec les autochtones)
- le conflit entre indigènes et l'équipe de tournage qui agit en colon se permettant de laisser exploser leur violence contre une autre "race" (comme dans Dupont Lajoie justement)
Ce film est peut-être un portrait chargé, mais pour moi il va au-delà de la caricature : c'est presque un documentaire animalier à mes yeux.
Publié : 13 sept. 07, 10:13
par kayman
pas mal vu tout ca, haxandreyer
la filiation avec le Deodato j'y aurais pas penser, fallait oser !
j'ai moi aussi cette impression d'etre devant Strip Tease quand je vois ce Boisset, ou alors de me téléporter dans le temps dans mon village d'enfance, quand je jouais au flip au bar local...
Publié : 13 sept. 07, 11:19
par Nomorereasons
En effet haxandreyer, pour le coup je serais assez d'accord avec ton développement.
A ceci près (ce n'est vraiment pas grand-chose) que Carmet seul est réellement ambigu dans le film et lui donne quelque chose en plus que l'éventuel pamphlet ne possède pas toujours: une certaine humanité. Les autres jouent bien mais ne sont, à côté, que de gentils chiens-chiens -je parle de leurs rôles.
Ensuite, les films anti-médiocre m'inspirent la même confiance que les diatribes de Michel Audiard sur "les cons"; cela met les rieurs de son côté (autant dire un paquet de gens) mais je trouve que cela ne mange pas de pain.
Ce que tu dis sur les acteurs chevronnés qui jouent ici avec naturel est extrêmement juste, si ce n'est que ce film n'exhale le parfum que d'un certain réel; Lanoux joue avec beaucoup de vérité le gros arriéré de la brousse... Je n'aurais pas du parler de caricature dans le portrait que fait chaque acteur, mais plutôt dans les choix du réalisateur.
Il est certain que ce film peut rappeler dans son ambition certains des titres de la collection "terre humaine" de chez plon (dont Cannibal Holocaust a pu s'inspirer aussi), assez populaire depuis les années 50, à savoir comme tu le dis "l'étude sans filtre" d'une société et certains justes reproches adressé à l'ethnocentrisme occidental; ce qui a certainement inspiré cet aspect "documentaire animalier".
Hélàs -du moins pour moi-, ce documentaire un peu truqué s'achève sur une note de pathos: le visage de l'immigré en larmes, le fusil vengeur à la main, comme si ce film hésitait entre la chèvre et le chou.
Si je veux bien croire, finalement, que ce film annonce avril 2002, c'est parce qu'il s'agit du spectacle idéal qui n'engendre que la violence (la dernière scène de vengeance, légitime) et ouvre la porte aux escroqueries antiracistes et angéliques des années 80 qui n'eurent pour effet que de galvaniser chacun dans son camp et sa haine de l'autre.
Publié : 13 sept. 07, 12:34
par Roy Neary
yaplusdsaisons a écrit :Si je veux bien croire, finalement, que ce film annonce avril 2002, c'est parce qu'il s'agit du spectacle idéal qui n'engendre que la violence (la dernière scène de vengeance, légitime) et ouvre la porte aux escroqueries antiracistes et angéliques des années 80 qui n'eurent pour effet que de galvaniser chacun dans son camp et sa haine de l'autre.
C'est un peu fort de café que d'appeler escroqueries les différents mouvements antiracistes des années 80. La plupart de ces rassemblements répondaient à des réactions sincères et spontanées qui certes allaient être organisées de plus en plus sous la forme de spectacles, mais sans jamais perdre de cet espoir de changer les mentalités en se posant comme un obstacle à la montée du FN. A l'époque, beaucoup y croyaient. L'erreur était d'en être resté qu'à une seule stratégie de dénonciation là où il fallait adopter en plus une vision réellement sociologique afin de mettre en lumière tous les problèmes sociaux, même ceux qui gênaient la bonne conscience de gauche. Et l'avenir, malheureusement, a donné raison à ce que tu appelles un "évangélisme". Mais le raccourci que tu fais (escroqueries) de ces événements est facile, donc erroné, voire même insultant (pour les citoyens qui y ont cru pas pour les politiques qui, plus tard, ont capitalisé dessus).
De même que mettre sur le même plan la haine des uns, intellectualisée et transformée en programme politique, et la réaction d'indignation, et donc de rejet et de ressentiment certes des autres, m'apparaît aussi très outrancière. "La haine répond à la haine", tu me répondras peut-être, mais il faut identifier les forces en présence avant de les renvoyer dos à dos.
Publié : 13 sept. 07, 13:33
par Nomorereasons
Je me désolais de la mise en scène du racisme ordinaire de ce film, qui me semblait davantage relever d'un jeu de massacre, alors que des films comme "Un mauvais fils" ou "Shadows" se dépouillent volontairement d'oripeaux militants sans que cela nuise au propos, bien au contraire.
Maintenant Roy Neary, je n'avais pas l'intention de blesser quiconque, et encore moins ceux que la bonne volonté et la sincérité ont guidé vers l'antiracisme; cela serait même indécent de ma part, au moment où l'enthousiasme vis-à-vis de ces mouvements commence à fraîchir.
Mon expression "l'escroquerie antiraciste" est d'assez mauvaise foi, je te l'accorde; je ne l'ai utilisée que dans la mesure où la stratégie très répandue (c'est souvent devenu un reflexe) d'anti-banalisation de l'extrême droite est revenue le plus souvent à n'étudier ses partisans que comme des insectes exotiques, ce qui est une façon de se moquer des fameux cons d'Audiard. Il y manquait en outre une "approche sociologique" nécessaire comme tu le dis -à condition de ne pas montrer systématiquement des beaufs de compète comme le fait ici Boisset.
Et je sais qu'un sursaut légitime de bienveillance à l'égard de l'immigré caractérise la première des "forces en présence" comme tu le dis, et que l'autre n'est qu'une réaction vis-à-vis de la première; néanmoins cette réaction est aussi la conséquence d'un Taguieff s'inquiétant des dérives délatrices de René Monzat. Nous sommes bien d'accord: je n'érige pas Taguieff et Monzat à la tête de l'un ou l'autre camp; je pense d'ailleurs que les sketches des Inconnus, par exemple, ont considérablement plus amélioré le climat sur ces questions que des antiracismes ou anti-anti-racismes (et autres anti-...) théoriques ou militants.
Publié : 14 sept. 07, 09:58
par haxandreyer
Bien vu yaplusdesaisons !
Ah oui ! ça serait marrant de faire un film sur les antiracistes opportunistes, qui se font une réputation, voire une carrière sur une forme d'angélisme bêbête

Et encore, je ne parle pas de carrière politique
Mais il est vrai que des gens y ont cru, et ont ainsi créé malgré eux une autoroute dorée à quelques cyniques sans scrupules. Ce n'est pas imputable à l'antiracisme de l'époque mais au développement des ONGs.
J'aimerai vraiment faire un grand film épique à la gloire de Jacques Crozemarie

Publié : 14 sept. 07, 11:09
par Nomorereasons
Je vais encore me faire taper dessus mais je ne crois pas à la "petite poignée de cyniques" carriéristes des ONG, excroissance accidentelle aussi impure à l'humanité que peuvent l'être "les racistes".
Et je n'aime plus tellement l'engagement politique militant depuis quelques années à cause du parti-pris identitaire qui bien souvent le détermine; cela n'épargne personne, pas même celui qui croit rendre le monde meilleur; d'autre part je n'ai jamais jamais établi de lien très net entre le militantisme et le changement de mentalités qui en découlerait. C'est probablement du cynisme de ma part...
haxandreyer a écrit :Ah oui ! ça serait marrant de faire un film sur les antiracistes opportunistes, qui se font une réputation, voire une carrière sur une forme d'angélisme bêbête

Et encore, je ne parle pas de carrière politique
Ca existe à peu près. Je pense à "L'aventure c'est l'aventure" pour la satire de l'arrivisme politique ou alors à "Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil" pour celle de l'évangélisme véreux. J'avoue ne pas tellement les aimer non plus... Mais qui sait; peut-être qu'un mélange des deux pourrait faire l'affaire. Tu as une caméra, chez toi, haxandreyer?
Publié : 14 sept. 07, 12:56
par haxandreyer
Oui, une webcam avec une grosse dizaine de pixels (j'ai pas dit millions !).
Je ferai croire aux producteurs qu'avec cet outil, je peux faire aussi bien que La Conquête de l'Ouest.
Par contre j'adore L'aventure etc... d'ailleurs c'est le seul Lelouch que j'apprécie.
Re: Dupont Lajoie (Yves Boisset, 1975)
Publié : 18 août 11, 01:19
par 1kult
Pour ma part, j'aime beaucoup Boisset, pour son envie de faire un cinéma de genre en le dressant autant comme un pure divertissement que comme un "miroir de notre société". Le trait est gros, mais à mon avis c'est cette outrance qui fait sa force.
Pour les parisiens, il sera rediffusé début septembre au Forum des images. Pour l'occasion, voilà notre critique :
http://www.1kult.com/2011/08/12/dupont- ... s-boisset/

Re: Dupont Lajoie (Yves Boisset - 1975)
Publié : 24 août 12, 15:25
par Père Jules
Un film consternant, de bout en bout. Sous couvert de dénonciation, c'est en réalité un film "gentiment" démagogique surfant sur la haine patentée du beauf, du "Français moyen", du franchouillard raciste, sournois, lâche, voyeuriste. Et puis violeur et assassin encore ! Boisset, qui est un réalisateur plus que limité (pour ne pas trop déborder), a une vision de la France à vomir. Je suis très en colère.
Re: Dupont Lajoie (Yves Boisset - 1975)
Publié : 24 août 12, 15:32
par Jeremy Fox
Père Jules a écrit : Boisset, qui est un réalisateur plus que limité (pour ne pas trop déborder), a une vision de la France à vomir.
Oui. Mais pas pire que celle de Pierre Etaix dans
Pays de cocagne je trouve.