
Lorsque son riche cousin Ambrose meurt dans des circonstances mystérieuses, Philip Ashley soupçonne sa nouvelle épouse, Rachel, de l'avoir empoisonné pour toucher sa fortune. Or le mobile du meurtre ne semble pas valable puisque c'est Philip qui hérite de son cousin. Philip, soupçonneux, cherche quand même à la démasquer mais lors de leur première rencontre il tombe immédiatement sous le charme de la veuve...
Henry Koster signe avec My Cousin Rachel l'adaptation d'un des plus fameux roman de la grande Daphné Du Maurier. On peut aisément situer le livre dans la tendance gothique et psychologique d'autres de ses fameux ouvrages comme Rebecca ou encore L'Auberge de la Jamaïque. My cousin Rachel se démarque pourtant quelque peu malgré des atmosphères très proches. Dans Rebecca comme dans L'Auberge de la Jamaïque, Du Maurier optait pour des points de vue féminin dans ces récits, et plus précisément des jeunes femmes innocentes dont l'arrivée dans un monde inconnu et peuplés de noirs secrets sous-entendait également une découverte de leur sexualité. Ma Cousine Rachel s'avérait fascinant par la capacité de Daphné Du Maurier à revisiter ses éléments par une narration à la première personne d'un héros masculin tout autant victime d'un éveil des sens nouveau. Le danger ne viendrait plus des mystères enfouit dans un lieu, mais chez l'autre à savoir la figure fascinante de cette cousine Rachel si ambigüe et insaisissable. La tonalité gothique et l'influence du cadre laissait donc place à une pure tension psychologique teintée d'amours contrariés, de calcul et de paranoïa. Autant d'élément à côté desquels passent en grande partie cette adaptation pourtant quasi littérale du livre.
Un des éléments fondamentaux du livre, c'est la méconnaissance totale des femmes de Philip (Richard Burton) élevé dans un univers masculin par son cousin Ambrose et totalement à la merci d'une séduction féminine sournoise. Dans le film, Richard Burton tente de rendre cela par son jeu nerveux et ses moues qui l’associent à un petit garçon capricieux face à l'expérience de Rachel (Olivia De Havilland). Malheureusement le script ne souligne pas assez cet aspect et si l’on n’a pas lu le livre on pense plus à un coup de foudre plus commun. Olivia De Havilland par sa mine bienveillante ne révélant que subrepticement au détour d'un regard l'ambition est formidable de dualité et forme un couple captivant avec Burton, le feu et la glace. Malheureusement la mise en scène d'une rare platitude de Koster atténue progressivement l'intérêt. Comme déjà dit, appuyer sur l'atmosphère gothique n'était pas primordial mais pourquoi pas (le Jane Eyre de Stevenson qui renforçait cette touche y gagnait grandement) sauf que là hormis quelques joli cadrages et idées visuelle intéressantes (le fondu enchaîné de Rachel et Philip malade et cloué au lit avec la mer illustrant son emprise sur lui) la comparaison avec l'autrement plus immersif Rebecca d'Hitchcock est cruelle. La psychologie est tout aussi décevante puisque la relative linéarité du récit était transcendée par le doute et la paranoïa constante amenée par le dialogue intérieur de Philip rongé par ses émotions contradictoires. Il y a bien une voix-off très présente ici mais il est impossible de reproduire tel quel les sensations du livre. Du coup il aurait sans doute valu malmener un peu plus la construction du livre (à la Hitchcock toujours qui dynamitait l'intrigue de L'Auberge de la Jamaïque plus palpitante à l'écran que sur papier pour le coup) pour dynamiser la narration alors que là la fidélité à la virgule rend le tout attendu et prévisible sans les apports que l'écrit pouvait ajouter.
Plusieurs scènes tombent totalement à plat que ce soit par un surlignage inutile (le portrait d'Ambrose derrière Philip lors de la première entrevue avec Rachel), la dimension sexuelle totalement ratée (aucun sentiment de montée en puissance du désir pendant tout ce qui précédera le premier baiser qui tombe comme un cheveux sur la soupe) et les grands élans dramatiques sont plombés par le manque de talent de Koster en particulier le final si marquant sur papier et quelconque ici. Seule l'introduction est plutôt réussie avec ce long mystère planant autour de Rachel avant sa première apparition où Olivia de Havilland est assez fascinante tout de noir vêtue. Avis un peu sévère, ça se laisse néanmoins regarder mais on ne peut qu'être déçu du résultat avec pareil matière. Une nouvelle adaptation serait la bienvenue. 2,5/6