J'ai découvert la version de Victor Fleming récemment.
C'est un film agréable mais daté où de belles idées de mise en scène côtoient des choses moins brillantes, plus académiques, et pas mal de longueurs...
Du côté des atouts, il y a Ingrid Bergman qui est convaincante en jeune fille fiévreuse, séductrice puis martyrisée. On sent qu'elle force un peu son jeu par moment, sa sensualité de même que son accent cockney, mais elle reste très troublante - et très belle, ça va s'en dire.

A côté, Lana Turner est extrêmement lisse, beaucoup plus fade, mais elle incarne aussi un personnage moins intéressant...
Spencer Tracy est un bon Docteur Jekyll, personnage respectable au visage et au jeu double, troublé par ses pulsions et ses frustrations. Son Mr Hyde est assez cabotin. C'est dommage car il y avait l'esquisse d'une idée intéressante lors de la toute première transformation - qui apparaît très subtile, assez minime sur le plan physique - qui nous faisait imaginer que la métamorphose pouvait avant tout être intérieure et morale, ce qui aurait pu mener à un traitement beaucoup plus subtil et angoissant, avec des cartes réellement brouillées (on retrouve cela dans la scène où Jekyll, sous les traits du Docteur, se met à siffloter un air de cabaret cher à Mr Hyde). Mais la modification du visage de Tracy se fait beaucoup plus nette dans les scènes suivantes, et le jeu de l'acteur beaucoup plus marqué : sourire de forcené, roulement d'yeux exorbités et clins d'oeil... Pour ne rien arranger, les morphings Jekyll><Hyde, peut-être remarquables à l'époque, n'ont pas très bien vieilli. Tant pis.
Dernière chose notable : la surprenante présence de la sexualité à l'écran pour un film de cette époque : celle réfrénée, refoulée, de Jekyll (qui donne lieu à deux mémorables scènes d'hallucinations SM - plutôt osées - et à une tension sexuelle très palpables pendant les scènes de couple avec Bergman en séductrice) et celle libérée, perverse et violente de Hyde (lors de scènes d'emprise et de violence avec Bergman - tantôt sous-entendues tantôt frontales -).
Bref, pas mal de choses intéressantes et plaisantes pour le cinéphile, plombées malheureusement par un rythme inégal et une mise en scène finalement trop convenue qui sous-exploite finalement le potentiel sulfureux et moralement troublant de l'histoire.
Ikebukuro a écrit :
Ayant vu les deux versions, il est vrai que la version de 1931 est beaucoup plus impressionnante que celle réalisée dix ans plus tard (pourquoi d'ailleurs un remake aussi vite alors que le film de 1931 a été un succès?).
C'est une question qui peut se poser pour presque tous les remakes, non ?
Exploiter les ingrédients d'une recette à succès avec en prime un casting tout neuf de stars actuelles.
Fait intéressant relaté sur le web : après avoir acheté les droits (mais aussi et surtout le précédent film) à la Paramount, la MGM aurait cherché à faire oublier le premier film au maximum pour éviter la concurrence avec leur remake. La version de 1931 aurait ainsi été quasiment "invisible" pendant plus d'un quart de siècle.