Découvert hier soir, totalement tétanisé.
Idi i smotri nous raconte l'histoire de Flora, un jeune garçon d'une douzaine d'années qui tient absolument à être enrolé dans l'armée pour aller casser du nazi. Son affectation militaire sera la source d'une grande frustration et c'est en rentrant chez lui qu'il découvrira que tout son village aura été anéanti et que sa mère et ses deux soeurs auront été massacrées par l'armée allemande. Débute alors un voyage dans la guerre plus éprouvant que jamais et qui conduira le jeune adolescent aux confins de la folie la plus insoutenable.
Rarement un film de guerre n'aura su m'immerger à ce point, me mettre face à l'horreur d'une situation pareille avec une telle force (avec Apocalypse Now, mais pour des raisons différentes). On se retrouve progressivement à la place même de Flora et l'on plonge avec lui dans ce grand chaos incompréhensible. Aidé par un montage sonore stupéfiant, qui ne retranscrit non pas la réalité mais plutôt l'état psychologique du jeune garçon et des drames à répétition qu'il subit. On passe de l'accouphène provoqué par un bombardement à un montage de sons incompréhensibles, mélange de fanfares victorieuses qui meurent aussitôt, de chants populaires, de hurlements, d'explosions et de divers bruits de la nature. La psychose gangrène le garçon et nous colle à notre fauteuil jusqu'au plan final. Ici, ce n'est pas tant la violence visuelle qui choque (nombre de films plus récents sont allé beaucoup plus loin), mais la puissance psychologique dégagée par cette immersion totale qui nous amène à cotoyer les pires atrocités. Mais parce que nous restons prisonniers de l'esprit d'un jeune garçon tout au long du film, à plusieurs reprises se côtoient un lyrisme étrange et une violence insoutenable (ces scènes sous la pluie avec la belle Glasha, totalement surréalistes, pour ensuite se retrouver face à ce village dont toute la population a été exterminée et entassée derrière une baraque). Ses yeux voient l'horreur, son esprit tente de la refouler.
Pour arriver à ce résultat traumatisant, Klimov aura su utiliser avec une intelligence rare les outils cinématographiques à disposition. Une caméra totalement libre, en mouvement, qui colle au jeune Flora constamment, un montage sonore hypnotisant et une photographie qui, progressivement, se désature, jusqu'à l'éprouvant climax. Mais plus que tout, c'est le jeu halluciné et hallucinant de Aleksei Kravchenko qui nous terrasse, même si au début j'ai été un peu gêné par son jeu excessivement théâtral. Si au début du film, Flora paraît avoir une douzaine d'années, c'est de 20 ans en tout cas qu'il vieillira jusqu'aux dernières images. L'impact est tel que plus que son seul psychique, c'est tout son corps qui réagit à l'horreur.
Reste cette conclusion qui m'a laissé perplexe, où j'ai eu l'impression que le réalisateur tombait dans les facilités du film de propagande.
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- Alors qu'il aura subi horreurs après horreurs, Flora rejoint en courant les troupes soviétiques qui repartent du village où ils ont finit par abattre les quelques allemands capturés, après un montage hystérique sur les horreurs commises par les nazies. Montage toutefois intéressant dans cette idée de retour en arrière jusqu'à ce portrait de Hitler enfant et qui mettra fin aux coups de feu répétés de Flora
Quoi qu'il en soit,
Come and See sera clairement l'un des quelques films sur la guerre a avoir atteint un tel degrès d'immersion en réussissant à plaquer la face du spectateur dans la boue jusqu'au bout.