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Publié : 29 août 04, 22:28
par Lord Henry
J'aurais volontiers écrit à propos d'Andrew V. McLaglen qu'il est mauvais comme un cochon, mais il se trouve que dans le cochon tout est bon.

Publié : 30 août 04, 12:39
par Link Jones
Un peu déçu à la lecture de ces dernières réponses, peu constructives :?

Publié : 31 août 04, 14:56
par Jeremy Fox
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Gun the Man down (1956) de Andrew V. McLaglen
BATJAC


Avec James Arness, Angie Dickinson, Robert J.Wilke, Emile Meyer, Don Megowan, Harry Carey Jr.
Scénario : Burt Kennedy
Musique : Henry Vars
Photographie : William Clothier (Noir et blanc 1.85)
Un film produit par John Wayne & Robert E. Morrison pour la Batjac


Sortie USA : 15 novembre 1956


La fin de l’année 1956 marque les premiers pas dans l'univers westernien d’un réalisateur qui sera l’un des plus prolifiques dans le genre la décennie suivante, Andrew V. McLaglen. Le cinéaste sera également l’un des plus rentables et paradoxalement l’un des plus vilipendés par la critique (tout du moins française). A juste titre ? Ce n’est pas impossible mais nous aurons bien d’autres occasions d’en reparler. Quoiqu’il en soit et même s'il est permis de mettre en doute ses qualités artistiques, le succès de ses films auprès du public (notamment grâce à des castings souvent prestigieux) fait qu’il aura été malgré tout un réalisateur qui aura compté dans l’histoire du genre. Fils du comédien Victor McLaglen, Andrew a grandi sur les plateaux de cinéma et fut amené à fréquenter dès son plus jeune âge des célébrités tels que John Wayne et John Ford. Apprenant le métier sur les tournages du plus célèbre borgne d’Hollywood (les admirateurs de McLaglen diront d’ailleurs de lui qu’il fut le fils spirituel de Ford), il fut ensuite réalisateur de seconde équipe puis assistant réalisateur de Budd Boetticher (La Dame et le toréador (Bullfighter and the Lady) ou de William Wellman (Track of the Cat). Il produisit avec John Wayne pour sa société Batjac le superbe 7 hommes à abattre (Seven Men from now) de Budd Boetticher puis, sur les conseils de l’acteur, se lança la même année dans la réalisation avec ce petit western de série B, Gun the Man Down, dans lequel on retrouve un des acteurs de prédilection de John Ford, Harry Carey Jr. Avant d’entamer sa série de westerns à gros budgets dans les années 60, il se tournera d'abord surtout vers le petit écran où il mettra en scène d’innombrables épisodes des séries Perry Mason et Rawhide.

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Matt Rankin (Robert J. Wilke) et ses deux complices, Ralph Farley (Don Megowan) et Rem Anderson (James Arness), s’apprêtent à aller exécuter un hold-up à Palace City. Janice (Angie Dickinson), la fiancée de Rem, est inquiète ; elle a peur de ne pas voir revenir son homme sain et sauf. Mais, faisant partie du gang, elle a l’habitude de ces attentes angoissantes. Le cambriolage a lieu mais ne se déroule pas comme prévu puisque Rem est grièvement blessé par balle et ne peut plus se déplacer. Les bandits arrivent néanmoins à rejoindre leur repaire suivis d’assez près par les hommes du shérif. Plutôt que de s’encombrer du poids mort que constitue Rem, ses acolytes préfèrent le laisser tomber, embarquant de force sa compagne et s’enfuyant avec le butin. Rem est arrêté et emprisonné. Une année s’écoule ; Rem a fini de purger sa peine. Il part alors à la recherche de ceux qui l’ont lâchement abandonné et les retrouve dans une petite ville de l’Arizona grâce à l’aide d’un ami, tueur à gages, l’inquiétant Billy Deal (Michael Emmet). Dans ce lieu, Rankin dirige le saloon avec l’aide de Farley et Janice qui est devenue sa maîtresse. Farley est le premier à se trouver sur le chemin de Rem ; ils se battent violemment en plein centre de la rue principale ; ce qui n’est pas du goût du shérif Morton (Emile Meyer) qui ne tolère pas que la quiétude de sa ville soit ainsi troublée. Mort de peur, Rankin décide d’acheter les services de Billy Deal afin qu’il se débarrasse de son rival et ennemi. Apprenant ce 'meurtre prémédité', Janice va trouver son ex-fiancé pour s’excuser et le prévenir, mais ce dernier la repousse. Il est néanmoins sur ses gardes et va piéger lui-même celui qui était venu pour le tuer. Il se lance ensuite à la poursuite des trois ‘Judas’ qui en avaient profité pour prendre la fuite à nouveau…

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Un hold-up au cours duquel un des hors-la-loi est grièvement blessé et que ses complices décident d’abandonner ; un homme laissé pour mort mais qui refait son apparition alors que ses ex-complices (dont sa fiancée) ont entamé une nouvelle et coquette vie grâce au butin dévalisé ; un tueur à gages engagé pour se débarrasser de l’encombrant revenant… Rien de bien neuf ni de très original dans cette banale histoire de vengeance. Mais sachant que l’auteur du scénario n’est autre que Burt Kennedy, l’homme qui venait de signer pour son premier essai celui, splendide, de Sept hommes à abattre (Seven Men from now) de Budd Boetticher, la confiance était de mise ; et effectivement si l’intrigue n’est guère innovante, le scénario s’avère en revanche plutôt réussi, d’une rigoureuse et efficace écriture. On entre d’ailleurs directement dans le cœur de l’action, avant même que ne soit lancé le générique. La première image nous montre trois hors-la-loi autour d’un plan, en train de discuter des dernières mises au point d’un imminent hold-up. L’un d’entre eux fait ses adieux à sa fiancée qui, dès qu’ils ont franchi la porte, bouleversée par le départ de son bien-aimé, renverse maladroitement de l’encre sur le plan encore étalé sur la table. Cette tache épaisse et noirâtre qui se répand sur le dessin des lieux du méfait nous fait penser à une mare de sang et l’on devine d’emblée que le cambriolage va mal se dérouler. Ce que vient entériner l’inquiétante et très belle musique de Henry Vars (compositeur trop méconnu qui avait déjà accouché de la superbe partition pour Seven Men from now, western dont on entend beaucoup parler ici puisque ce n'était autre que la précédente production Batjac avec quasiment la même équipe artistique) qui peut alors s’élever avec ampleur en même temps que débute le générique. Et en effet, les premiers plans qui suivent viennent nous confirmer cette appréhension : un des hommes se fait blesser !

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En quelques plans parfaitement montés, on assiste au vol, à la blessure, à la fuite et à la poursuite. En à peine trois minutes, par l’intermédiaire d’une utilisation parfaitement maitrisée de l’ellipse et du hors-champ, grâce à l’ascèse des dialogues, Burt Kennedy et Andrew V. McLaglen nous présentent tous les enjeux dramatiques qui vont suivre en même temps qu’ils tracent le portrait de quatre des principaux personnages, ceux des hors-la-loi. Les trois autres seront le tueur à gages ainsi que les deux hommes de loi. Burt Kennedy n’a pas son pareil pour écrire des histoires simples avec très peu de protagonistes, préférant d’ailleurs s’appesantir davantage sur les relations entre ces derniers que sur l’action proprement dite. Il le prouve à nouveau ici. Le casting étant parfaitement bien choisi, le film se suit sans ennui du début à la fin même si on imagine le résultat s'il avait été mis en scène par un réalisateur parfaitement rôdé à l’ascétisme et à ce genre d’intrigues minimalistes, je pense avant tout une fois encore à Budd Boetticher qui le prouvera d'ailleurs avec les autres titres de sa fameuse collaboration avec Randolph Scott. Mais n’accablons pas plus Andrew V. McLaglen qui se révèle d’emblée très professionnel et très efficace, nous délivrant pour son premier film un exercice de style assez gratifiant pour le spectateur, parfois au bord du maniérisme sans jamais y plonger grâce en premier lieu à la beauté de la composition, des cadrages et de la photographie de William Clothier, aussi doué pour le noir et blanc que pour la couleur (Track of the Cat ; 7 hommes à abattre). La séquence très étirée de la recherche en ville de Rem par 'le tueur aux éperons bruyants' est typique de la tendance du cinéaste à vouloir prendre la pose, ces quelques affèteries étant heureusement gommées par le fabuleux travail du chef-opérateur. La volonté de n’éclairer qu’un minimum les séquences nocturnes donne aussi une touche de réalisme supplémentaire, ce qui change des nuits américaines qui ont souvent très mal vieillies. Plastiquement, ce film à très petit budget se révèle donc très beau d’autant que les paysages et les décors de la ville sont assez inhabituels (où pour être plus juste filmés sous des angles assez nouveaux avec nombreuses plongées et contre-plongées) ; il suffit de voir la traversée d’un champs de fleurs par un cavalier, l'arrivée de Rem dans la ville par les collines surplombantes ou la vue plongeante à l’intérieur du saloon pour s’en convaincre.

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Beauté de la photographie, ampleur de la musique, efficacité de la mise en scène, rigueur de l’écriture, etc., le tout au service d’une brochette de personnages pour certains fortement attachants ou au contraire effrayants. Parmi ces derniers un Robert J. Wilke que nous sommes contents de retrouver dans un rôle plus étoffé qu’à l’accoutumé mais surtout Michael Emmet (acteur de télévision dans un de ses uniques rôles pour le cinéma) dans la peau du tueur à gages, ami de celui qu’il doit abattre. Son rictus, ses mimiques, sa démarche et ses gestes font de son personnage un ‘Bad Guy’ assez mémorable. Don Megowan et James Arness, deux géants d’Hollywood par la carrure et la taille, nous offrent un combat à poings nus très brutal et sèchement teigneux, mais n’en délivrent pas moins des interprétations convenables tout comme Angie Dickinson dans un de ses premiers rôles d’importance (à noter que les auteurs n’ont pour une fois pas misés sur sa plastique puisque ses jambes seront constamment couvertes). Restent les deux personnages les plus sympathiques du film, à savoir le shérif placide et son adjoint naïf, respectivement interprétés par Emile Meyer et Harry Carey Jr. Les relations qui les unissent sont assez originales, le vieil homme couvant son adjoint comme s’il s’était agi de son fils, lui demandant d’aller pêcher pour l’éloigner de la ville lorsqu’il sent que le coin va devenir dangereux. Que ce soit pour ces deux hommes de loi ou pour le personnage joué par James Arness, la dernière séquence va d’ailleurs à l’encontre de ce que l’on pouvait attendre d'eux, finissant de faire de Gun the Man down une jolie surprise, finalement beaucoup moins sombre et violente qu'on aurait pu l'imaginer au départ au vu de son sujet, même si les morts seront nombreux comparativement au nombre de personnages mis en scène.

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Le faible budget du film semble avoir stimulé l’imagination du réalisateur qui ne retrouvera peut-être jamais ce niveau par la suite. Une modeste mais sympathique réussite sans beaucoup d’action mais avec suffisamment de tension et de suspense pour nous tenir en haleine jusqu’au bout. Pour l’anecdote et pour en revenir à l’acteur principal du film, grâce à sa rencontre avec John Wayne, James Arness (le frère aîné de Peter Graves) trouvera le rôle de sa carrière ; ce sera Matt Dillon, le Marshall de Gunsmoke dans la série westernienne homonyme, la plus longue qui ait jamais été produite, ayant perdurée 20 ans au travers de plus de 600 épisodes.


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Publié : 31 août 04, 14:58
par Kurwenal
Jeremy Fox a écrit :Je viens de me commander Shenandoah pour voir car c'est vrai qu'à l'époque, il m'avait très agréablement surpris
Je l'ai commandé hier...réédition prévue pour le 7 septembre 8)

Publié : 31 août 04, 14:59
par Jeremy Fox
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Les Prairies de l’honneur (Shenandoah - 1965) d’Andrew V. McLaglen
UNIVERSAL


Avec James Stewart, Doug McClure, Glenn Corbett, Patrick Wayne
Scénario : James Lee Barrett
Musique : Frank Skinner
Photographie : William H. Clothier (Technicolor 1.85)
Un film produit par Robert Arthur pour la Universal


Sortie USA : 03 juin 1965


"This war is not mine and I take no note of it!"

1862. La Guerre de Sécession bat son plein. En Virginie, dans la vallée du Shenandoah où les canons ne cessent de tonner, vit Charlie Anderson (James Stewart), un veuf qui refuse de s’impliquer dans ce conflit dans lequel il ne se sent pas concerné. Il s’occupe d’un immense domaine avec ses six fils, sa fille ainsi que sa bru, et espère maintenir sa famille dans la neutralité, refusant même que les recruteurs confédérés ou unionistes enrôlent ses enfants. Sa fille Jennie (Rosemary Forsyth) épouse néanmoins un officier sudiste (Doug McClure) qui est immédiatement envoyé sur le front dès la cérémonie de mariage terminée. Peu après, son cadet, suite à une méprise, est fait prisonnier par un détachement Yankee. Le ‘patriarche’, averti par le jeune noir Gabriel qui a assisté à l’arrestation, décide de partir à sa recherche afin de le libérer ; il est accompagné de cinq de ses garçons et de sa fille, seul son fils James (Patrick Wayne) devant rester garder la ferme d’autant plus que son épouse (Katharine Ross) vient d’accoucher. Le groupe chevauche jusqu’à un campement nordiste où un officier lui explique que les prisonniers ont été conduits dans un autre lieu avant d’être transportés par train. Charlie et sa famille poursuivent leur périple qui ne se déroulera pas sans quelques tragédies. La guerre n’épargne personne, pas même ceux ayant décidé de s’en tenir à l’écart…

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En préambule à cette chronique, je me dois de revenir sur ma trop grande sévérité à l’encontre du réalisateur Andrew V. McLaglen qui, même s’il commettra ensuite quelques films assez hideux, avait débuté sa carrière de la plus honorable des manières. La fin de l’année 1956 marqua ses premiers pas dans l'univers westernien avec Gun the Man down, modeste mais sympathique réussite, sans beaucoup d’action mais avec suffisamment de tension et de suspense pour nous tenir en haleine tout du long. Il deviendra la décennie suivante non seulement l’un des cinéastes les plus prolifiques dans le genre mais également l’un des plus rentables ; indépendamment de leurs qualités artistiques, le succès de ces films auprès du public (notamment grâce à des castings souvent prestigieux) fait que McLaglen, quels que soient les avis que l'on peut porter sur son talent, aura été malgré tout un réalisateur qui aura compté dans l’histoire du genre.

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Fils du comédien Victor McLaglen, Andrew a grandi sur les plateaux de cinéma et fut amené à fréquenter dès son plus jeune âge des célébrités tels que John Wayne et John Ford. Apprenant le métier sur les tournages de ce dernier, il fut ensuite réalisateur de seconde équipe puis assistant réalisateur de Budd Boetticher ou de William Wellman, avant de produire avec John Wayne pour sa société Batjac le superbe 7 hommes à abattre (Seven Men From Now) de Budd Boetticher. Avant d’entamer sa série de westerns à gros budgets dans les années 60, Andrew V. McLaglen se tourna d'abord surtout vers le petit écran pour lequel il mit en scène d’innombrables épisodes des séries Perry Mason et Rawhide. Malgré la minceur des enjeux dramatiques, huit ans après son premier essai, Le Grand McLintock sera un vaudeville westernien sans conséquences mais un divertissement très réussi, le spectateur en ayant pour son argent déjà rien que pour son casting 4 étoiles faisant se côtoyer un John Wayne en pleine forme entouré d'innombrables seconds rôles habitués du genre et de deux des plus grandes stars féminines du western que l'on était ici ravi de trouver réunies, Maurenn O'Hara et Yvonne de Carlo. Quand à McLaglen, il filmait le tout avec efficacité et vitalité aidé par la somptueuse photographie de William H. Clothier qui officie à nouveau sur Shenandoah, l’émouvante histoire d’une famille de fermiers prise dans la tourmente d’évènements qui les dépassent, déchirée par un conflit dans lequel elle ne voulait pas s’impliquer et que le patriarche ne pourra pas soustraire indéfiniment à ses dures réalités et ses absurdes paradoxes : ne peut-on par exemple pas vivre dans le Sud si l'on ne souhaite pas posséder d’esclaves ?

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Alors que western avait amorcé son changement de cap depuis quelques mois avec entre autres les sorties de chaque côté de l’Atlantique des premiers opus de Sergio Leone et Sam Peckinpah, Les Prairies de l’honneur a dû sembler un peu anachronique, sa naïveté et son humanisme angélique faisant contraste avec la violence, le cynisme et l’ironie qui s’invitaient de plus en plus régulièrement au sein du genre. Shenandoah conte donc l’histoire d’une famille refusant d’entrer dans le conflit qui déchire l’Amérique mais qui va néanmoins en subir les conséquences. Car avant d’être un western, Shenandoah est avant tout un film familial comme avait pu l’être La Loi du Seigneur (Friendly Persuasion) de William Wyler qui décrivait déjà la Guerre de Sécession du point de vue d’une famille de fermiers. L’action de ce dernier se déroulait en Indiana et, malgré les Oscars récoltés, il faut bien avouer qu’il a bien mal vieilli et qu’il s’avère sérieusement indigeste, son côté farce grotesque se mariant assez mal avec les évènements tragiques décrits par ailleurs, le spectateur ayant ensuite un peu de mal à prendre au sérieux la partie plus dramatique. Le western de McLaglen ne tombe qu’une seule fois dans ce travers avec la séquence de bagarre homérique qui détonne dans un ensemble de très bonne tenue d’autant qu’il s’agissait d’un moment assez tendu, le pugilat allant opposer les fermiers et les hommes du gouvernement venus accaparer des chevaux pour l’armée. Les auteurs ayant décidé de délivrer un message de paix et de décrire sans concessions les tragédies découlant de cette guerre fratricide qu’ils jugent inutiles, ne prenant partie pour aucun des deux camps, il était assez mal venu de laisser en l’état une telle scène qui fait un peu perdre de la crédibilité à l’ensemble. Heureusement, il ne s’agit que d’une courte séquence que l’on a vite fait d’oublier, McLaglen et son scénariste attitré James Lee Barrett, tenant ensuite leur film avec rigueur jusqu’à la toute fin qui devrait faire venir des larmes aux plus sensibles, Shenandoah n’hésitant pas à prendre les sentiers du mélodrame à plusieurs occasions, pour le meilleur, la sincérité du propos arrivant à faire passer l’émotion par-dessus la sensiblerie.

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En effet, si à de nombreuses reprises le film est sur le point de tomber du côté de la mièvrerie, il reste néanmoins toujours sur la corde raide grâce au talent de ses interprètes et à la sensibilité du scénariste qui croit dur comme fer à son histoire et à la bonté de ses personnages. Les "élocutions-monologues" de Charlie, le paternel interprété par James Stewart, ont beau sembler de prime abord sentencieuses et moralisatrices, le génie du comédien les fait passer comme une lettre à la poste, aussi bien les laïus délivrés à ses fils sur les valeurs familiales et le sens de la vie que ceux -hommage de McLaglen à son mentor John Ford- qu’il délivre à son épouse décédée au dessus de sa tombe. Car James Stewart est une fois de plus exceptionnel dans le rôle de ce père un peu pontifiant mais ne se préoccupant que du bien-être de sa famille et de la préservation de son domaine, ne se souciant guère de ce qui se déroule alentour, refusant de s’impliquer dans un conflit qu’il ne cautionne pas (en effet, il est géographiquement sudiste mais nordiste par ses convictions anti-esclavagistes) ; parfois à la limite du cabotinage sans jamais y céder, ce qui n’était pas gagné d’avance par le fait que son personnage possède toutes les caractéristiques un peu ‘clichées’ du patriarche traditionnel de western. C’est un chef de famille respecté, tout aussi sarcastique qu'idéaliste, et qui fait en sorte que ses valeurs soient respectées par l’ensemble de sa progéniture. Très paternaliste, sûr de lui, il tient donc régulièrement (à table notamment) de grands discours en faisant en sorte d’être écouté. Le talent du comédien et la qualité des dialogues font que le vieil homme bourru ne se fasse jamais ressentir pénible ; au contraire nous l’écoutons nous aussi, comme ses enfants, avec attention, les leçons délivrées n’étant pas dénuées d’un intelligent et cocasse mélange de lyrisme et de lucidité.

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Et puis, un film ne prenant partie pour aucun des deux camps, un western contre l’esclavagisme, prônant la neutralité et la non-violence tout en étant assez critique envers tous les charognards et n’importe quelles sortes de conflit guerrier (alors que l'Amérique commençait à s'embourber au Vietnam), c’est toujours bon à prendre ! Ces louables intentions sont amenées avec une certaine douceur, loin du cynisme et de la cruauté de la majorité des westerns de la même époque ; en conséquence, les quelques éclairs de violence qui parsèment le film n’en sont que plus puissants ; à ce propos, voir les instincts meurtriers de James Stewart se faire jour alors qu’il est sur le point d’étrangler un jeune soldat, scène qui rappelle ses grands moments à peu de choses près identiques dans les chefs-d’œuvres qu’il tourna sous la direction d’Anthony Mann. A ces très rares instants, le comédien arrive à nous effrayer rien que par la violence qui sourd de son regard et de ses gestes. Une autre séquence tragique dont je ne vous dévoilerais pas la teneur s'avère elle aussi sacrément surprenante, d’une sécheresse qui jure avec le reste du film même si l’essentiel se déroule hors-champ, voire même hors-séquence, le spectateur n’apprenant ce qu’il est advenu à l'un des protagonistes que quelques minutes plus tard en même temps que les principaux personnages concernés par ce drame. Cette description pourra paraitre obscure à ceux n’ayant pas encore eu connaissance du film mais je vous laisse la surprise de découvrir cette scène finalement assez effrayante par son contraste avec l'aspect assez 'familial' de l'ensemble et qui prouve que le ton du western de McLaglen ne peut seulement se résumer à sa gentillesse de façade.

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Andrew V. McLaglen mène le tout sans jamais vraiment nous étonner mais avec un grand professionnalisme, comme c’était déjà le cas avec ses précédents films. Sa mise en scène reste constamment classique, presque toujours assez assez élégante hormis lors de la maladroite séquence de la bagarre ; ses scènes de batailles ne manquent pas d'efficacité malgré des cascadeurs moyennement discrets dans leurs chutes assez peu crédibles. Sinon, nous sommes très étonnés de trouver dans son cinéma une telle sensibilité, témoin la séquence au cours de laquelle le père prépare avec amour la chambre nuptiale qui va accueillir les jeunes mariés qui n’avaient pas eu l’occasion de célébrer leur nuit de noces, séparés dès la cérémonie terminée par le départ du jeune époux sur le front des combats. Si James Stewart porte le film sur ses épaules, les comédiens qui l’entourent, sans faire d’étincelles, n’en accomplissent pas moins un honnête travail, que ce soit la charmante Rosemary Forsyth dans son premier rôle (elle sera tout de suite après l’actrice principale du Seigneur de la guerre - The Lord War de Franklin J. Schaffner avec Charlton Heston, l’un des meilleurs films sur le Moyen-âge), Doug McClure (l’un des fils Zachary dans Le Vent de la plaine - The Unforgiven de John Huston), Paul Fix dans le rôle du médecin compatissant ou encore la toute jeune Katharine Ross (la future partenaire de Paul Newman et Robert Redford dans Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill). Au détour d’une scène, nous avons également le plaisir de rencontrer quelques acteurs familiers de la troupe fordienne tel Harry Carey Jr ou encore d’autres grands habitués du genre tels Strother Martin, James Best, George Kennedy ou Denver Pyle.

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Une jolie réalisation, une superbe photographie, des décors naturels plus verdoyants que la moyenne (filmés en Oregon), une description assez réaliste des ruelles boueuses et du cauchemar des champs de bataille, de superbes toiles peintes, une interprétation d’ensemble convaincante et un poignant thème musical écrit par Frank Skinner ne font que renforcer la qualité d’un scénario humaniste qui aime prendre son temps et qui ne manque pour autant pas d’humour. Un western assez ‘Old-Fashioned’ pour l’époque, un plaidoyer assez naïf à l’encontre de toutes les guerres, une défense des valeurs américaines patriarcales et familiales mettant en avant les notions d’honneur et de devoir : on ne pouvait plus casse-gueule comme postulat de départ ; et pourtant, et c’est une prouesse, Shenandoah, grâce à la sincérité et à l’honnêteté des auteurs, demeure presque constamment efficace et attachant. Aucun génie mais un travail d’ensemble plus que correct pour un western qui distille beaucoup d’émotion et qui de ce fait devrait plaire également aux amateurs de mélodrames ou de films familiaux.

Andrew McLaglen

Publié : 1 sept. 04, 18:51
par francis moury
Oui il est inégal mais quand il est bon, et cela lui arrive, il est passionnant. Oui LA BRIGADE DU DIABLE est un très bon film et LES OIES SAUVAGES un film encore meilleur. Le reste de ses films de guerre est médiocre. Non LES FEUX DE L'ENFER ne sont pas mauvais du tout : c'est un très bon et très beau film. Ses westerns sont inégaux eux aussi. Ceux d'avant 1970 sont d'une manière générale meilleurs que ceux postérieurs à 1970 à l'exception de LA LOI DE LA HAINE qui est très bon.
Et sur LA BRIGADE DU DIABLE :
http://www.dvdrama.com/fiche.php?4267&o ... &mode=test

Re: Andrew McLaglen

Publié : 1 sept. 04, 20:09
par bogart
francis moury a écrit :Oui il est inégal mais quand il est bon, et cela lui arrive, il est passionnant. Oui LA BRIGADE DU DIABLE est un très bon film et LES OIES SAUVAGES un film encore meilleur. Le reste de ses films de guerre est médiocre. Non LES FEUX DE L'ENFER ne sont pas mauvais du tout : c'est un très bon et très beau film. Ses westerns sont inégaux eux aussi. Ceux d'avant 1970 sont d'une manière générale meilleurs que ceux postérieurs à 1970 à l'exception de LA LOI DE LA HAINE qui est très bon.
Et sur LA BRIGADE DU DIABLE :
http://www.dvdrama.com/fiche.php?4267&o ... &mode=test

J'avais adoré ce film lors de sa sortie en salle, une mise en scène nerveuse, une réflexion sur le pouvoir en Afrique, avec une distribution internationale, Richard Burton, Richard Harris, Roger Moore, Hardy Kruger et Stewart Granger.

Re: Andrew McLaglen

Publié : 1 sept. 04, 23:15
par francis moury
bogart a écrit :
francis moury a écrit :Oui il est inégal mais quand il est bon, et cela lui arrive, il est passionnant. Oui LA BRIGADE DU DIABLE est un très bon film et LES OIES SAUVAGES un film encore meilleur. Le reste de ses films de guerre est médiocre. Non LES FEUX DE L'ENFER ne sont pas mauvais du tout : c'est un très bon et très beau film. Ses westerns sont inégaux eux aussi. Ceux d'avant 1970 sont d'une manière générale meilleurs que ceux postérieurs à 1970 à l'exception de LA LOI DE LA HAINE qui est très bon.
Et sur LA BRIGADE DU DIABLE :
http://www.dvdrama.com/fiche.php?4267&o ... &mode=test

J'avais adoré ce film lors de sa sortie en salle, une mise en scène nerveuse, une réflexion sur le pouvoir en Afrique, avec une distribution internationale, Richard Burton, Richard Harris, Roger Moore, Hardy Kruger et Stewart Granger.
Il existe en DVD zone 2 anglaise et comme le Cinécinéma en a récemment diffusé un master restauré en 1.85 compatible 4/3 je pense qu'il arrivera tôt ou tard chez nous en DVD aussi : je l'attends moi aussi... 8)

Publié : 1 sept. 04, 23:54
par Julien Léonard
Euh, Jeremy, qu'entend-tu par réedition le 7 septembre pour "Shenandoah" ? En zone 2 fr ? Kesako s'il te plait ? :shock: :wink:

Publié : 2 sept. 04, 07:11
par Jeremy Fox
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Le Ranch de l’injustice (The Ballad of Josie - 1966) de Andrew V. McLaglen
UNIVERSAL


Avec Doris Day, Peter Graves, George Kennedy, Andy Devine
Scénario : Harold Swanton
Musique : Frank De Vol
Photographie : Milton R. Krasner (Technicolor 2.35)
Un film produit par Norman McDonnell pour la Universal


Sortie USA : 01 février 1967


1890. Josie Minick (Doris Day) vient de tuer accidentellement son mari rentré chez lui ivre mort. La jeune femme passe en procès ; elle évite l'emprisonnement mais à son grand désespoir l’on prend la décision de mettre son fils âgé de 8 ans en tutelle chez son grand-père paternel. Arch Ogden (George Kennedy), l’éleveur qui fut le juré le plus acharné à vouloir mettre Josie en prison, veut se racheter en lui proposant d’acheter le lopin de terre dont elle vient d’hériter et sur lequel se trouve un ranch abandonné. Josie refuse et pense même habiter en ces lieux. Finalement découragé par tout le travail à accomplir, elle préfère revenir en ville trouver un emploi. Ses différents essais ne sont guère concluants et elle a désormais pour idée de faire de l’élevage de mouton sans l’aide d’aucun homme ; ce qui bien évidemment met le feu aux poudres dans une région qui ne jure que par les bovins. Arch se prépare à combattre la femme qui s’avère aussi têtue que lui. Elle va recevoir de l’aide de Jason Meredith (Peter Graves) qui n’est pas insensible aux charmes de la jolie veuve. Vient se greffer sur cette guerre des éleveurs une volonté de la part du Wyoming d’intégrer les États-Unis ; ce qui ne pourra pas se faire sans le vote des femmes qu’il va falloir se mettre dans la poche. Le combat de Josie vient bouleverser tous ces plans…

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The Ballad of Josie -totalement méconnu en notre contrée- est le cinquième western de Andrew V. McLaglen, le précédent étant Rancho Bravo (The Rare Breed), marivaudage laborieux avec James Stewart et Maureen O’Hara et premier ratage du cinéaste dans le genre après nous avoir offert de prometteurs Gun the Man Down, Le Grand McLintock (McLintock!) et surtout le très beau et très fordien Shenandoah (Les Prairies de l’honneur). Avec The Ballad of Josie, on arrive à trois westerns humoristiques sur cinq, seul McLintock! réussissant ce difficile mélange comédie et western grâce notamment à un scénariste beaucoup plus chevronné que les deux suivants -issus de la TV-, l’immense James Edward Grant, éternel complice de John Wayne. Concernant le film dont il est question ici, le Duke avait d’ailleurs été pressenti pour donner la réplique à Doris Day qui arrivait alors sans encore le savoir à la fin de sa carrière cinématographique, seuls deux autres longs métrages allant suivre. Malheureusement -et pour nous spectateurs aussi- la rencontre ne s’est pas faite malgré une forte envie de part et d’autre.

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A la place de John Wayne, un Peter Graves -le Jim Phelps de la série Mission impossible- finalement très convaincant, tout comme George Kennedy qui interprète l’autre personnage masculin principal. C’est d’ailleurs grâce aux comédiens qui l’ont entourés sur le plateau que Doris Day gardera un très bon souvenir du tournage, elle qui n’était pas du tout enchantée de faire ce film mais qui accepta de s'y engager pour son époux et producteur Martin Melcher qui avait estimé que ce serait bien pour sa carrière et qui avait déjà signé le contrat. Comme à son habitude, elle entrera dans le rôle avec un grand professionnalisme même s’il lui manque cette étincelle qui faisait tout le sel de sa prestation inoubliable de Calamity Jane (La Belle du Far-West) quatorze ans plus tôt. Dans ce western humoristique elle tenait déjà le rôle d’une femme forte et indépendante dans l’Ouest sauvage. En 1958, George Marshall réalisait un western rythmé, détendu et plein de fantaisie avec pour toile de fond la guerre entre éleveurs d’ovins et de bovins, le très sympathique La Vallée de la poudre (The Sheepman) avec Glenn Ford et Shirley MacLaine. Le Ranch de l’injustice reprend un peu de ces deux films, mélange de western féministe –avec cette femme indépendante décidant de prendre en charge son destin sans quelconque aide masculine- et d’intrigue sur fond de discordes entre éleveurs de boeufs et de moutons. Sauf que contrairement au premier il ne s’agit cette fois pas d’un western musical -faute de goût et déception au bout du compte pour les fans, même la chanson-titre du générique n’est pas interprétée par Doris Day mais par Ronnie Dante- et qu’à l’inverse du second, l’ensemble se révèle plus laborieux que savoureux.

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Certes, Le Grand McLintock n’était pas d'une grande subtilité, et pourtant il se suivait avec un constant sourire aux lèvres tellement l’entourage de John Wayne et l'équipe dans son ensemble paraissaient s'être pris au jeu, les acteurs semblant s'être amusés comme des petits fous, leur bonne humeur s'étant avéré vite communicative. Quant au cinéaste, il filmait le tout avec efficacité et vitalité. Ce n’était plus du tout le cas concernant Rancho Bravo, le divertissement ne se révélant plus vraiment amusant mais au contraire assez sinistre ; si The Ballad of Josie l’est un peu moins c’est surtout grâce à un casting de premier ordre. Mais là -McLintock!- où l'on s’amusait, emportés par la vitalité de l’ensemble, on se prend au contraire ici à trouver le temps long faute à un scénario guère captivant -l’auteur n’ayant quasiment travaillé que pour la télévision, le format court étant certainement plus compatible avec ses possibilités- et à une mise en scène assez indigente excepté à deux trois occasions au cours desquelles McLaglen retrouve le lyrisme qui prévalait souvent dans Shenandoah et notamment lorsqu’il se met à filmer en extérieurs dans les paysages vallonnés et verdoyants où va se dérouler le conflit entre les deux éleveurs que sont George Kennedy et Doris Day.

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On peut également trouver un certain intérêt dans la sous intrigue politique qui narre la tentative de l’état du Wyoming d’intégrer les USA ainsi que par son côté western féministe défendant les droits de la femme, même si la dernière image vient brutalement balayer ces bonnes intentions, Josie jetant ses jeans dans le feu de cheminée comme pour dire qu’une femme devrait se trouver un époux, rester derrière ses fourneaux et ne pas se mêler du travail des hommes. Autre côté sympathique du film outre ses comédiens –en plus des trois têtes d'affiche on a le plaisir de retrouver non moins que des dizaines de 'célèbres' seconds rôles tels Andy Devine pour sa dernière apparition à l’écran, mais aussi William Talman, David Hartman, Elizabeth Fraser, Paul Fix, Don Stroud, Harry Carey Jr- le fait qu’il n’y ait aucun mort hormis le mari volage au tout début (une mort très ‘splastickienne’ d’ailleurs) ni quasiment aucune violence, le personnage de Josie préférant arrêter le combat lorsqu'elle s'aperçoit qu'il pourrait causer morts, destructions et empêchement pour le Wyoming de faire partie des États-Unis.

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Un western gentillet et très anachronique en ce début d’année 1967 -il n’est d’ailleurs sorti qu’en double-programme avec La Symphonie des héros (Counterpoint) de Ralph Nelson-, aux effets comiques un peu lourds et ne bénéficiant pas d’un scénario spécialement passionnant malgré quelques bonnes idées et intentions. ‘Le cul entre deux chaises’, ayant du mal à louvoyer entre burlesque et grand sérieux, The Ballad of Josie est un film très bancal qui, même s’il pourra faire passer un agréable moment grâce aux acteurs et à de beaux paysages, s’avère objectivement bien médiocre. Doris Day le décrivait d’ailleurs de la sorte : "Nothing more than a second-rate television western that required me to get up at four-thirty every morning."

Publié : 2 sept. 04, 08:19
par Julien Léonard
Ouf ! Merci, j'ai eu le coeur batant plus vite que de raison là... j'avais peur d'avoir encore acheté l'édition qu'il ne fallait pas... Merci en tout cas pour cette précision... :D

Publié : 2 sept. 04, 10:14
par Lord Henry
Je ne conçois pour ma part aucune indulgence à l'endroit d'une filmographie qui se réduit à un morne enfilement de mises en scène rudimentaires d'une affligeante platitude.

A côté d'Andrew V McLaglen, Burt Kennedy c'est Anthony Mann.

Publié : 13 sept. 04, 14:16
par O'Malley
Mc Laglen est un cinéaste sous-estimé car n'ayant jamais véritablement eu une ambition autre que de faire du divertissement (sauf pour Les oies sauvages peut-être)...sinon, ravi de voir que certains partagent mon avis positif (mais certes relatif)sur ce réalisateur...

Re: Andrew V. McLaglen : il m’étonnera toujours !

Publié : 20 sept. 04, 08:45
par Jeremy Fox
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La route de l’Ouest (The Way West - 1967) de Andrew V. McLaglen
UNITED ARTISTS


Avec Kirk Douglas, Richard Widmark, Robert Mitchum, Lola Albright
Scénario : Ben Maddow & Mitch Lindemann d’après un roman de A.B. Guthrie Jr.
Musique : Bronislau Kaper
Photographie : William Clothier (2.35 Pathécolor)
Un film produit par Harold Hecht pour La United Artists


Sortie USA : 24 mai 1967


L’ancien Sénateur William J. Tadlock (Kirk Douglas) organise une expédition vers l’Oregon ; sur cette ‘terre promise’ où l’homme blanc n’a pas encore mis les pieds, ce visionnaire conçoit de grandes idées pour le futur de sa communauté. Un convoi de pionniers qu’il dirige quitte ainsi en 1843 la ville d’Independence dans le Missouri pour se rendre jusqu’à cette ‘Nouvelle Jerusalem’. Pour arriver à bon port Tadlock engage comme éclaireur Dick Summers (Robert Mitchum), un veuf solitaire qui non seulement connait bien les indiens –son épouse était une squaw- mais qui parle également leur langue, ce qui pourra grandement leur servir durant ce dangereux périple. Mais Tadlock s’avère être un homme dur et exigeant qui se braque souvent avec ses compagnons de voyage et notamment avec le fermier Lije Evans (Richard Widmark) qui ne supporte pas sa ‘dictature’. En plus des conflits internes, la caravane va être également confrontée à de nombreux obstacles naturels (rivières tumultueuses, montagnes et falaises difficilement franchissables, déserts, etc.), à de difficiles conditions météorologiques ainsi qu’à des embuches tendues par les indiens…

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The Ballad of Josie (Le Ranch de l’injustice)
-toujours totalement méconnu dans notre contrée- était le cinquième western du protégé de John Ford et père d’un de ses comédiens fétiches, Victor McLaglen-, Andrew V. McLaglen, les précédents ayant été Rancho Bravo (The Rare Breed) -marivaudage laborieux avec James Stewart et Maureen O’Hara- qui arrivait après le pourtant très prometteur Gun the Man Down, l'amusant Le Grand McLintock (McLintock !) et surtout le très beau et très fordien Shenandoah (Les Prairies de l’honneur). La même année 1967 que ce western humoristique avec Doris Day et Peter Graves, McLaglen réalisait également La Route de l’Ouest aux ambitions plus vastes et au budget bien plus conséquent. En effet, The Way West -comme son titre le laisse deviner -est un western épique empruntant la voie tracée par deux des premiers classiques du genre -The Covered Wagon de James Cruze et La Piste des géants (The Big Trail) de Raoul Walsh- narrant les aventures et le long périple d’une caravane de pionniers se rendant en Oregon, une région à l’époque encore vierge où ils souhaitent ériger leur ‘New Jerusalem’. Étonnamment, avec pourtant trois immenses stars en têtes d’affiche, La Route de l’Ouest est un grand spectacle boudé des deux côtés de l’Atlantique, sa réputation calamiteuse m’étant à vrai dire assez incompréhensible !

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Le scénario est basé sur le deuxième d’une série de trois romans consacrés à la conquête de l’Ouest écrits par un écrivain ayant gagné le prix Pulitzer, A. B. Guthrie. Le personnage central de cette trilogie est Dick Summers interprété par Robert Mitchum dans le western de McLaglen et auparavant –avec un autre patronyme- par Arthur Hunnicut dans le chef-d’œuvre de Howard Hawks, La Captive aux yeux clairs (The Big Sky), Kirk Douglas tenant d’ailleurs le rôle principal de ces deux films. La dernière partie de cette saga épique, ‘Fair Land, Fair Land’, ne sera écrite qu’en 1981. Toujours dans le genre, l’auteur sera également à l’origine d’un autre roman superbement adapté par Richard Fleischer, These Thousands Hills (Duel dans la boue). Si le film de McLaglen n’atteint évidemment pas -loin s'en faut- les sommets de Hawks ou de Fleischer, il n’en demeure pas moins une bien belle réussite, au moins du niveau de Shenandoah ; il s'avère être à mon humble avis bien plus sympathique, bien mieux tenu et beaucoup plus rigoureux sur la forme et sur le fond que d’autres westerns à grand spectacle des années 60 réalisés par de grands noms et devenus quant à eux de grands classiques du genre toujours relativement appréciés de nos jours tels les laborieux La Conquête de l’Ouest (How the West was Won) du trio Hathaway-Ford-Marshall ou encore La Ruée vers l’Ouest (Cimarron) de Anthony Mann.

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Il faut d’emblée se rendre à l’évidence : même si le scénario de Ben Maddow & Mitch Lindemann fait voir quelques trous et lacunes assez énigmatiques -qui seraient dues notamment au sabordage par le vice président de la United Artists David Picker des 20 premières minutes du film censées présenter les personnages- il n’est pourtant pas dénué d’ampleur, de grandeur épique et de multiples sous-intrigues plutôt bien écrites et à vrai dire toutes assez captivantes malgré leurs côtés parfois un peu ‘Soap’ (la femme frigide qui devient folle de jalousie, la jeune adolescente qui couche avec le mari de cette dernière…) Même les personnages souvent critiqués pour leur simplisme s’avèrent finalement pour certains assez riches, témoin celui interprété par Kirk Douglas, assez ambigu et pas du tout manichéen, un visionnaire à qui l'on peut trouver une certaine grandeur tout en le craignant, un homme que l’on peut prendre en pitié et haïr la seconde d’après tout en arrivant à comprendre ses motivations. Sa première apparition vêtu de sa belle et soyeuse capeline rouge fait son effet, le mouvement de caméra le voyant s’approcher du campement de Mitchum ne manquant pas de lyrisme, aidé en cela par le travail du chef-opérateur William Clothier qui sera d'ailleurs admirable de bout en bout ; il n’est du reste pas interdit de rapprocher le travail de ce dernier de celui de Winton C. Hoch pour John Ford, certains de ses immenses plans d’ensemble de l’avancée du convoi sous l’orage s’avérant tout simplement sublimes et ne déméritant pas en comparaison de ceux du ‘parrain de cinéma’ de McLaglen.

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Mais cessons quelques minutes de nous extasier devant ces ‘vistas’ plastiquement étonnantes pour en revenir à Tadlock et pour essayer d’en appréhender la richesse. Il s’agit d’un idéaliste obsessionnel faisant passer par dessus tout le reste -y compris sa famille- sa vision d’une ville à bâtir dans un endroit reculé. Si ses intentions sont les meilleures du monde, pour y arriver il ne recule pas devant la plus grande des brutalités, faisant parfois régner une sorte de terreur sur son convoi. Il est même capable à un moment donné, afin qu'aucun de ses futurs concitoyens ne l'abandonne en cours de route, de faire croire à une épidémie de petite vérole au sein de sa caravane pour empêcher ceux qui souhaitaient mettre fin à leur voyage dans le fort -où ils devaient en principe ne rester que le temps d'une pause- de mettre leurs idées à exécution suite à l'accueil fort chaleureux des anglais ; en effet, la fausse rumeur de la maladie s'étant répandue comme une trainée de poudre, les habitants du fort (anglais et indiens) n'ont plus d'autres solutions que de les chasser pour ne pas être contaminés. On verra également Tadlock tenter de s’accaparer l’épouse d’un de ses compagnons de voyage, voyant en elle une femme capable de l’aider à réaliser son rêve. Il n’est pas non plus dépourvu d’une certaine dose de masochisme quand, écrasé de chagrin, il demande à se faire châtier par son ‘esclave’ à coups de fouet. Sinon, en d’autres occasions il est en revanche tout aussi capable d’humanité, de grande tendresse envers son fils voire même de larmes sincères. Il est même prêt à prendre sans se démonter de pénibles décisions qui lui vaudront de se mettre à dos la majorité mais qui en y réfléchissant bien s’avéraient les solutions les plus raisonnables afin de pouvoir protéger son convoi ; il s’agit en l’occurrence de la séquence la plus souvent citée et effectivement la plus puissante et tendue du film, celle de la confrontation avec les Sioux au cours de laquelle il décide de pendre un de ses hommes presque au hasard –je ne vous en dévoilerais pas plus- pour ne pas que les indiens massacrent tout le monde ; un modèle de construction et de tension dramatique qui prouve si besoin était que ce western est loin d’être le navet annoncé.

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Tadlock est donc un illuminé progressiste certainement compétent pour accomplir de très grandes choses mais non sans avoir écrasé quelques uns de ses semblables au passage. Grâce à l’écriture et à l’interprétation de Kirk Douglas, il est évident que ce personnage est loin d’être simpliste. Ceux de Robert Mitchum -l’éclaireur- et de Richard Widmark –le paysan pionnier- comporteront évidemment moins d’aspérités mais n’en seront pas moins relativement attachants même s’ils auraient effectivement mérité un peu plus d’attention et de nuances de la part des auteurs. Ceci étant, les deux comédiens accomplissent fort bien leur travail ; tout comme Jack Elam en pasteur illuminé qui amène un peu d’humour à l’ensemble ou bien Sally Fields dans son premier rôle, celui d’une adolescente titillée par sa puberté et dont le pressant besoin d’amour va être à l’origine de sombres drames, ou encore Lola Albright dans celui de l’épouse aimante de Richard Widmark… Une interprétation d’ensemble convaincante mais surtout une mise en scène assez impressionnante, non dénuée d’ampleur et de lyrisme portée par une très belle partition de Bronislau Kaper. Difficile de ne pas être happé par la grandeur et la sauvagerie des paysages traversés, par le réalisme et la beauté des images du convoi qui s’avance dans les grandes plaines puis dans le désert et enfin à travers les montagnes rocheuses jusqu’à se trouver nez à nez avec la plus infranchissable des falaises, le plus majestueux des canyons ; non seulement tout ceci est parfaitement bien cadré mais, ajouté à un montage rigoureux et à de beaux placements et mouvements de caméras, cette description reste constamment spectaculaire et captivante même si l’ensemble ne possède évidemment pas ni l’ampleur de La Piste des géants de Raoul Walsh, ni l’âpreté du Convoi des femmes (Westward the Women) de William Wellman, ni le climat mi-chaleureux, mi-mélancolique du Wagonmaster (Le Convoi des braves) de John Ford, les trois chefs-d’œuvre de cette catégorie ‘Road Movie’ de westerns.

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Paysages somptueux, grande aventure, adultères, romances, drames psychologiques, rivalités découlant de suspicions, de haine et de jalousies, humour, chansons et danses autour du feu, bisons, indiens décrits avec décence, bagarres homériques et teigneuses avec cascadeurs chevronnés, chevauchées remarquablement bien filmées… il y en a pour tous les goûts. J’espère en avoir convaincu quelques uns qui auraient été rebutés par une majorité de critiques fortement négatives et surtout que ces quelques courageux ne soient pas déçus du voyage. Même s’il ne peut raisonnablement pas être compté parmi les sommets du genre, il n’a pas non plus à rougir, le budget dépensé pour le tournage se voyant à l’écran et le spectateur en ayant pour son argent. A réhabiliter, tout comme le réalisateur dont je me commence à me rendre compte qu'il aura souvent été injustement vilipendé -et par moi le premier !

Publié : 20 sept. 04, 10:23
par Lord Henry
Ce qui est rédhibitoire avec McLaglen, c'est qu'il s'imagine respecter l'esprit en caricaturant la lettre. Il en reste une tradition sans âme, réduite au pittoresque.