MY NAME IS JULIA ROSS. Joseph H. Lewis. 1945
Avec Nina Foch (Julia Ross), Dame May Whitty (Mrs. Hughes), George Macready (Ralph Hughes)
Julia Ross vient d'arriver à Londres mais sans travail son installation s'avère difficile. Elle doit déjà de l'argent à sa logeuse. Elle répond donc à toutes les annonces possibles. Un soir, elle se rend à un entretien d'embauche et rencontre une riche famille Londonienne qui cherche une secrétaire. Seule obligation, elle doit vivre à plein temps chez ses nouveaux employeurs ce qui va l'obliger à moins fréquenter le jeune avocat, son ami qui vient au tout dernier moment de renoncer à son mariage sans doute par amour pour Julia. Elle accepte néanmoins ce travail et s'installe le soir même chez les Hughes. Mais alors que Julia est parti dormir, la famille et le majordome s'acharne à faire disparaitre tous les objets personnels de Julia, photos, papiers, vêtements, etc... Et elle se réveille le surlendemain dans un environnement totalement différent. La famille a abandonné sa maison de Londres pour gagner un manoir de Cornouailles. ...et au matin, la bonne qui lui apporte le petit déjeuné l'appelle Marion, tout comme la famille qui arrive peu après. Elle découvre ainsi que pour toutes ses personnes, elle est la femme du fils de la maison, Ralph. Sa femme Marion a eu des problèmes psychiatriques, a subit une longue hospitalisation mais vient tout juste de revenir à la maison. Julia/Marion nie en bloc être cette femme mais elle est séquestrée dans le manoir. Son ami avocat tente de la retrouver mais elle n'a laissé aucune trace...
1ère chose au sujet de ce film. Est-ce un film noir ? Pour moi, il l'est de manière très secondaire, presque uniquement par la mise en scène qui utilise certains codes du Film Noir. Pour le reste on est dans un thriller psychologique avec ambiance gothique plutôt que dans un Noir. Il peut faire penser à Rebecca, à Hantise voir de plus loin "Au secret derrière la porte", "House by the river" ou au "Chateau du dragon"...Sans jamais atteindre le niveau des films cités et loin s'en faut. Dans un film comme celui là, s'offre plusieurs possibilités aux scénaristes et au metteur en scène. On peut jouer sur l'ambiguité des personnages, de la situation et sur les angoisses et les interrogations qui vont en découler. 1er constat, à aucun moment on ne doute de l'identité de Julia Ross/Marion Hugues. On sait d'emblée qui elle est et aucun doute ne nous est permis même quand maladroitement Lewis fait intervenir les domestiques pour tenter de mener sur une fausse piste. Pourtant dans cette vaste demeure ancienne et luxueuse dans laquelle déambulent, les vrais méchants ( George Macready et sa mère ), celui qui les assiste ( le majordome ), la bonne et la gouvernante qu'on voit toujours ensemble...et un chat noir...il y avait moyen de créer des nuances dans l'attitude des principaux personnages et créer le flou et le doute. Et même sur le personnage interprété par Nina Foch, il y avait moyen de jouer...Mais je l'ai dit, il n'en est rien.

Dans ce cas, s'il n'y a pas d'ambiguité sur l'identité de la séquestrée et si tous les "tortionnaires" jouent la même partition, alors on va pouvoir créer un climat horrifique autour de la victime désignée. Ils veulent la rendre folle ? voir pire ?..La aussi, le soufflé retombe vite et à vrai dire il ne monte jamais, principalement par la faute du scénario et de la direction d' acteurs. Les voici justement : Dame May Whitty, la mère. C'est elle qui organise tout, qui planifie les saloperies à venir, qui sermonne son fils... mais elle n'est pas dans une des toiles d'araignée plus ou moins ironiques tissées par Hitchcock. Elle sort de Soupçons et d'Une femme disparait telle quelle avec son petit chapeau et sa distinction britannique mais on lui fait faire et dire des choses choquantes pour elle (je blague...) alors qu'on dirait qu'on a affaire à Margaret Rutherford ou à une vieille dame anglaise très digne qui va déclarer "Le thé va être servi". On a en tout cas pas affaire à la maman de Claude Rains dans Notorious et à son équivalent pince-sans-rire qu'on voit encore plus souvent. Dans le film de Lewis, il n'y a même pas de distance ironique, juste quelqu'un qui n'est pas à sa place ou qu'on a mal dirigé.
Quant à George Macready, c'est encore pire. Dans la première scène, il laisse parler maman. Dans la seconde, quand après avoir drogué Julia/Marion, ils font disparaitre le contenu de ses valises et brulent ses vêtements, lui est montré en train de trancher au couteau les sous-vêtements de Julia et la maman de dire "Mais vas-tu arrêter !"Bon là, on devine que le gars est pas trop net et qu'il risque d'arriver des bricoles à la pauvre Julia. Pas net certes mais un peu obsédé (C'est pas incompatible) car régulièrement il tente de sauter sur Julia/Marion. Normal, après tout c'est sa femme..." Mais non, je ne suis pas votre femme et ne l'ai jamais été" rétorque la belle (au cerveau malade ?) qui trouverait n'importe quelle prétexte pour échapper au devoir conjugal avec Scarface. Bon, là je commence à m'égarer...Plus tard, se rappelant un forfait antérieur, et toujours armé de son nin-nin (mi couteau, mi scalpel) qui ne le quitte jamais, de rage il lardera de coups de couteau le sofa de maman qui lui fera les gros yeux. Lui, il ne revient pas sur les lieux de ses crimes, il prend pour cible un élément de mobilier et lui fait subir le même sort. Doit avoir des prix chez Conforama le gars...Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait ne pas rire à cette scène. Evidemment, il se trouve face à sa mère lorsqu'il tue le canapé mais évidemment c'est à sa mère qu' il jette des regards enragés. Le gars qui a écrit çà, il a du lire un paquet d'ouvrage sur la psychanalyse, ou au moins les têtes de chapitre...à moins que ce ne soit 'La psychanalyse pour les nuls" ? Bilan : Une interprétation et surtout un personnage au mieux inconsistant, au pire grotesque. Quant aux personnages secondaires, les 4 domestiques, Lewis n'en fait presque rien. La "cavalerie", incarnée par ce jeune ami avocat Londonien qui recherche Julia ?..On entend Julia /Marion l'évoquer mais on ne le voit presque jamais.

Pas les personnages, mais alors, Film gothique...donc atmosphère. Bâtiments effrayants. Ombres sur les murs, vent, brouillard, orage et volets qui claquent... Ben non...La maison des Hughes est pourtant le prototype de la maison qui met les foies. C'est un immense manoir aux plafonds hauts, au décor assez luxueux. Il est situé au bord d'une falaise et surplombe la mer. Et la mer de Cornouailles çà fouette un peu plus le visage que la brise chaude de Bora Bora. En d'autres termes, y'a de quoi faire. Et ben, encore une fois, on voit pas grand chose. Lewis ne se sert pas de cet environnement pour créer une atmosphère sauf en 2 ou 3 occasions.
-La premier réveil de Julia/Marion est admirable. On l'avait quitté à Londres et on l'a retrouve encore endormi dans son lit, toujours sous l'effet du somnifère. Un plan à 360 % nous permet de découvrir son nouvel environnement. La chambre au décor rococo. La mer qu'on voit en contrebas. Elle se réveille et constate que ses objets familiers ont disparu remplacés par certains qui portent des initiales M-H qui ne lui disent rien. Alors survient la première domestique qui la première l'appelle Marion suivi rapidement par le reste de la famille.
-Ensuite, une scène nocturne. Julia/marion, qui ne dort pas, entend du bruit dans sa chambre et perçoit des ombres menaçantes. Elle hurle et la famille rapplique. C'était juste un chat qui s'était introduit on ne sait comment (On le découvrira plus tard). C'est certes du surgelé, décongelé et re-surgelé donc forcément un peu indigeste, et puis l'ombre gigantesque d'une main qui se dresse au dessus du lit, je n'appelle pas çà une ficelle, çà sert comme cordage de marine pour hisser la grand voile...
-Enfin, La seule scène ou on retrouve véritablement Macready et Nina Foch seuls à seuls est assez réussie. Ils sont face à l'océan sur une petite terrasse. Il commence à parler de manière un peu poétique et mystérieuse de la mer qui est le lieu du secret (çà rappellera quelque chose à ceux qui ont des réfs cinématographiques). Puis se rappelle un autre moment idyllique, leurs lunes de miel (imaginaire ?). Le visage de Nina Foch change alors radicalement. On voit ses yeux horrifiés coincés entre les épaules de Macready et derrière elle l'océan déchainé avec les vagues qui viennent s'écraser juste en arrière d'eux. Alors Macready force Nina Foch a l'embrasser. Elle s'écarte vivement, s'essuie la bouche avec un air de dégout et s'enfuit.
On a aussi encore une fois une multitude de plans filmés de derrière les vitres, principalement filmés de l'extérieur du bâtiment. C'est signifiant, certes mais répétitif. Pour finir sur la mise en scène, j'ajoute que l'ouverture est très belle. Elle rappelle d'ailleurs, l'ouverture sous la pluie de Gun crazy. La fin est encore meilleure mais c'est nettement insuffisant pour un film certes court, 64 min, mais qui trimbale une telle réputation. Bref (menteur)...Une autre déception par Joseph H Lewis. Une de plus. Je me dois de dire que la plupart des critiques que j'admire sont plutôt des défenseurs du film. Tavernier émet tout de même quelques réserves parlant de "facilités scénaristiques" et d "abérations " qui ne supportent pas l'analyse...Certes, c'est vrai. Je n'ai pas parlé de ces péripéties assez invraisemblables qu'on y voit effectivement parce que je trouve que ce n'est pas le plus grave. Le pire décalage, c'est avec Jacques Lourcelles que j'admire énormément. Son guide des films serait le meilleur outil du cinéphile...si pour lui le cinéma ne s'arrêtait pas pratiquement à la fin des années 50. Il a de nombreuses bêtes noires, La nouvelle vague, etc. En gros on pourrait dire qu'il est génial sur 50 % de l'histoire du cinéma, qu'il se désintéresse totalement de 30 % des oeuvres et qu'il excècre les 20 % restant. Mais pour le cinéma classique, d'ordinaire, je me retrouve presque totalement dans les choix de Lourcelles mais pour ce film encore plus que pour le film précédant "So dark..." le décalage est énorme car il délire littéralement sur ce film, parle de génie !..pour un film qui pour moi est au mieux un aimable exercice de style aux péripéties invraisemblables mais sympathiques, mais qui à d'autres moments ou par certains aspects est aussi à la limite du nanard. Bref que chacun se fasse son opinion...
Vu en vost. Ce film est inédit à la TV française mais il est passé à la cinémathèque et peut-être dans des festivals. Pour celui ci aussi il s'agit d'un ancien texte légèrement modifié et surtout remis en page et pour lequel j'ai rajouté des photos. Même motif, je viens d'avoir une révélation en jetant un oeil sur ces anciens textes à l'aspect très bordélique (il n'est jamais trop tard

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