Superbes décors, moyens considérables, science du cadrage et du mouvement de caméra, figuration impressionnante au service d'un sens du spectacle que Mann maîtrise parfaitement. A ce propos, la bataille de Valence, si elle traîne un peu en longueur (mais quelle partie du film ne le fait pas?), n'en constitue pas moins le point fort du film, souffle le spectateur. Sa mise en scène, son rythme, ses cadrages m'ont fait penser à la bataille du gouffre d'Helm... mais ce qui force l'admiration ici c'est que chaque unité est réelle, pas une once de numérique.
Dans un autre domaine, j'ai été particulièrement admiratif du jeu de Charlton Heston, notamment quand il s'agit pour son personnage d'agoniser, la puissance de son regard halluciné est particulièrement étonnante.
Dans les éléments rébarbatifs du film je mettrais obligatoirement le récit plein de pompe et de ridicule. Ces histoires d'honneur et de personnages incapables de communiquer et de rationnaliser leurs rapports m'ont vite lasser.
J'ai eu beaucoup plus de mal à entrer dans le film : le début m'a paru très lent et sans intérêt. Le clou final aère un peu l'emmerdement général et ces sempiternelles jérémiades sur l'honneur.
Reste cette mise en scène pas loin d'être grandiose.
Dernière modification par Alligator le 28 mars 08, 14:41, modifié 1 fois.
Geneviève Page était d'une beauté piouuuuesque!
En passant par la Loren, je me disais qu'elle avait facilement la larme à l'oeil. Elle passe son temps à perler. Je me demandais si c'était pas un début de conjonctivite. Et puis non elle lache les eaux véritablement à la toute fin. C'était une sorte de teasing lacrimal.
Alligator a écrit :Ces histoires d'honneur et de personnages incapables de communiquer et de rationnaliser leurs rapports m'ont vite lasser.
Je me souviens que tu avais fait un commentaire identique à propos des Nibelungen de Lang. Il me semble que c'est au contraire un des intérêts des films (ou pièces de théatre ou livres) historiques que de rendre compte fidèlement de conceptions et de valeurs qui n'ont plus cours aujourd'hui. Ce genre de plongée dans le passé chevaleresque où la question de l'honneur était fondamentale (et la vie privée et la psychologie, réduites à la question congrue) a pour elle la force du dépaysement. Et cette croyance qui faisait des liens familiaux et ancestraux quelque chose de sacré et de supérieur à l'individu, avec les excès qui en découlaient (avant que le monde moderne n'invente heureusement l'individu et ses droits), a produit certaines tragédies parmi les plus belles (de Eschyle jusqu'au classicisme français).
Dernière modification par Strum le 28 mars 08, 17:39, modifié 4 fois.
Je crois m'être trop vite exprimé (ce n'est pas la première fois) parce que je ne pense pas être réfractaire à ce type de voyage dans les moeurs d'autrefois. Du tout. D'ailleurs en parlant du Cid j'ai toujours apprécié Corneille et particulièrement Le Cid. Alors pourquoi sur le Nibelungen et sur ce Mann je ne suis pas entré dans la danse? Peut-être le traitement? Le jeu des acteurs? Peut-être l'humeur du moment, trop distanciée, pas assez impliquée? Mais je comprends et entends parfaitement le point que tu soulèves. Je l'entends si bien que je le fais mien quelque fois. Je n'ai pas d'ex. précis qui me vient maintenant mais effectivement le cinéma ou la littérature comme véhicule pour atteindre d'autres mentalités, faire de l'histoire ressentie en quelque sorte n'est pas désagréable. Toujours désagréable devrais-je dire.
someone1600 a écrit :Je l'avais enregistré a TCM mais mon enregistrement s'est mal fait et le son etait incomprehensible, j espere qu il repassera car j'avais tres envie de le voir.
Music Man a écrit :Dans le film le Cid, la vedette est Sophia Loren, Anthony Mann n'étant pas parvenu à imposer son épouse la capiteuse Sara(Sarita) Montiel évoquée dans le topic sur les vedettes féminines des comédies musicales
FAUX : le film devait se faire au départ avec Paul Newman et Sara Montiel. Puis Sara Montiel, devenue entretemps (et brusquement) une star du cinema et de la chanson espagnole, signa un contrat de 4 films avec ses producteurs espagnols, ce qui la rendit indisponible pour "Le cid". Elle conseilla Sophia Loren qui fut engagée. Mais Paul Newman se désista à son tour, et fut remplacé par Charlton Heston, après qu'on eût envisagé la possibilté de confier le rôle à Rock Hudson. Cette rumeur tenace suivant laquelle Anthony Mann n'imposa pas sa femme, est dûe à des articles de rédacteurs de Dictionnaires français du cinéma, très inventifs ou mal informés. Tous ceux qui ont participé au tournage du "Cid" (notamment la française Genevieve Page) peuvent témoigner que Sara Montiel se rendait dès qu'elle le pouvait sur le plateau, le plus amicalement du monde.
Vu He walked by Night (Il marchait dans la Nuit) d'Alfred Werker (et Anthony Mann, non crédité au générique).
Le film s'inscrit dans le genre du "Police Procedural" inauguré la même année par Dassin et "The Naked City", où l'on suit une enquête de police pas à pas dans un style quasi documentaire.
Néanmoins, avec John Alton à la photo, le film adopte un style très Film Noir, où la nuit sert de monde inversé à la Californie ensoleillée (le film se passe à Los Angeles). Lors des séquences nocturnes, la psychée tordue du tueur se projette sur son environnement et lui donne un aspect fantasmagorique, presque irréel... Dans ce théâtre d'ombres aux contours incertains qui baignent dans un noir d'encre, la violence peut faire irruption à chaque instant.
Richard Baseheart, dans le rôle du tueur, impressionne par son jeu qui laisse entrevoir l'idée obsessionnelle et la souffrance qui habitent son personnage, tout en apparaissant entièrement dénué de sentiments. Son visage lisse, régulier, et l'insistance du film à le présenter comme une personne ordinaire, sans casier judiciaire, sans passé traumatisant, font de lui le reflet particulièrement dérangeant de notre propre part d'ombre.
Si plusieurs éléments de ce film précurseur seront réemployés dans des films autrement célébrés, l'inquiétude qui sourd de l'original n'a jamais été égalée. Ici, le monde diurne finit par sembler être une émanation de la nuit, où chaque personne devient suspecte, où chaque pavillon banal peut abriter un assassin, où la simple livraison du lait peut s'avérer angoissante, où c'est la police et la pression qu'elle exerce qui suscitent le crime...
La nature du projet est donc la dualité, mais une dualité mouvante, floue, où l'identité, et donc l'identification, posent problème. On ne saura jamais ce que le tueur avait derrière la tête, qui il était vraiment, mais on reste fasciné à chacune de ces apparitions. De même, on ne saura jamais clairement quel réalisateur était derrière telle scène, tout en se doutant que c'est Anthony Mann qui se cache derrière ces plans où nous plongeons avec une inquiétude délicieuse.
Pour ce qui est du DVD, la copie est propre, bien contrastée, les noirs d'encre mettent en valeur la photograhie signée John Alton, et aucune mouvance n'est à déplorer. En revanche, la définition de l'image est ici ou là légèrement imprécise, mais c'est juste pour pinailler. Le rendu sonore n'a rien de remarquable (un mono d'époque) et les sous-titres sont bien faits. Globalement, c'est un plaisir de découvrir le film dans ces conditions.
Les interviews, même si toujours aussi mal réalisées (qu'ils apprennent à utiliser un camescope!), sont intéressantes, riches en information parfois surprenantes (l'histoire vraie dont est inspirée le film...).
Bach commence à assurer sérieusement.
"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all." Mon top 20
Le DVD Criterion m'a permis de découvrir The Furies dont le titre lui-même évoque bien l'ambiance générale de ce film hybride western, women's picture, film noir et adaptation shakespearienne. La dernière demi-heure est un peu faible (mais dépasse tout de même de très haut le tout venant) parce que trop de conflits doivent être résolus en trop peu de temps. Le reste est simplement magnifique dans les cadrages, la photo N&B quasi experimentale, l'utilisation du paysage, le jeu des acteurs (Stanwyck impériale, Huston prodigieux, Judith Anderson aussi bonne que dans Rebecca, dans un autre genre et la "sorcière" mexicaine, toute droit sortie du théâtre élizabetain) et l'outrance du scénario autour d'un amour incestueux déçu. Séductions, vacheries et vengeances se succèdent en 1h50 de scènes convulsives : le film est parfois déséquilibré mais cela amplifie la thématique torturée. The Furies est un peu le pont qui relie la période film noir de Mann à ses westerns des années 50. Une splendide découverte pour ma part que ce film à nul autre pareil.
Dans le très intéressant entretien que le fille d'Anthony Mann a accordé dans les bonus, elle rappelle que son père a été élevé jusqu'à ses 13 ans dans une secte (elle ne le dit pas mais c'est de cela qu'il s'agit) au début des années 1900 : les enfants étaient séparés des parents, vivaient dans un univers isolé sur les collines californiennes et recevaient leur éducation en allant voir des pièces antiques jouées dans un théâtre antique reconstitué ouvert sur l'infini du ciel. Cela permet de mieux comprendre les thématiques tragiques et les points de vue que Mann a développées dans ses films quand il devint réalisateur.
Bend of the River (Les affameurs) (Anthony Mann, 1952) :
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Enième très bon western d'Anthony Mann, dans la lignée de The naked Spur par exemple, même si je préfère les démons intérieurs de ce dernier. Ce Bend of the river offre encore une confrontation tourmentée, entre deux visions de la vie, entre deux bad guys. Mann parvient à construire un récit haletant, via une tension crescendo encore une fois, formalisant la lutte du bien et du mal tout en manipulant les personnages et les spectateurs, tant les caractères sont flous, ambigus, variables, assez mystérieux en somme pour semer le trouble entre ce bien et ce mal. Et c'est là toute la morale du film, un criminel a-t-il la possibilité de changer dans le regard de la société? Un homme mauvais peut-il devenir bon, être reconnu comme tel. Bref, le pardon existe-t-il? Le couple Stewart/Kennedy est particulièrement efficace pour relever cette incertitude qui tenaille l'intrigue.
Je note avec circonspection que le décor naturel (qui joue un rôle si important dans les autres westerns du maître) ne semble pas être ici considéré comme un personnage à part entière. La nature semble tout aussi indécise. Néanmoins la réalisation est toujours d'aussi haute tenue, le technicolor de Warner est magnifique et certaines scènes de nuit sont particulièrement léchées. Du bon et beau spectacle.
Alligator a écrit :Bend of the River (Les affameurs) (Anthony Mann, 1952) :
Néanmoins la réalisation est toujours d'aussi haute tenue, le technicolor de Warner est magnifique et certaines scènes de nuit sont particulièrement léchées. Du bon et beau spectacle.
Oui ! En parlant de "scènes de nuit", j'ai été particulièrement sensible à celle où les personnages de Stewart et Kennedy rampent vers la forêt pour tuer les Indiens.
Comme j'ai découvert trois westerns d'Anthony Mann cet été, mes préférences iraient en premier à The man from Laramie, suivi de The far country, et enfin Bend of the river. Pour moi c'est un très bon film, mais sans savoir pourquoi, je l'ai moins apprécié que les deux autres. Et je n'ai pas encore vu The naked spur, L'homme de l'Ouest...
Dernière modification par Sybille le 12 sept. 10, 18:19, modifié 1 fois.