Ah, je suis ravi de lire ta critique Jeremy (je l'avais déjà lu sur le site lui-même il y a quelques années) ! Mille bravos en tout cas, tu fais décidément très bien passer tes ressentis, c'est vraiment agréable à lire, une fois de plus. En effet, cet
Escadron noir est tout ce qu'il y a de plus divertissant. A côté des chefs-d'œuvre de Walsh, celui-ci ne tient pas la distance, mais la qualité est bien là, et Republic parvient enfin à sortir un film des sentiers battus, tout en conservant son créneau habituel (l'inventivité, le budget et les talents en plus).
Il faut dire que leur catalogue n'est guère enthousiasmant pour le cinéphile un peu trop pointilleux, mis à part quelques films budgétairements plus importants, tels que
Three faces west,
Alertes aux marines, ou encore
La ruée sanglante, d'honnêtes films populaires, sans plus. On peut toutefois leur accorder le crédit de films ambitieux et désormais devenus des classiques indéboulonables du cinéma hollywoodien :
L'homme tranquille,
Johnny Guitar,
Rio Grande,
Le réveil de la sorcière rouge, ou dans une moindre mesure
L'ange et le mauvais garçon (petit bijou largement oublié aujourd'hui, mais qui commence à retrouver un peu d'aura). En bref, quelques grands films, quelques films populaires importants qui avaient bien marché à leur sortie, et surtout une grande quantité de séries B d'honnêtes factures. John Wayne était la star privilégiée du studio : en effet, lors de sa fin de contrat chez Monogram en 1935, il accepta de tourner sous contrat avec Republic Pictures, qui n'était qu'un conglomérat de petites firmes de production (dont la Monogram), mis en chantier afin de concurrencer les Majors, en faisant ainsi cause commune et en bénéficiant dès lors de plus gros budgets. Quand Wayne est définitivement parti de la Republic, après moult mécontentements (dont un projet
Alamo très personnel, que personne, et surtout pas Republic, ne voulait lui octroyer), mais aussi après un dernier film très onéreux qui a obtenu un très gros succès en salles (
L'homme tranquille), la firme a très vite chuté, pour ensuite disparaitre des cinémas. Pour l'anecdote, John Ford avait très envie depuis un moment de faire
L'homme tranquille, mais personne ne voulait financer un film que l'on jugeait alors peu fiable en termes de recettes (surtout que Ford était autant connu pour ses triomphes commerciaux que pour ses échecs). C'est alors que Wayne a "obligé" Republic à financer le projet, faisant pression sur le studio, arguant qu'il avait suffisamment rapporté d'argent à cette société pour que l'on puisse accepter cette requête de sa part. C'est comme cela que le film vit le jour, et inutile de préciser que Republic ne l'a pas regretté.
Curieusement, quand on regarde un film de cette société de production, c'est toujours l'aspect un peu suranné qui prédomine. Par exemple, comparé à n'importe quel western Warner, MGM, Fox, Paramount, Universal, ou même RKO (plus modernes, plus importants, indéniablement plus puissants), de l'époque,
L'ange et le mauvais garçon possède cette patte un peu "passée", d'un autre temps. La trogne des acteurs, le grain de l'image, la façon de filmer (concrétisée la plupart du temps par les artisans de la maison), le rythme global, et les pures idées de série B (Wayne éteignant les lampes à toute vitesse et s'asseyant sur un siège, dans l'ombre, un revolver non chargé dans la main, bluffant devant ses mortels ennemis)... Même dans
Tykoon, en dépit de son très important budget, on peut voir les transparences, les décors de studios ou encore les maquettes utilisées, que l'on voyait en général bien moins dans les films produits collatéralement par des firmes prestigieuses. Cela ne veut pas dire que les films sont mauvais, bien sûr que non, d'autant que j'adore certains d'entre eux, louant leurs qualités artistiques, surtout pour les films de Ford, mais simplement que la firme, même en utilisant des budgets ambitieux, laissait légèrement passer son identité première : celle d'une association de petites maisons de production qui fonctionnaient avec les moyens du bord. Curieux, charmant et sincère.
Enfin, à noter qu'en France, on ne doit la sortie en DVD de
L'escadron noir qu'aux éditions Atlas en 2002, qui nous ont proposé une jolie copie, propre, relativement contrastée, évidemment nantie de sous-titres français, mais néanmoins aujourd'hui épuisée. Dans la même collection, ils nous ont également offert d'autres titres tout aussi difficiles à trouver aujourd'hui :
La ruée sanglante (très jolie copie),
Sacramento (idem),
La belle de San Francisco (copie correcte, mais extrêmement granuleuse, trop d'ailleurs) et
Le bagarreur du Kentucky (dans une ignoble colorisation, mais convertible en noir & blanc sur une TV, grâce à la télécommande, pour une copie au final assez propre). Jadis, Montparnasse avait pour sa part sorti plusieurs films Republic, encore une fois épuisés actuellement, et bien souvent proposés à des prix scandaleux sur le Net :
L'homme tranquille (copie honnête et joliment saturée, mais le film mériterait bien mieux),
Le réveil de la sorcière rouge (jolie copie aux tons noir & blanc très soignés), et
Alerte aux marines (bonne copie). Sachant cela, je peux vous dire que j'ai jalousement gardé ces DVD toutes ces années, en en prenant grand soin.
Navré pour cette digression, mais je n'ai pas pu résisté à l'envie de le faire. Jeremy, j'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir un peu pollué ton topic.
