Deux films de
Yoichi Higashi découvert la même semaine ; le premier à la cinémathèque et le second à la MCJP
Japonais gentils (1971) découvert à la cinémathèque
Ca a le gout, l'odeur et l'apparence d'une production ATG et pourtant ça n'en n'est pas une !
On retrouve pourtant une démarche proche du documentaire (le cinéaste en vient), un noir et blanc granuleux, des références culturelles et politique en pagaille, des ruptures de tons, de style, de genre et plein d'autres choses avant-gardistes voire expérimentales.
Pourtant contrairement à beaucoup de films ATG, celui-ci m'a beaucoup plu pour une raison simple : le film ne se prend pas forcément au sérieux et il a du rythme. La où par exemple
Elle et lui de Hani devenait un calvaire avec ses scénettes qui s'éternisaient sans fin,
Japonais gentils possèdent un multitude de séquences mais qui n'excèdent pas 2-3 minutes. De plus certains moment présentent un sens de l'humour absurde et surréaliste (l'ouverture avec le combat entre policiers, les deux camionneurs qui ont un accident et d'autres moments que j'ai malheureusement oublié mais qui font régulièrement rire). Et il y a même des moments auto-parodique comme un second rôle qui ne sait parler qu'en citant des écrivains ou un passage au milieu du film où des spectateurs sortant du film (
japonais gentils donc

) sont interviewés et évoquent comme quelque chose de trop bavard et pas assez narratif. Je crois même que l'un d'eux parle dans les toilettes
Le film n'est cependant par qu'une farce... la tonalité est même plutôt mélancolique et existentialiste avec un héros qui se remet en questions après son agression par des forces de l'ordre. Il s'interroge autant sur ses amis que le sexe, son travail ou la politique... Ce n'est pas raconté de façon aussi clairement mais les de scènes s’enchaînent bien sans que la nature abstraite du propos dérangent vraiment. Seul les conversations politique tourne en rond un peu à la fin de la première moitié.
La mise en scène est en tout cas très inspirée, bourrée d'idées de cadrage, de montage ou d'utilisation du noir et blanc. Les scènes érotiques sont à ce titre très belles en parvenant à vraiment capter le désir et la sensualité. Enfin le thème musical (un chanson mélancolique) est déclinée dans différents arrangement tous plus émouvants les uns que les autres.
Pas toujours saisissable ou compréhensible, c'est en tout cas un film d'auteur frais, original, drôle, décalé, inventif et surtout particulièrement ludique. Une bouffée d'air frais au milieu de beaucoup d'autres productions prétentieuses, froides et théoriques de la même période
Un joueur de base-ball nommé third (1978)
Pour le coup, c'est bel et bien une production ATG et c'est un excellent cru.
Beaucoup plus narratif que le précédent, c'est un film atypique, étonnant et imprévisible. On retrouve la encore l'origine documentaliste de Higashi avec cette histoire qui se déroule dans un centre de redressement et qui est filmé dans un vrai établissement avec de vrais délinquants.
Alors que la première partie laisse croire que le film décrira le quotidien entre les murs (la relation entre les psys et les co-detenus, activités, le sport, cantine, visite etc...), le film se lance dans un long flash-back qui occupe près de la moitié de la durée où l'on découvre ce qui a conduit le dénommé Third en redressement. Le film devient alors la radiographie d'une génération sans trop de repère, qui a bien des espoirs mais qui ne sait pas comment les atteindre et se livre donc à la prostitution de manière désœuvrée sans la moindre prise de conscience. Le dernier tiers revient donc derrière les prisons pour une conclusion qui évoque la nécessité de devoir abandonner ses illusions pour accepter la réalité et en faire une amie... et ainsi parvenir à une certaine maturité ou plutôt une sérénité.
Le scénario de Shuji Terayama est très audacieux, très riche, très complexe et ambitieux. Loin de se perdre, de tomber dans le ridicule ou le film à thèse, il est d'une grande force, d'une immense fluidité et parvient à donner un sentiment difficilement descriptible entre le spleen, la gravité et la mélancolie. Terayama n'est bien-sûr pas le seul derrière la réussite du film car la mise de scène de Higashi est également d'une grande qualité à la fois plus classique que
japonais gentils mais qui parvient à synthétiser toutes les informations du script pour une réalisation limpide et inspirée. Que ce soit les quelques moments de base-ball (avec ralentis et travellings très graphiques au ras du sol suivant les
runs), les scènes érotiques parmi les plus belles (par leur simplicité crue) du cinéma japonais, les moments plus poétiques (les fantasmes des détenus sur les hôtesses) ou l'approche documentaire, Higashi livre un excellent travail, prenant, imaginatif et sincère.
C'est vraiment l'un des films les plus entêtant de ce cycle pour des raisons vraiment difficile à définir mais le film s'impose et s'insinue comme une évidence. Il me tarde de pouvoir le revoir.
Et puis magnifique et magnétique interprétation de Toshiyuki Nagashima dans le rôle titre.