Hansan : La Bataille du dragon (2022) de Kim Han-min est diffusé sur la chaîne belge BeTV.
2 questions :
1) Que vaut le film qualitativement parlant ?
2) J'ai lu qu'il s'agissait de la suite de L'Amiral (2014) du même réalisateur. Hansan : La Bataille du dragon peut-il être regardé/compris sans avoir vu ce premier épisode ?
Merci d'avance.
Cinéma Coréen contemporain
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
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Re: Cinéma Coréen contemporain
Premier retour sur le FFCP 2024 (globalement un bon cru pour ma part) :
FAQ (Park Na-eum - 2023)
Elève en école primaire, la petite Dong-chun doit suivre un rythme intense imposé par ses parents qui désirent dès maintenant lui assurer des longues et brillantes études : elle doit suivre ainsi de nombreux cours du soir de manière résignée, sans enthousiasme. Lors d'une sortie, elle ramasse une bouteille de makgeolli (alcool de riz fermenté) qui émet de nombreuses bulles. Dong-chun est persuadée qu'il s'agit d'une manière de communiquer. Reste à trouver comment décrypter.
Les films imprévisibles et surprenants de bout en bout sont toujours rares alors saluons cette première réalisation aussi atypique que rafraîchissante.
Il de la cocasserie, de la tendresse, du surréalisme et une touche sociale loin d'être négligeable dans ce portrait d'une Corée obsédée par la réussite scolaire : la mère passe sont temps devant des livres comme "Quand envoyer son enfant faire des études à l'étranger" tandis que sa fille de 6-7 ans enchaînent les cours de danses, de langue étrangères (dont le perse !) et même de code morse avec l'espoir que cela servent sa future inscription à l'université. Le pire, c'est que la caricature n'est pas si forcée quand on sait à quel point ce pays est obsédé par la réussite scolaire.
En même temps, la cinéaste dresse aussi un portrait d'une génération d'adultes en burn-out, totalement perdu dans leur rôle de parents, sans aucun repère. Certain comme l'oncle de la fillette a même totalement rejeté la culture d'entreprise et le capitalisme effréné. Les personnages plus âgés sont certes en retrait du récit mais il y a de beaux moments où leurs convictions vacillent et que leur désarroi pointent, tant pour ces parents que pour l'oncle qui prend conscience de l'éloignement qu'il a pris avec sa propre mère.
Mais dans l'ensemble, l'histoire est vraiment racontée du point de vue de la jeune héroïne et les événements sont montrés et perçus à regard d'enfants avec ce que ça implique de candeur, d'absence de compréhension ou de remise en question tout en suivant sa logique propre. A ce titre, Park Na-eum ne donne aucune explication quant au pourquoi de cet improbable postulat. Ca pourrait être aussi une des limites du projet puisque le film ne sort pas vraiment de ce simple concept qui demeure quoiqu'il en soit très agréable et ludique à suivre.
Plus problématique est la conclusion pour le moins surréaliste et fantastique dont on a du mal à comprendre la finalité ou le sens.
Malgré ses quelques réserves, cette jeune réalisatrice est clairement un talent à suivre et cela donne envie de découvrir la série "A killer paradox" sur Netflix qu'elle a co-écrit.
Citizen of a kind (Park Young-ju - 2024)
Une modeste mère célibataire, employée d'une grande laverie, est victime d'une escroquerie par téléphone qui l'endette encore plus. Face à l'inaction de la police qui estime l'affaire sans grand intérêt puisque la filière est située en Chine, elle décide fr mener l'enquête seule. Le hasard fait que la personne l'ayant arnaquée est employée de force par une triade qui le maintient prisonnier et qu'il est bien décidé à s'échapper.
Inspirée par une histoire vraie datant de 2016, cette production est devenue un petit succès surprise locale qui me fait doublement plaisir. Tout d'abord, il s'agit de la seconde réalisation de la cinéaste de Second life qui faisait partie de mes coups de cœur du FFCP en 2019 (au point qu'on va le sortir avec Badlands en blu-ray l'an prochain
) et deuxièmement le film est excellent ! Le dosage entre drame, touche de social, thriller violent, comédie et policier est particulièrement habile et fluide. De plus, Park young-ju semble très à l'aise dans les différents registres avec un réel sens du timing, des ruptures de tons ou des différents styles visuels, Évidemment, il y a régulièrement des conventions qui prennent le pas - comme la gestion du temps, des événements parallèles et des péripéties forcées dans les séquences à suspens - ou des personnages un peu trop haut en couleurs ou caractérisés (le flic ; les copines de l'héroïne) mais il faut reconnaître que tout cela confère à l'ensemble une dimension "Feel good movie" irrésistible.
Avec ses formules et son mélange des genres, sous l'égérie d'un gros studio de surcroît, on aurait pu croire que la cinéaste allait accoucher d'un produit formaté et impersonnel, heureusement on retrouve les qualités narratives de son premier film avec un sens des ellipses, de la concision, d'un ancrage social subtil, sans oublier des personnages féminins qui sortent des sentiers battus. La grande réussite du film tient aussi, et surtout, à son héroïne (et ses comparses), que la cinéaste ne cherche pas à glamouriser et qui reste une quinqua avec le physique de son âge, génialement campée par Ra Mi-ran tour à tour poignante, touchante, déterminée et irrévérencieuse qui en font une bad-ass aussi forte qu'anti-conformiste.
Le film enchaîne les péripéties, sans temps mort, tout en rendant réaliste en une poignée de courtes scènes le parcours de cette mère de famille désespérée et dépassée par la situation. L'air de rien le film aborde un certain nombre de sujets sociétaux, notamment le statut des victimes qu'on rend responsable de leur sort. Dans le dernier acte, on a presque envie d'y voir une parabole sur MeToo quand l'héroïne cherche d'abord à clamer que ce n'est pas à elle d'avoir honte. Il y a chez elle une recherche de reconstruction très émouvante face à son "bourreau".
Le film a sans trop de surprise rafler un prix du public bien mérité lors de cette 19ème édition du FFCP.
Concerning my daughter (Lee Mi-rang - 2023)
Une aide-soignante quinquagénaire en Ephad ne supporte pas de voir sa patiente principale être de plus en plus délaissée par ses proches et son institution à cause de l'évolution de sa malade d'Alzheimer. En même temps, sa fille d'une vingtaine d'années revient vivre chez elle... avec sa compagne. Une relation qui la met profondément mal à l'aise.
Le genre de films que j'aurais aimé adoré mais qui m'a presque agacé tant le dévouement de l'héroïne envers sa patiente m'a paru exagérée, comme s'il s'agissait de la première fois qu'elle était face à cette maladie dégénérative et qu'elle travaillait en Ephad depuis 15 jours. Sa naïveté - son aveuglement presque - face au fonctionnement de son établissement, aux partages des tâches, aux contraintes économiques et budgétaires ou à la prise de distances des tuteurs m'a semblé trop artificiel, trop fabriqué ou trop maladroit. Peut-être parce que le sujet m'est assez personnel (ma mère a fait un burn-out à force de gérer ma grand-mère atteinte d'Alzheimer pour finalement accepter de la placer en Ehpad)
La deuxième intrigue avec son rejet de l'homosexualité de sa fille m'a paru plus réussi sur le papier avec cette description d'une mentalité bloquée sur une grille de lecture conservatrice et patriarcale. Cela donne plusieurs scènes intéressantes avec sa "belle-fille" même si on sent trop pointer les notes d'intention, comme le parallèle sur sa révolte face à un système hospitalier déshumanisé et sa propre intolérance et incompréhension sur la vie de sa fille. C'est au final essentiellement le tout dernier acte qui fonctionne pour moi. La réalisation est plus sensorielle, vibrante et chaleureuse mais aussi moins linéaire, presque aérienne, avec une caméra soudainement libérée de ses entraves, à l'instar du poids qui engluait la protagoniste. Il faut évidemment préciser que si cette idée de mise en scène est touchante, c'est que le découpage était volontairement rigide, dénué de mouvement et d'élan.
Cette notion de personnages profondément dépassés par les paradoxes nationaux, avec un profond mal-être qui en découle, est quelque chose que j'ai retrouvé dans pas mal de films de cette édition, davantage il me semble que lors des années précédentes.
FAQ (Park Na-eum - 2023)
Elève en école primaire, la petite Dong-chun doit suivre un rythme intense imposé par ses parents qui désirent dès maintenant lui assurer des longues et brillantes études : elle doit suivre ainsi de nombreux cours du soir de manière résignée, sans enthousiasme. Lors d'une sortie, elle ramasse une bouteille de makgeolli (alcool de riz fermenté) qui émet de nombreuses bulles. Dong-chun est persuadée qu'il s'agit d'une manière de communiquer. Reste à trouver comment décrypter.
Les films imprévisibles et surprenants de bout en bout sont toujours rares alors saluons cette première réalisation aussi atypique que rafraîchissante.
Il de la cocasserie, de la tendresse, du surréalisme et une touche sociale loin d'être négligeable dans ce portrait d'une Corée obsédée par la réussite scolaire : la mère passe sont temps devant des livres comme "Quand envoyer son enfant faire des études à l'étranger" tandis que sa fille de 6-7 ans enchaînent les cours de danses, de langue étrangères (dont le perse !) et même de code morse avec l'espoir que cela servent sa future inscription à l'université. Le pire, c'est que la caricature n'est pas si forcée quand on sait à quel point ce pays est obsédé par la réussite scolaire.
En même temps, la cinéaste dresse aussi un portrait d'une génération d'adultes en burn-out, totalement perdu dans leur rôle de parents, sans aucun repère. Certain comme l'oncle de la fillette a même totalement rejeté la culture d'entreprise et le capitalisme effréné. Les personnages plus âgés sont certes en retrait du récit mais il y a de beaux moments où leurs convictions vacillent et que leur désarroi pointent, tant pour ces parents que pour l'oncle qui prend conscience de l'éloignement qu'il a pris avec sa propre mère.
Mais dans l'ensemble, l'histoire est vraiment racontée du point de vue de la jeune héroïne et les événements sont montrés et perçus à regard d'enfants avec ce que ça implique de candeur, d'absence de compréhension ou de remise en question tout en suivant sa logique propre. A ce titre, Park Na-eum ne donne aucune explication quant au pourquoi de cet improbable postulat. Ca pourrait être aussi une des limites du projet puisque le film ne sort pas vraiment de ce simple concept qui demeure quoiqu'il en soit très agréable et ludique à suivre.
Plus problématique est la conclusion pour le moins surréaliste et fantastique dont on a du mal à comprendre la finalité ou le sens.
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Malgré ses quelques réserves, cette jeune réalisatrice est clairement un talent à suivre et cela donne envie de découvrir la série "A killer paradox" sur Netflix qu'elle a co-écrit.
Citizen of a kind (Park Young-ju - 2024)
Une modeste mère célibataire, employée d'une grande laverie, est victime d'une escroquerie par téléphone qui l'endette encore plus. Face à l'inaction de la police qui estime l'affaire sans grand intérêt puisque la filière est située en Chine, elle décide fr mener l'enquête seule. Le hasard fait que la personne l'ayant arnaquée est employée de force par une triade qui le maintient prisonnier et qu'il est bien décidé à s'échapper.
Inspirée par une histoire vraie datant de 2016, cette production est devenue un petit succès surprise locale qui me fait doublement plaisir. Tout d'abord, il s'agit de la seconde réalisation de la cinéaste de Second life qui faisait partie de mes coups de cœur du FFCP en 2019 (au point qu'on va le sortir avec Badlands en blu-ray l'an prochain

Avec ses formules et son mélange des genres, sous l'égérie d'un gros studio de surcroît, on aurait pu croire que la cinéaste allait accoucher d'un produit formaté et impersonnel, heureusement on retrouve les qualités narratives de son premier film avec un sens des ellipses, de la concision, d'un ancrage social subtil, sans oublier des personnages féminins qui sortent des sentiers battus. La grande réussite du film tient aussi, et surtout, à son héroïne (et ses comparses), que la cinéaste ne cherche pas à glamouriser et qui reste une quinqua avec le physique de son âge, génialement campée par Ra Mi-ran tour à tour poignante, touchante, déterminée et irrévérencieuse qui en font une bad-ass aussi forte qu'anti-conformiste.
Le film enchaîne les péripéties, sans temps mort, tout en rendant réaliste en une poignée de courtes scènes le parcours de cette mère de famille désespérée et dépassée par la situation. L'air de rien le film aborde un certain nombre de sujets sociétaux, notamment le statut des victimes qu'on rend responsable de leur sort. Dans le dernier acte, on a presque envie d'y voir une parabole sur MeToo quand l'héroïne cherche d'abord à clamer que ce n'est pas à elle d'avoir honte. Il y a chez elle une recherche de reconstruction très émouvante face à son "bourreau".
Le film a sans trop de surprise rafler un prix du public bien mérité lors de cette 19ème édition du FFCP.
Concerning my daughter (Lee Mi-rang - 2023)
Une aide-soignante quinquagénaire en Ephad ne supporte pas de voir sa patiente principale être de plus en plus délaissée par ses proches et son institution à cause de l'évolution de sa malade d'Alzheimer. En même temps, sa fille d'une vingtaine d'années revient vivre chez elle... avec sa compagne. Une relation qui la met profondément mal à l'aise.
Le genre de films que j'aurais aimé adoré mais qui m'a presque agacé tant le dévouement de l'héroïne envers sa patiente m'a paru exagérée, comme s'il s'agissait de la première fois qu'elle était face à cette maladie dégénérative et qu'elle travaillait en Ephad depuis 15 jours. Sa naïveté - son aveuglement presque - face au fonctionnement de son établissement, aux partages des tâches, aux contraintes économiques et budgétaires ou à la prise de distances des tuteurs m'a semblé trop artificiel, trop fabriqué ou trop maladroit. Peut-être parce que le sujet m'est assez personnel (ma mère a fait un burn-out à force de gérer ma grand-mère atteinte d'Alzheimer pour finalement accepter de la placer en Ehpad)
La deuxième intrigue avec son rejet de l'homosexualité de sa fille m'a paru plus réussi sur le papier avec cette description d'une mentalité bloquée sur une grille de lecture conservatrice et patriarcale. Cela donne plusieurs scènes intéressantes avec sa "belle-fille" même si on sent trop pointer les notes d'intention, comme le parallèle sur sa révolte face à un système hospitalier déshumanisé et sa propre intolérance et incompréhension sur la vie de sa fille. C'est au final essentiellement le tout dernier acte qui fonctionne pour moi. La réalisation est plus sensorielle, vibrante et chaleureuse mais aussi moins linéaire, presque aérienne, avec une caméra soudainement libérée de ses entraves, à l'instar du poids qui engluait la protagoniste. Il faut évidemment préciser que si cette idée de mise en scène est touchante, c'est que le découpage était volontairement rigide, dénué de mouvement et d'élan.
Cette notion de personnages profondément dépassés par les paradoxes nationaux, avec un profond mal-être qui en découle, est quelque chose que j'ai retrouvé dans pas mal de films de cette édition, davantage il me semble que lors des années précédentes.
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Re: Cinéma Coréen contemporain
Suite du FFCP 2024
Escape (Lee Jong-pil - 2024)
Un soldat nord-coréen en poste près de la frontière planifie une désertion vers le sud depuis plusieurs semaines. A quelques jours de sa tentative de fuite, les événements s'accumulent pour entraver ses projets, à commencer par les retrouvailles avec un ami d'enfance devenu un officier implacable.
Je vais pas m'attarder : j'ai trouver ce blockbuster profondément médiocre et rapidement agaçant malgré une ouverture qui ne manque pas de potentiel et de tension avec les préparatifs nocturnes du soldat dans un montage dynamique et une économie de dialogues. La suite traîne terriblement en longueur entre sous-intrigues 1000 vues (le comparse plus fragile qui cherche à le suivre dans son évasion ou les multiples contre-temps pour du suspens très artificiel) voire totalement incompréhensible à l'image des rebelles vivant dans la contrebande qui ne sert strictement à rien, si ce n'est une péripétie bâclée au possible. Un ensemble vraiment frustrant et mal construit. Seul le personnage de l'ami officier apporte une certaine plus value avec une homosexualité qui le contraint à vivre perpétuellement dans le mensonge. On sent chez lui une mélancolie et une certaine folie due à son tiraillement entre ses origines, son rang et ses responsabilités et de l'autre une mépris farouche pour l'hypocrisie des hauts gradés et sa frustration de vivre librement. Un refoulement (sexuelle et politique) qui crée une tension évidente dès qu'il apparait à l'image même si là encore, le dernier acte et son manque de subtilité ne crée qu'un pétard mouillé et superficielle.
Globalement, le film a été mieux reçu par les autres spectateurs qui ont trouvé ça divertissant et rythmé.
Mimang(Kim Taeyang - 2023)
Alors qu'il se dirige à un cours de dessin dans le quartier de Jongmo, un homme croise son ancienne maîtresse qu'il n'a pas revu depuis plusieurs années. S'en suit une déambulation dans leur ancien quartier où les souvenirs refont surface.
Voici la "Hong Song-soonade" de cette édition 2024 (ou dernier représentant de l' HHSxploitation) et confirmation : années après années, les descendants sont beaucoup plus passionnants et touchants que l'original.
Cela dit l'influence de la trilogie Before de Richard Linklater n'est évidement pas à négliger.
Le début m'avait tout de même un brin inquiété avec ces retrouvailles entre anciens amoureux pour une déambulation aux dialogues plus anodins qu'intimistes entre artistes et conférencière en cinéma, capté dans une réalisation minimaliste : succession de plans filmés depuis une caméra sur pied (planté au milieu du trafic) qui capte en lent dézoom les 2 personnages progresser sur les trottoirs, un peu comme si cela était filmé en caméra cachée.
Le dispositif se répète immédiatement - toujours dans la lignée de HHS - avec un jeu de répétitions et variations puisque l'homme est bientôt rejoint par sa fiancée où tous deux abordent les mêmes anecdotes dans les mêmes décors. Quelques signes pourtant relève le niveau : la photographie, la volonté de tourner en pleine agglomération avec une manière de capter le pouls de la ville (sa circulation, son flux de piéton, ses ruelles perpendiculaires aux grosses artères où le temps semble au contraire figé) et des idées simples mais troublantes avec les personnages dépassant un grand miroir qui va permettre au cinéaste de continuer à les filmer sans changer d'axe ni panoter.
Le deuxième acte confirme lentement mais surement ces qualités avec les interrogations sur la mutations des villes (via un extrait d'un film des années 40 dont la conclusion est justement perdue) et les réminiscences sentimentales qui en découlent. C'est quand l'héroïne, quittant une soirée, est abordée par une connaissance masculine cherchant à sonder sa vie sentimentale que Mimang déploie pleinement sa sensibilité, sa fascination et sa délicatesse. Le jeu de séduction et une certaine nonchalance cache des fêlures, des douleurs, des non-dits ou des faux semblants tour à tour amusants, fragiles, tendres et profondément émouvants lorsque l'héroïne se retrouve seule à l'issue de cette promenade nocturne. Un certain état de grâce.
Le troisième et dernier acte est un brin inférieur mais possède globalement la même sensibilité. Cette fois, les 2 intervenants (et un autre ami) se réunissent lors de funérailles d'une de leur amie avant de rentrer tous ensemble sur Séoul pour retourner dans un petit café de leur adolescence. On retrouve la même appréhension de l'environnement pour approfondir les relations humaines, la même capacité à faire durer les plans sans artificialité ni posture qu'il s'agisse de la longue virée en voiture ou des retrouvailles dans le café. C'est toujours difficile à décrire mais le cinéaste et les comédiens captent un sentiment de vérité, d'évidence et d'universelle tout en restant dans la simplicité, la modestie et la pudeur voire la banalité. Une des raisons provient du choix audacieux d'avoir tourné le film sur plusieurs années (6 ans je crois) et ça sent sur le visage des acteurs qui ont pris entre-temps le poids des années. Sans rien vraiment dire, il y a un sentiment d'une profonde mélancolie, de vulnérabilité sur le temps qui passe, les rendez-vous manqués, les aléas de la vie. Pourtant aucun regret ni remords ou apitoiement dans les conversations, mais une acceptation des événements de la vie tel qu'ils se présentent. C'est pourquoi la partie au temple bouddhique pour les funérailles a son importance alors qu'elle paraissait hors-sujet dans son dispositif au début.
Le genre de petit film qui laisse de grandes traces, des souvenirs à la fois flou et précis, comme de l'impressionnisme (à l'instar des échanges autour de la statue du général Yi dont on oublie certains détails même si on passe devant tous les jours).
Work to do (Park Hong-jun - 2023)
Un jeune homme travaillant dans une entreprise de chantier naval est transféré au département des ressources humaines. Rapidement un plan social semble inéluctable dans un secteur en crise et ses compétences informatiques donnent un algorithme qui sert de base à la restructuration à venir.
Encore un premier film plutôt prometteur avec ce drame social qui prend le parti de se dérouler quasi entièrement du point de vue des RH. N'ayant toujours pas vu le Laurent Cantet, je n'ai pas trop de points de comparaison mais les qualités d'écriture (inspiré d'expériences personnelles pour le réalisateur) sont évidentes en évitant de tomber dans le tract militant ou la dénonciation facile. Si le film décrit certains mécanismes et tractations en coulisses (en pesant sur les élections syndicales ou des calculs pour ménager certains employés et ainsi éviter des mouvements sociaux), le film évite tout manichéisme ou moralisme. Les patrons n'ont rien de cynique, les DRH ne sont pas des êtres froids, les actionnaires savent faire marche arrière, de nombreux employés comprennent la situation et acceptent les départs volontaires... En même temps, pour tous la situation est un déchirement et les bonnes volontés se révèlent de plus en plus dur à accepter et affectent la santé mentale de l'ensemble du service. Le film possède cette tension lancinante du début à la fin, utilisant logiquement beaucoup de pièces fermées, servi avec un beau casting d'ensemble tout en justesse, et une réalisation à hauteur d'hommes dénuée d'effet de style, au point qu'on puisse trouver cette absence de style assez plan-plan. Personnellement, çà ne m'a pas dérangé car il est vrai que l'intérêt réside ailleurs.
Plus qu'un cri ou une colère, le film décrit une prise de conscience collective où la culpabilité grandit fur et à mesure que l'ampleur du plan social se précise et que les responsabilités qui en découlent deviennent de plus en plus étouffantes.
Escape (Lee Jong-pil - 2024)
Un soldat nord-coréen en poste près de la frontière planifie une désertion vers le sud depuis plusieurs semaines. A quelques jours de sa tentative de fuite, les événements s'accumulent pour entraver ses projets, à commencer par les retrouvailles avec un ami d'enfance devenu un officier implacable.
Je vais pas m'attarder : j'ai trouver ce blockbuster profondément médiocre et rapidement agaçant malgré une ouverture qui ne manque pas de potentiel et de tension avec les préparatifs nocturnes du soldat dans un montage dynamique et une économie de dialogues. La suite traîne terriblement en longueur entre sous-intrigues 1000 vues (le comparse plus fragile qui cherche à le suivre dans son évasion ou les multiples contre-temps pour du suspens très artificiel) voire totalement incompréhensible à l'image des rebelles vivant dans la contrebande qui ne sert strictement à rien, si ce n'est une péripétie bâclée au possible. Un ensemble vraiment frustrant et mal construit. Seul le personnage de l'ami officier apporte une certaine plus value avec une homosexualité qui le contraint à vivre perpétuellement dans le mensonge. On sent chez lui une mélancolie et une certaine folie due à son tiraillement entre ses origines, son rang et ses responsabilités et de l'autre une mépris farouche pour l'hypocrisie des hauts gradés et sa frustration de vivre librement. Un refoulement (sexuelle et politique) qui crée une tension évidente dès qu'il apparait à l'image même si là encore, le dernier acte et son manque de subtilité ne crée qu'un pétard mouillé et superficielle.
Globalement, le film a été mieux reçu par les autres spectateurs qui ont trouvé ça divertissant et rythmé.
Mimang(Kim Taeyang - 2023)
Alors qu'il se dirige à un cours de dessin dans le quartier de Jongmo, un homme croise son ancienne maîtresse qu'il n'a pas revu depuis plusieurs années. S'en suit une déambulation dans leur ancien quartier où les souvenirs refont surface.
Voici la "Hong Song-soonade" de cette édition 2024 (ou dernier représentant de l' HHSxploitation) et confirmation : années après années, les descendants sont beaucoup plus passionnants et touchants que l'original.

Cela dit l'influence de la trilogie Before de Richard Linklater n'est évidement pas à négliger.
Le début m'avait tout de même un brin inquiété avec ces retrouvailles entre anciens amoureux pour une déambulation aux dialogues plus anodins qu'intimistes entre artistes et conférencière en cinéma, capté dans une réalisation minimaliste : succession de plans filmés depuis une caméra sur pied (planté au milieu du trafic) qui capte en lent dézoom les 2 personnages progresser sur les trottoirs, un peu comme si cela était filmé en caméra cachée.
Le dispositif se répète immédiatement - toujours dans la lignée de HHS - avec un jeu de répétitions et variations puisque l'homme est bientôt rejoint par sa fiancée où tous deux abordent les mêmes anecdotes dans les mêmes décors. Quelques signes pourtant relève le niveau : la photographie, la volonté de tourner en pleine agglomération avec une manière de capter le pouls de la ville (sa circulation, son flux de piéton, ses ruelles perpendiculaires aux grosses artères où le temps semble au contraire figé) et des idées simples mais troublantes avec les personnages dépassant un grand miroir qui va permettre au cinéaste de continuer à les filmer sans changer d'axe ni panoter.
Le deuxième acte confirme lentement mais surement ces qualités avec les interrogations sur la mutations des villes (via un extrait d'un film des années 40 dont la conclusion est justement perdue) et les réminiscences sentimentales qui en découlent. C'est quand l'héroïne, quittant une soirée, est abordée par une connaissance masculine cherchant à sonder sa vie sentimentale que Mimang déploie pleinement sa sensibilité, sa fascination et sa délicatesse. Le jeu de séduction et une certaine nonchalance cache des fêlures, des douleurs, des non-dits ou des faux semblants tour à tour amusants, fragiles, tendres et profondément émouvants lorsque l'héroïne se retrouve seule à l'issue de cette promenade nocturne. Un certain état de grâce.
Le troisième et dernier acte est un brin inférieur mais possède globalement la même sensibilité. Cette fois, les 2 intervenants (et un autre ami) se réunissent lors de funérailles d'une de leur amie avant de rentrer tous ensemble sur Séoul pour retourner dans un petit café de leur adolescence. On retrouve la même appréhension de l'environnement pour approfondir les relations humaines, la même capacité à faire durer les plans sans artificialité ni posture qu'il s'agisse de la longue virée en voiture ou des retrouvailles dans le café. C'est toujours difficile à décrire mais le cinéaste et les comédiens captent un sentiment de vérité, d'évidence et d'universelle tout en restant dans la simplicité, la modestie et la pudeur voire la banalité. Une des raisons provient du choix audacieux d'avoir tourné le film sur plusieurs années (6 ans je crois) et ça sent sur le visage des acteurs qui ont pris entre-temps le poids des années. Sans rien vraiment dire, il y a un sentiment d'une profonde mélancolie, de vulnérabilité sur le temps qui passe, les rendez-vous manqués, les aléas de la vie. Pourtant aucun regret ni remords ou apitoiement dans les conversations, mais une acceptation des événements de la vie tel qu'ils se présentent. C'est pourquoi la partie au temple bouddhique pour les funérailles a son importance alors qu'elle paraissait hors-sujet dans son dispositif au début.
Le genre de petit film qui laisse de grandes traces, des souvenirs à la fois flou et précis, comme de l'impressionnisme (à l'instar des échanges autour de la statue du général Yi dont on oublie certains détails même si on passe devant tous les jours).
Work to do (Park Hong-jun - 2023)
Un jeune homme travaillant dans une entreprise de chantier naval est transféré au département des ressources humaines. Rapidement un plan social semble inéluctable dans un secteur en crise et ses compétences informatiques donnent un algorithme qui sert de base à la restructuration à venir.
Encore un premier film plutôt prometteur avec ce drame social qui prend le parti de se dérouler quasi entièrement du point de vue des RH. N'ayant toujours pas vu le Laurent Cantet, je n'ai pas trop de points de comparaison mais les qualités d'écriture (inspiré d'expériences personnelles pour le réalisateur) sont évidentes en évitant de tomber dans le tract militant ou la dénonciation facile. Si le film décrit certains mécanismes et tractations en coulisses (en pesant sur les élections syndicales ou des calculs pour ménager certains employés et ainsi éviter des mouvements sociaux), le film évite tout manichéisme ou moralisme. Les patrons n'ont rien de cynique, les DRH ne sont pas des êtres froids, les actionnaires savent faire marche arrière, de nombreux employés comprennent la situation et acceptent les départs volontaires... En même temps, pour tous la situation est un déchirement et les bonnes volontés se révèlent de plus en plus dur à accepter et affectent la santé mentale de l'ensemble du service. Le film possède cette tension lancinante du début à la fin, utilisant logiquement beaucoup de pièces fermées, servi avec un beau casting d'ensemble tout en justesse, et une réalisation à hauteur d'hommes dénuée d'effet de style, au point qu'on puisse trouver cette absence de style assez plan-plan. Personnellement, çà ne m'a pas dérangé car il est vrai que l'intérêt réside ailleurs.
Plus qu'un cri ou une colère, le film décrit une prise de conscience collective où la culpabilité grandit fur et à mesure que l'ampleur du plan social se précise et que les responsabilités qui en découlent deviennent de plus en plus étouffantes.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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Re: Cinéma Coréen contemporain
Toujours au FFCP
It's okay (Lee Re - 2023)
In-young est une adolescente apprenant la danse traditionnelle dans une école aussi prestigieuse que stricte. Après la mort accidentelle de sa mère, elle tente de se débrouiller seule dans un quotidien rythmé par la rivalité avec certaines de ses "camarades" de classe et le risque de se retrouver à la rue ou être sous la tutelle des services sociaux.
Pétri de formules prévisibles, véritable rouleau compresseur de bons sentiments qui dégoulinent pour une succession de scènes qui envoient des coups de coudes perpétuellement pour te rappeler à quel point on est devant un "Feel good movie", It's okay est une sorte d'aberration... une aberration parce que ça marche. Et pas qu'un peu ! C'est un raz de marée irrésistible du début à la fin. La jeune actrice est sensationnelle et les émotions délivrées sont hautement communicatives.
Cette "aberration" vient du fait que le film fonctionne sur des poncifs éculés (le duo avec la prof austère qui va finir s'ouvrir ; la relation avec sa principale rivale ; les seconds rôles masculins) pour mieux les embrasser dans un élan aussi spontané que sincère. La force du récit, certes artificiel, est de refuser de s'attarder sur la détresse de l'héroïne : malgré les terribles épreuves qui s'abattent sur elle, In-young conserve une fraîcheur de tous les moments. On peut supposer que c'est à la fois pour se préserver et une manière de rassurer sa mère défunte qui reste omniprésente dans son cœur (un peu car culpabilité car leur dernière conversation fut houleuse). C'est un parti pris très scénarisé qui dicte la logique de presque toutes les scènes (trop pourrait-on dire et pas franchement crédible) mais ça en fait tout son charme.
Ainsi si les conventions sont légions, leur déroulements détournent les clichés et les attentes comme la relation amoureuse avec son ami d'enfance, la rivalité entre élève ou les séances d'entraînement. En évitant de s'appesantir sur la dimension purement dramatique, la cinéaste donne libre court à une énergie d'une rare effervescence. Alors bien sûr, on sait que cette bonne humeur est aussi une façade qui se doit de craquer de temps en temps. Pour autant même dans ces rares moments, l'émotion n'est jamais lourde, elle possède au contraire toujours des touches légères qui viennent désamorcer le tragique. On pourrait dire que ce qui fait le miracle (car ça en est un) de It's okay tient dans le regard que la cinéaste porte sur son personnage. Une sorte de tendresse, qui refuse la pitié, pour en sublimer son désir de rester positive et battante.
Et puis impossible de ne pas évoquer son incroyable comédienne qui porte le film et entraîne tout dans son passage avec une grâce aérienne.
On sort du film en état d'allégresse (faut dire que la dernière séquence est un condensé - aussi improbable que hilarant - du traitement du film) en se disant que ça fait du bien d'oublier tout cynisme durant 100 minutes.
Chose étonnante, les trailer ne parviennent pas à traduire la réelle tonalité du film. Peut-être pour mieux vous surprendre et vous entraîner ?
Et au fait, autre miracle It's okay sortira chez nous le 19 février 2025
Il va sans dire que c'est chaudement recommandé d'autant que ça fait du bien de voir autre chose que les polars sanglants et les Hong Sang-soo arriver en salles en France. J'espère que la distribution va suivre.
I, the executioner / Veteran 2 (Ryoo Seung-wan - 2024)
L'inspecteur Seo et son équipe de choc sont confrontés à un tueur en série qui prend un malin plaisir à supprimer les criminels qu'il estime trop légèrement condamnés ou innocentés de manière abusive. Leur enquête est d'autant plus complexe que les réseaux sociaux s'enflamment pour ce "justicier".
Le premier épisode (2015 déjà) avait été un des grands succès au box-office local et il fort possible que le cinéaste renoue avec son charismatique héros pour retrouver un succès public après 2 films un peu décevant en terme d'entrées. La formule est grosso modo la même : une ouverture de 15-20 minutes sous le signe de la comédie d'action irrésistible avant de basculer dans un registre plus sérieux et dramatique, sans tourner le dos à quelques scènes d'action bien senti. Présenté cette année à Cannes en séance de minuit, l'accueil avait été pour le moins tiède et beaucoup ont parlé de déception.
De mon point de vue, il n'en est rien et ce Veteran 2 est un digne successeur du premier. Je me demande même si je ne le préfère pas au premier dont la critique socio-politique n'était pas très subtile (bon, la Corée du sud, niveau capitalisme effréné, c'est pas très subtil non plus).
ici, le film aborde de nombreux thèmes, parfois superficiellement il est vrai : harcèlement scolaire, emballement médiatique et frénésie des réseaux sociaux en roue libre (déclinant le concept du final du premier opus), un peu de MeToo, la justice... Les personnages ont aussi évolué et Ryoo joue habilement du coup de vieux que subit l'inspecteur Seo qui semble un peu usée par les années et dont la mentalité parait totalement déconnecté des nouvelles générations, à commencer par son incapacité à communiquer avec son propre fils.
Je trouve aussi que ce second volet est mieux rythmé et dosé que le premier. De plus, comme à son habitude, le cinéaste cherche à renouveler son style. Il s'inspire ici des thrillers paranoïaques 70's avec une judicieuse utilisation des doubles bonnettes. Il reprend aussi plusieurs codes du giallo dans la représentation du tueur, son allure, sa manière de le mettre en scène et le jeu sur les couleurs ou le style visuel. Cette fusion de ces 2 registres donne une dynamique original car si la réalisation ne crée aucun doute quant à l'identité du tueur, le scénario, les péripéties et le basculement d'un style à l'autre finit par provoquer un certain doute.
Au final on a droit à quelques moments inspirés comme la traque dans le bidon ville de drogués, le combat sur un toit sous une pluie battante ou le long final dans un tunnel avec un double dispositif diablement sadique. Le morceau de bravoure reste cela dit sans aucun doute toute la séquence au sommet du mont Namsam à Séoul où l'équipe de policiers de essaie de mettre la main sur le tueur au milieu d'une masse de badauds qui espèrent assister à une action du tueur en série. Une séquence intense, très nerveuse et dynamique qui se termine par une fulgurante chute dans un escalier aussi douloureuse que spectaculaire. Après Battleship Island et Escape from Mogadishu, Ryoo confirme au passage qu'il l'un des meilleurs cinéastes pour tourner des scènes de foule d'un bouillonnement étourdissant.
Je me demande par contre vraiment pourquoi le premier épisode et cette suite ne sont ni sortis ni annoncés chez nous/
It's okay (Lee Re - 2023)
In-young est une adolescente apprenant la danse traditionnelle dans une école aussi prestigieuse que stricte. Après la mort accidentelle de sa mère, elle tente de se débrouiller seule dans un quotidien rythmé par la rivalité avec certaines de ses "camarades" de classe et le risque de se retrouver à la rue ou être sous la tutelle des services sociaux.
Pétri de formules prévisibles, véritable rouleau compresseur de bons sentiments qui dégoulinent pour une succession de scènes qui envoient des coups de coudes perpétuellement pour te rappeler à quel point on est devant un "Feel good movie", It's okay est une sorte d'aberration... une aberration parce que ça marche. Et pas qu'un peu ! C'est un raz de marée irrésistible du début à la fin. La jeune actrice est sensationnelle et les émotions délivrées sont hautement communicatives.
Cette "aberration" vient du fait que le film fonctionne sur des poncifs éculés (le duo avec la prof austère qui va finir s'ouvrir ; la relation avec sa principale rivale ; les seconds rôles masculins) pour mieux les embrasser dans un élan aussi spontané que sincère. La force du récit, certes artificiel, est de refuser de s'attarder sur la détresse de l'héroïne : malgré les terribles épreuves qui s'abattent sur elle, In-young conserve une fraîcheur de tous les moments. On peut supposer que c'est à la fois pour se préserver et une manière de rassurer sa mère défunte qui reste omniprésente dans son cœur (un peu car culpabilité car leur dernière conversation fut houleuse). C'est un parti pris très scénarisé qui dicte la logique de presque toutes les scènes (trop pourrait-on dire et pas franchement crédible) mais ça en fait tout son charme.
Ainsi si les conventions sont légions, leur déroulements détournent les clichés et les attentes comme la relation amoureuse avec son ami d'enfance, la rivalité entre élève ou les séances d'entraînement. En évitant de s'appesantir sur la dimension purement dramatique, la cinéaste donne libre court à une énergie d'une rare effervescence. Alors bien sûr, on sait que cette bonne humeur est aussi une façade qui se doit de craquer de temps en temps. Pour autant même dans ces rares moments, l'émotion n'est jamais lourde, elle possède au contraire toujours des touches légères qui viennent désamorcer le tragique. On pourrait dire que ce qui fait le miracle (car ça en est un) de It's okay tient dans le regard que la cinéaste porte sur son personnage. Une sorte de tendresse, qui refuse la pitié, pour en sublimer son désir de rester positive et battante.
Et puis impossible de ne pas évoquer son incroyable comédienne qui porte le film et entraîne tout dans son passage avec une grâce aérienne.
On sort du film en état d'allégresse (faut dire que la dernière séquence est un condensé - aussi improbable que hilarant - du traitement du film) en se disant que ça fait du bien d'oublier tout cynisme durant 100 minutes.
Chose étonnante, les trailer ne parviennent pas à traduire la réelle tonalité du film. Peut-être pour mieux vous surprendre et vous entraîner ?
Et au fait, autre miracle It's okay sortira chez nous le 19 février 2025

Il va sans dire que c'est chaudement recommandé d'autant que ça fait du bien de voir autre chose que les polars sanglants et les Hong Sang-soo arriver en salles en France. J'espère que la distribution va suivre.
I, the executioner / Veteran 2 (Ryoo Seung-wan - 2024)
L'inspecteur Seo et son équipe de choc sont confrontés à un tueur en série qui prend un malin plaisir à supprimer les criminels qu'il estime trop légèrement condamnés ou innocentés de manière abusive. Leur enquête est d'autant plus complexe que les réseaux sociaux s'enflamment pour ce "justicier".
Le premier épisode (2015 déjà) avait été un des grands succès au box-office local et il fort possible que le cinéaste renoue avec son charismatique héros pour retrouver un succès public après 2 films un peu décevant en terme d'entrées. La formule est grosso modo la même : une ouverture de 15-20 minutes sous le signe de la comédie d'action irrésistible avant de basculer dans un registre plus sérieux et dramatique, sans tourner le dos à quelques scènes d'action bien senti. Présenté cette année à Cannes en séance de minuit, l'accueil avait été pour le moins tiède et beaucoup ont parlé de déception.
De mon point de vue, il n'en est rien et ce Veteran 2 est un digne successeur du premier. Je me demande même si je ne le préfère pas au premier dont la critique socio-politique n'était pas très subtile (bon, la Corée du sud, niveau capitalisme effréné, c'est pas très subtil non plus).
ici, le film aborde de nombreux thèmes, parfois superficiellement il est vrai : harcèlement scolaire, emballement médiatique et frénésie des réseaux sociaux en roue libre (déclinant le concept du final du premier opus), un peu de MeToo, la justice... Les personnages ont aussi évolué et Ryoo joue habilement du coup de vieux que subit l'inspecteur Seo qui semble un peu usée par les années et dont la mentalité parait totalement déconnecté des nouvelles générations, à commencer par son incapacité à communiquer avec son propre fils.
Je trouve aussi que ce second volet est mieux rythmé et dosé que le premier. De plus, comme à son habitude, le cinéaste cherche à renouveler son style. Il s'inspire ici des thrillers paranoïaques 70's avec une judicieuse utilisation des doubles bonnettes. Il reprend aussi plusieurs codes du giallo dans la représentation du tueur, son allure, sa manière de le mettre en scène et le jeu sur les couleurs ou le style visuel. Cette fusion de ces 2 registres donne une dynamique original car si la réalisation ne crée aucun doute quant à l'identité du tueur, le scénario, les péripéties et le basculement d'un style à l'autre finit par provoquer un certain doute.
Au final on a droit à quelques moments inspirés comme la traque dans le bidon ville de drogués, le combat sur un toit sous une pluie battante ou le long final dans un tunnel avec un double dispositif diablement sadique. Le morceau de bravoure reste cela dit sans aucun doute toute la séquence au sommet du mont Namsam à Séoul où l'équipe de policiers de essaie de mettre la main sur le tueur au milieu d'une masse de badauds qui espèrent assister à une action du tueur en série. Une séquence intense, très nerveuse et dynamique qui se termine par une fulgurante chute dans un escalier aussi douloureuse que spectaculaire. Après Battleship Island et Escape from Mogadishu, Ryoo confirme au passage qu'il l'un des meilleurs cinéastes pour tourner des scènes de foule d'un bouillonnement étourdissant.
Je me demande par contre vraiment pourquoi le premier épisode et cette suite ne sont ni sortis ni annoncés chez nous/
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"