La cinquième victime, While the city sleeps (1956)
Alors que dans un empire de presse, trois hommes luttent pour le poste de directeur, un assassin commet des crimes en les signant au rouge à lèvres.
Tourné la même année que Beyond a reasonable doubt (l'invraisemblable vérité), ce film compose en quelque sorte un dyptique avec le second. Celui-ci traite de la presse sous toutes ces formes, son sensationnalisme, la chasse aux scoops et accessoirement l'enquête policère et les liens étroits qui nouent police et journalisme dans la divulgation des informations, alors que le second sera une critique de la justice et mettra en avant la peine de mort et la possibilité des erreurs judiciaires. Ces deux films qui constituent les deux derniers films américains du réalisateur résonent donc comme une critique de l'Amérique et de ses "lois". Dans la cinquième victime nous avons le portrait de six hommes et trois femmes, trois hommes qui sont les directeurs des différentes composantes de cet empire de presse, un qui est Prix Pullitzer et présentateur télévision, le directeur de l'empire de presse qui succède à son père qui bien que malade vivait dans le journal et enfin le meurtrier que le spectateur connaît tout de suite. On pourrait d'ailleurs penser qu'une fois arrêté le coupable, le film va se terminer, car dès le prologue pré-générique, on voit le meurtrier commettre le crime qui sans doute aurait pu inspirer Hitchcock pour Psychose, la logique voudrait que cela soit la trame principale du film, mais pas du tout, l'essentiel réside dans cette lutte entre trois hommes prêts à tout pour avoir le poste tant espéré. Il ne faut pas oublier aussi les personnages féminins, la fiancée du présentateur vedette qui deviendra chèvre pour appater le tueur mais sera aussi en prise aux errements de son fiancé, à noter les dialogues remplis de sous-entendus sexuels entre les deux que ce soit dès leurs présentations ou naturellement dans la dernière scène, il y a aussi l'épouse du magnat de la presse qui maîtresse d'un des trois prétendants pourrait faire changer son avenir, et enfin la journaliste free lance.
Il y a aussi cette évocation psychanalytique du tueur que l'on décrit comme fils à maman, jeune, etc. et qui senble bien dans la veine de l'époque. La majeure partie de l'intrigue se déroule dans les bureaux de l'organe de presse, ou dans un bar, lieu de retrouvailles des journalistes , dans des appartements, très peu d'extérieurs, hormis la scène de l'arrestation du coupable dans le métro, scène virtuose s'il en est. Ici, il n'y aura pas de retournements de situation multiple comme dans la cinquième victime, mais un film fort prenant mêlant à la fois l'enquête policière et les portraits incisifs des acteurs du monde de la presse. Pour un tel film, il fallait un casting de premier ordre, et il faut dire que le spectateur est comblé, Dana Andrews en présentateur et prix Pullitzer, Thomas Mitchell prête sa gouaille au rédacteur en chef du journal, George Sanders son onctuosité au directeur de l'agence de presse, James Craig sa fadeur à l'amant arriviste, il ne faut pas oublier Vincent Price en fils héritier plein de morgue, et Howard Duff en policier prêt à donner ses renseignements à la presse, et naturellement John Barrymore Jr en meurtrier, inquiétant à souhait. Côté féminin. Ida Lupino interprète la journaliste pleine de mordant, Rhonda Fleming la maîtresse sensuelle et Sally Forrest, la jeune secrétaire fiancée toute "ingénue". Chacun est à sa place dans ce très bon Fritz Lang, finalement assez méconnu et qui devrait logiquement sortir l'an prochain en DVD avec l'invraisemblable vérité !