Moi je retirerais plutôt mystico-new age.
Chacun des films de Terrence Malick développe les vues de Wittgenstein et Heidegger sur le Monde.
C'est parfois même identifiables dans les titres..
Bon je viens de me taper la rédaction un long post sur un autre forum (en anglais en plus) à ce sujet, ce sera pour une autre fois.
Mais en bref...
Les voix de Malick, même si elles sont les réflexions des personnages, sont les voix de l'Être au sens d'Heidegger, cette essence de toute chose vers lequel l'Homme tend mais qu'il ne sera jamais, plongé qu'il est dans le monde. Les Hommes ne sont qu’un fragment, une entité inachevée de la création alors que l’Être en est la représentation absolue. Chez Malick, au moment où brièvement par une fugace coïncidence ou une brève et magique inspiration, les pensées des personnages font identité avec celles de l'Être, alors nous les entendons.
Quand nous entendons Linda dans les Moissons du Ciel dire "Le fermier, il a peut-être pas compris quand il l’a vue la première fois pourquoi il était attiré vers elle".. C'est parce qu'avant tout l'Être sait objectivement ce qui est au fond des pensées et du coeur du fermier. Que le peut-être est superflu. Ca n'est cependant pas philosophique et dans les Moissons du Ciel, Malick utilise peu l'Être comme une manière de vulgariser la philosophie qu'il affectionne. Il le fait un peu plus à travers le récit et la symbolique de la cinématographie mais pratiquement pas à travers les Voix.
Cet aspect des voix de l'Être est excellement développé par le blogueur québécois de Cyberpresse, Jozef Siroka.
http://blogues.cyberpresse.ca/moncinema ... -decennie/
http://blogues.cyberpresse.ca/moncinema ... criterion/
La philosophie que Malick affectionne, il l'exprime en revanche beaucoup plus dans ces Voix depuis son retour, et dans la manière dont il filme ou interprète les récits qu'il met à l'image.
Ainsi dans les derniers mots de The Thin Red Line "Oh, my soul, let me be in you now. Look out through my eyes. Look out at the things you made. All things shining.", comment ne pas y voir un instant fugace où l'Être, se réalise fugacement en l'Homme. Où l'Homme, Être inachevé, car plongé dans le monde, comme invité par ces mots par l'Être tout proche, oublie un instant son état d'existant, et conçoit et contemple le monde avec les yeux de l'Être.
Autre exemple, dans le Nouveau Monde, Malick nous invite à être au monde à la façon de Pocahontas, à voir le Monde comme toujours recommencé, à le voir comme si nous le voyions pour la première fois. (Le concept d'être-au-monde étant au coeur de la philosophie d'Heidegger.)
C'est ainsi qu'il choisit de filmer la mort de Rebecca/Pocahontas de cette façon comme un cycle mimant les premières scène du film, la caméra court en suivant l'Algonquin comme nous courions derrière les Algonquins et Pocahontas à l'arrivée des bateaux. Le bateau justement, nous voyons celui de Rolfe qui repart en Virginie et la ramène symboliquement en pensée sur sur sa terre, tout comme nous avions vu les bateaux des colons. Enfin l'arbre, les branches ouvertes vers le ciel, tout comme Pocahontas les avait vers le soleil au début du film. Ca n'est pas une mort, c'est un recommencement. "Mother, now I know where you live"
Or dans Les Paroles d'Anaximander, Heidegger écrivait dans une très poétique traduction française:
"Et si l'auroral était toujours au-delà de tout crépuscule, si même, la prime aurore dépassait, et de loin, l'ultime déclin ?"
Quant à Wittgenstein, on peut résumer ses vues notamment en une phrase qui dirait : "Monde et vie ne font qu'un"
Il définit le "soi philosophique" comme le "sujet métaphysique, la limite du monde [et] non une part de celui-ci" (ça rend mieux en anglais

)
Ce qui est signifié là est que le monde n'est que parce que je suis. Nous sommes donc en quelque sorte chacun frontière du monde, qui d'une certaine manière n'existe que parce que nous le concevons, nous l'appréhendons, parce que nous en sommes témoins. "Le monde est mon monde" sans notre conscience, il n'est plus.. Il disparait avec nous. Nous sommes des témoins de ce monde, et ses limites.
Ainsi, dans le travail de Malick, par exemple dans Le Nouveau Monde, dans une scène filmée qui n'est pas entrée dans les montages finaux mais qu'on peut voir dans certains documentaires, Pocahontas/Rebecca, alors qu'on l'instruit, demande "What is a world", séquence qui se prolonge ensuite en la phrase "What is beyond the world?" qui elle est part de la bande annonce (mais pas du film). Cette question a la même réponse que celle implicite qui est exprimée dans le titre du film précédent.. "What is beyond the thin red line."
The Thin Red Line. L'expression est certes un terme journalistique devenu militaire remontant à La Bataille de Balaklava quand des troupes anglaises réduites résistèrent à des forces russes durant la Guerre de Crimée, le terme signifie depuis métaphoriquement la barrière que peut représenter pour un pays des forces armées mêmes réduites à des attaquants potentiels. Pour l'auteur du roman, elle a certes des sens aussi affectif (il cite en préface un poème de Rudyard Kipling (j'économise mes doigts) et un proverbe du midwest disant "There's only a thin red line between the sane and the mad.", phrase citée par Staros dans le livre.
Mais pour Malick cette expression a sans doute de plus amples résonnances.. Pour lui au vu de tous ses films, The Thin Red Line est une autre frontière, c'est la frontière du Monde.
Alors "what is beyond the world", "what is beyond the thin red line", dans les deux cas la réponse est la même, au delà de la frontière du Monde c'est nous, les êtres plongés dans le monde, nous par qui tout est, et sans qui rien est plus. C'est pourquoi le film parle tant des êtres et peu des évènements...
Tout est par nous, tout n'est que par nous, ai-je écrit, en conformité avec Wittgenstein.
Mais n'est-ce pas ce que disent après tout dans The Thin Red Line les mots déjà évoqué "Look out at the things you made. All things shining."
Malick l'écrit même plus textuellement encore dans son projet de The Tree of Life quand nous (car le désir de Malick écrit-il textuellement en préface est que l'histoire de Jack soit la notre) et Jack nous réveillons de son périple spirituel et périple dans ses souvenirs (ça n'est pas la conclusion du film pour autant, ni à la conclusion du film.. et ces mots là, il ne les écrit pas gratuitement, bien des minutes du film jusque là auront convergé à argumenter cela parmi d'autres choses):
"You separate the true from the false.
You, to whom all things return, from whom all proceed; in whom they are; the beginning of things and their last end; the goal of each and all.
The whole of the picture has been a sifting. The chaff flies away, the kernel remains. Something lives in you that shall outlast the stars."
J'ai publié un peu plus de texte et contexte (et l'invitation à ce que l'histoire soit notre)
ici tout récemment.
Il est à noter que dans beaucoup de son projet pour The Tree of Life, Malick décrit et décrète comme ici dans une écriture absolument poétique (plus qu'ici) ce que Jack ou le spectateur ressent sans même décrire par quel moyen cinématographique il va parvenir à insuffler cela. Cela montre la belle confiance qu'ont en cet homme des producteurs tel que Bill Pohlad pour accepter un tel financement avec tant d'inconnues.
Voilà c'est ce que j'appelle bref

mais Malick est formidable dans le fait où plus on en découvre, plus on veut en savoir..