tenia a écrit : ↑13 sept. 22, 09:49
Beule a écrit :sinon tout semblerait orienté pour nous faire croire qu'il s'agit d'un jitsuroku tendance exploitation...
J'aurai du mal à croire ça car je ne sais absolument pas de quoi tu parles, ni en quoi c'est différent de l'autre chose dont tu parles et que je ne connais pas non plus, et c'est pas le visuel austère qui va faire penser à quelque chose façon Baby Cart non plus.
Je suppose a contrario que les connaisseurs comme toi savent visiblement de quoi il retourne, donc l'un dans l'autre ?
Le film de
yakuza chevaleresque (
ninkyô) est une subdivision du genre
yakuza. Il succède
grosso modo aux films de samouraïs du point de vue de la période de réalisation, de la popularité (des centaines de films produits), et aussi de l'époque représentée. En effet, au départ, les ninkyôs se déroulaient essentiellement durant les ères Meiji (1868-1912) et Taishô (1912-1926). Par après, des ninkyôs se déroulant à l'époque contemporaine (les années 1960...) seront tournés. Les ninkyôs suivent un schéma narratif et proposent des personnages quasi-immuables : le protagoniste est (hormis les jeux d'argent et 2-3 bricoles) un(e) saint(e), garant des bonnes vieiles valeurs traditionnelles™, protecteur des opprimés, et se vêt de manière nippone. Par opposition, l'antagoniste, lui, s'habille à l'occidentale et n'a aucun honneur. Dans les ninkyôs se déroulant à l'époque contemporaine (où quasi-tout le monde est fringué en costard), l'antagoniste cherche souvent à transformer sa famille / son clan en société commerciale ou en parti politique alors que le/la protagoniste préfère son gang à l'ancienne. Par ailleurs, les aspects négatifs dû à l'appartenance yakuza du/de la protagoniste sont timidement visibles. Il existe parfois un personnage secondaire qui est l'ami du personnage principal, mais qui travaille pour les méchants, et est donc tourmenté à cause de cette situation.
Les méchants (hommes de main de l'antagoniste) houspillent sans arrêt le personnage principal, mais celui-ci désamorce toujours les situations houleuses sans en venir aux mains
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- Puis, ils poussent le bouchon trop loin en tuant un personnage proche du/de la protagoniste. Parfois, il s'agit du personnage "ami, mais dans le camp opposé" précité.
Le/La protagoniste, n'y tenant plus, s'en va alors rétablir la justice dans une explosion de violence en tuant tous les méchants à coups de katana/poignard/revolver/bâton de dynamite/...
Parfois, l'ami "tiraillé" meurt à cette occasion, se rachetant auprès du héros/de l'héroïne.
À la fin, le personnage principal meurt ou va en prison... sauf s'il s'agit d'une femme, qui, elle, s'en tire sans problème !
La série de films
Lady Yakuza est un bon exemple disponible en France de
ninkyô.
Le
jitsuroku ("récit véritable") est apparu par après (années 1970...), en réaction au
ninkyô. Les films de Kinji Fukasaku aux titres explicites tels que
Combat sans code d'honneur et
Le Cimetière de la morale en constituent de bons exemples. Ici, les yakuzas sont dépeints de manière réaliste, avec une approche plus "prise sur le vif"/ "documentaire" : vulgaires, violents, violeurs, toxicomanes, dealers, proxénètes,
etc. Le
jitsuroku a tué le
ninkyô (bien qu'il y ait eu des tentatives d'hybridisation).
Beule critique le fait que l'on met en avant des éléments associés au
jitsuroku, alors que
Le Jeu présidentiel relève du
ninkyô. Un peu comme si on vendait un film "policé" des années 60 comme une péloche
grindhouse des 70s.
Beule a écrit : ↑13 sept. 22, 12:45
Solide, mais j'avoue avoir un peu de mal à comprendre l'aura qui entoure ce titre plus qu'un autre au Japon (ça vaut aussi pour le
Sang de la Vengeance de Katô d'ailleurs).
J'avais également trouvé
Le Sang de la vengeance surestimé. Hormis la réalisation de Taï Katô, c'est un ninkyô on ne peut plus classique.
Beule a écrit : ↑13 sept. 22, 12:45
Le film est surtout marquant par la distance assez rare prise par le héros Tsuruta avec le monde des yakuzas lorsque le boss félon qu'il est sur le point d'éliminer invoque le code du milieu pour l'implorer de l'épargner: "Quel code ? Nous ne sommes (sous-entendu désormais) que de vulgaires gangsters". Sinon la trame est celle d'une guerre de succession ultra classique.
(...) Mais si tu en as déjà vu plusieurs, tu risques de te retrouver en terrain trop bien connu et balisé.
La prémisse du
Jeu présidentiel est la suivante : un parrain (président) yakuza est sur le point de mourir. On propose son "poste" au protagoniste respectueux du code honneur yakuza (Kôji Tsuruta), qui refuse, car il a été prêté en remplacement de son ami (Tomisaburô Wakayama), qui va bientôt sortir de prison et qui, lui, est l'héritier légitime selon le code. Cependant, un chef intriguant va suggérer que le fils du parrain actuel succède à son père. Le personnage de Tomisaburô Wakayama sort de prison, et là, c'est le drame...
Le
Jeu présidentiel est en quelque sorte une déconstruction du
ninkyô : traditionnellement, le protagoniste parvient à désamorcer les situations conflictuelles en restant fidèle à ses principes. Ici, le respect du code yakuza ne fait qu'empirer la situation, et ce systématiquement. En outre, comme l'a déjà spoilé Beule,
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- le protagoniste se rend compte à la fin qu'il n'y a pas d'honneur chez les yakuzas et tue le chef intriguant, ce qui ne soulage en rien le mal que ce dernier a engendré (tous les amis du protagoniste sont déjà morts : il n'y a plus rien à sauver.). Dans le ninkyô traditionnel, le déferlement de violence final a un effet cathartique : les nombreux méchants périssent comme il se doit.
Ce qui explique que Yukio Mishima l'ait qualifié de tragédie grecque. Ce n'est pas à mon sens un
ninkyô lambda, interchangeable avec d'autres. Tomisaburô Wakayama a également droit à un beau rôle secondaire.
Le
Jeu présidentiel préfigure par certains aspects
Combat sans code d'honneur : même scénariste et l'interprète du chef manipulateur jouera plus tard le chef de Bunta Sugawara dans le Fukasaku, un personnage tout aussi lâche et immoral.
Beule a écrit : ↑13 sept. 22, 12:45Ici pas ou peu de cet aspect documentaire qui donne souvent un peu de sel aux récits du genre les plus canoniques.
C'est plutôt le
jitsuroku qui vise un aspect documentaire. Le
ninkyô est mal parti avec ces membres du crime organisé qui défendent la veuve et l'orphelin...
