Bulworth (Warren Beatty - 1998)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Boubakar
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Message par Boubakar »

marcusbabel a écrit :
MJ a écrit :Beatty qui est par ailleurs très bon réalisateur, Dick Tracy (autre grand film incompris) en étant la preuve irréfutable.
Il a aussi reçu l'oscar du meilleur réal pour "Reds".
qui tarde à arriver en DVD :?
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Suite à vos avis enflammés, je me suis essayé à ce Bulworth, mais malheureusement j'en ressors (encore :oops: ) sans enthousiasme. Certes, le propos est loubale, Beatty matraquant son script de vérités pas très agréables à entendre, mais ça n'en fait pas un bon film, à mon sens. Le scénario est fourre-tout, par exemple l'intrigue inutile du tueur. Beatty fait une fixation sur les noirs de banlieue et les rappeurs, c'est drôle un moment mais au bout d'1h30 c'est lassant et creux.

Même si le film ne se veut pas réaliste, c'est du symbolisme appuyé (rehaussé par des tâches de couleurs de plus en plus fréquentes au fur et à mesure qu'avance le film), j'ai trouvé la plupart des situations (et des réactions de certains personnages) pas très crédibles. Ca a commencé à me titiller avec la pseudo boite de nuit rap, totalement cliché (cliché vu par un oeil de nanti, d'ailleurs).

La seule fois où j'ai esquissé un sourire, c'est quand Beatty sort dans le ghetto, habillé en rappeur.

Pas un ennui profond, le film passe assez vite, mais pas encore le film réalisé par Beatty qui me fera sauter au plafond. Je me souviens vaguement de BOB ROBERTS de Tim Robbins, qui dans un genre moins délirant, me semble (dans mes souvenirs lointains) plus regardable...
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Barry Egan
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Re: Bulworth, de Warren Beatty (1998)

Message par Barry Egan »

Deuxième visionnage, ça reste bien et exhilarant.

Je suis un peu plus circonspect sur l'utilisation de la culture "noire" pour illustrer ce que c'est une culture "authentique", mais la fin remet le propos à l'endroit en montrant le personnage de Don Cheadle toujours aussi cynique et ensuite le baiser sans suite entre Beatty et Berry, histoire de bien montrer que personne n'a d'intérêt à ce que la société encourage l'amour véritable... On rigole toujours au premier visionnage avec ce genre de film et au second la noirceur te revient complètement dans la face.

De façon méta, c'est un peu le suicide de Warren Beatty en tant qu'auteur-réalisateur, une sortie bien flamboyante à la hauteur du narcissisme du personnage qui à mon avis s'est toujours considéré comme une sorte de héros. Bon, il en a fait un autre 15 ans après, mais celui-là je m'en souviens plus... Le propos de "Bulworth" est toujours d'actualité près de 30 années après... Pas vu de satire plus mordante en dehors d'"Idiocracy" et je pense pas que ce soit prêt de revenir à la mode...
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Supfiction
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Re: Bulworth (Warren Beatty - 1998)

Message par Supfiction »

Étrange que je ne me sois jamais exprimé sur ce fil. J’adore ce film qui m’éclate à chaque visionnage (et qui très supérieur au surcoté Idiocraty en dépit d’un propos clairvoyant et d’un titre qui font mouche).
En revanche, je ne suis pas allé aussi loin que toi dans l’analyse du propos sur la culture noire « authentique ». Mais je me rappelle très bien d’une tirade du personnage qui s’étonne qu’il n’y ait plus de grand leader noir.
Le

Concernant Beatty, que j’adore, il a effectivement tiré sa révérence 15 ans après avec L’exception à la règle de manière moins flamboyante mais d’une très belle manière, crépusculaire et mélancolique, dans la peau d’Howard Hugues. Son ultime scène d’adieu y est d’ailleurs particulièrement soignée et émouvante.
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Barry Egan
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Re: Bulworth (Warren Beatty - 1998)

Message par Barry Egan »

Supfiction a écrit : 27 avr. 25, 17:07En revanche, je ne suis pas allé aussi loin que toi dans l’analyse du propos sur la culture noire « authentique ». Mais je me rappelle très bien d’une tirade du personnage qui s’étonne qu’il n’y ait plus de grand leader noir.
Le
Oui, sa tirade d'ailleurs Halle Berry lui donne toute la consistance ("des hommes non industrieux n'ont pas de culture, il ne peut donc pas en émerger de leader") et après il la reprend dans son interview live. Y a comme un dialogue qui est recherché avec l'Amérique noire dans le film, mais quelque part c'est un peu la mort de l'homme blanc, ce grand recycleur des idées des autres ethnies, très aimant et très spirituel, que le film annonce. Son assassinat ou son suicide.

Je trouve "Idiocracy" plus violent quelque part, parce qu'il attaque le spectateur en lui donnant ce qu'il désire et en le critiquant en même temps. Dans "Bulworth", le spectacle de la démolition du système cache son inanité complète, le cynisme est plus diffus, le personnage principal l'atténue en étant désespéré. La dimension testamentaire l'éloigne un peu du public.

(J'ai pas compris "Le" suivi d'un blanc...)
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Supfiction
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Re: Bulworth (Warren Beatty - 1998)

Message par Supfiction »

Beatty pousse la satire à l’extrême pour alerter sur les dérives de la politique-spectacle : beaucoup d’effets et d’émotions, mais peu de vraies solutions, soulignant ainsi le danger d’un débat politique réduit à la provocation et à la mise en scène.
Bulworth s’érige en porte-parole du peuple contre les élites, dénonçant les puissants et exploitant la colère des exclus, un schéma rhétorique central annonçant Trump, Le Pen et Mélenchon qui adoptent un langage direct et provocateur pour séduire le public par des phrases-chocs. Beatty/Bulworth nous montre que le populisme, derrière ses grands discours et ses slogans, est surtout une manière de séduire les foules en simplifiant tout, quitte à devenir rapidement creux et dénué de tout réalisme.
Et pourtant, si le sénateur Bulworth utilise certains outils du populisme c’est aussi pour combattre l’aveuglement collectif, pas pour manipuler. C’est une sorte de “contre-populisme” par le cynisme.
Bulworth ose parler des vraies injustices sociales (racisme, inégalités, corruption) et a soudainement le courage de dire ce que tout le monde tait. Il représente une sorte d’idéalisme blessé : un homme qui a perdu ses convictions, puis qui tente de les retrouver. Beatty semble croire profondément dans la nécessité d’une parole politique authentique mais il s’en moque aussi. Car Bulworth est ridicule par moments : il rappe de façon embarrassante, il se met en scène de manière grotesque, etc.

Beatty souligne que même ceux qui veulent bien faire peuvent devenir caricaturaux, surtout quand ils se laissent emporter par leur propre besoin de rédemption.
En cela, il garde une distance ironique : il aime son personnage, mais il n’est pas dupe.
Barry Egan a écrit : 27 avr. 25, 17:26
(J'ai pas compris "Le" suivi d'un blanc...)
Alzheimer précoce. Je ne sais plus si j’avais commencé une phrase sans la finir ou si elle s’est effacée. :)
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Re: Bulworth (Warren Beatty - 1998)

Message par Barry Egan »

Supfiction a écrit : 27 avr. 25, 17:35 Car Bulworth est ridicule par moments : il rappe de façon embarrassante, il se met en scène de manière grotesque, etc.
Ces maladresses me rendent le personnage vraiment attachant, poignant même. Il n'est pas représenté ou interprété comme ridicule mais comme un homme désespéré de retrouver un contact avec ceux qu'il est censé servir.

Au-delà, ce que j'aime vraiment dans le discours du personnage, c'est qu'il ramène tout à de l'argent et à de la technologie, comprenant bien que ce sont les vrais problèmes qui empêchent une renaissance collective, une culture, un partage. Dans une société aussi ouvertement compétitive que celle d'outre-Atlantique, sorte d'excroissance dégénérée de la nôtre et dont les mauvais principes nous infectent peu à peu, la charge est certainement aussi violente aujourd'hui, alors que chez nous, on commence à peine à la comprendre. Un passage que j'ai adoré aussi, c'est quand la présentatrice de l'interview a un message dans l'oreillette et Bulworth contre directement la censure économique en la pointant avec le sourire et ce mauvais rap. La meilleure contestation possible de la politique-spectacle, avec ses extrêmes et ses consensus dissimulés...
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