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Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 15 nov. 12, 11:10
par Chip
" L'homme du Kentucky " meilleur que "Davy Crockett " ? assurément, mais ce dernier et sa suite furent fabriqués à partir d'une série télé . J'étais ado lors de la sortie du film, l'engouement fut énorme. Dans les cours d'écoles, on ne parlait que de ça, il y avait pléthore de produits dérivés et nous étions nombreux à porter, soit une chemisette Davy Crockett, ou un pantalon à franges, et je ne parle pas du fameux bonnet, que l'on réservait pour la maison. Je n'ai pas souvenir d'un tel phénomène pour un autre film de l'époque . Les américains ont d'ailleurs consacré un ouvrage sur ce sujet :
" The Davy Crockett craze " de Paul F. Anderson
edition : R. and G. productions- 1996-
165 pages (broché)

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 15 nov. 12, 11:28
par Jeremy Fox
Chip a écrit :" L'homme du Kentucky " meilleur que "Davy Crockett " ? assurément, mais ce dernier et sa suite furent fabriqués à partir d'une série télé . J'étais ado lors de la sortie du film, l'engouement fut énorme. Dans les cours d'écoles, on ne parlait que de ça, il y avait pléthore de produits dérivés et nous étions nombreux à porter, soit une chemisette Davy Crockett, ou un pantalon à franges, et je ne parle pas du fameux bonnet, que l'on réservait pour la maison. Je n'ai pas souvenir d'un tel phénomène pour un autre film de l'époque . Les américains ont d'ailleurs consacré un ouvrage sur ce sujet :
" The Davy Crockett craze " de Paul F. Anderson
edition : R. and G. productions- 1996-
165 pages (broché)
Oui, j'en parlais d'ailleurs juste deux pages avant :wink:

Je disais même que vu aujourd'hui, on se demande comment un tel film a pu susciter un tel engouement

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 16 nov. 12, 13:59
par someone1600
très intéressantes chroniques encore une fois.

Re: Tall Man Riding

Publié : 18 nov. 12, 19:24
par hellrick
Jeremy Fox a écrit : La Furieuse Chevauchée (nommée ainsi en français pour sa séquence finale) est un film de série B assez conventionnel même si le scénario est plus complexe qu’on pouvait s’y attendre au départ. Un peu inutilement complexe même, l’efficace scénariste Joseph Hoffman (Duel at Siver Creek de Don Siegel) n’ayant pas bénéficié d’assez de temps pour pouvoir développer tous les fils qu’il avait mis en place, pour pouvoir exploiter à fond toutes les situations exposées ; il s’en trouve que l’intrigue s’avère parfois un peu confuse, faussement alambiquée et par là même manquant de fluidité. Ce n’en est pas moins un honnête western que les aficionados prendront plaisir à regarder.
Rien à ajouter à la chronique de Jeremy, si on aime le western à petit budget et Scott on passe un bon moment même si les 20 premières minutes laissent un peu songeur: j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire (trop de personnages et de sous-intrigues proposées en rafale, d'autant que chacun change de camp comme de chemise) mais ensuite on se concentre davantage sur l'histoire principale et tout se passe bien. A noter une scène intéressante de course à la terre, qu'on considère souvent comme un cliché du western et que, finalement, on n'a pas vu souvent (pour ma part) sur un écran. Une bonne série B, sans plus ni moins.
4/6

Re: Tall Man Riding

Publié : 18 nov. 12, 21:20
par Jeremy Fox
hellrick a écrit : A noter une scène intéressante de course à la terre, qu'on considère souvent comme un cliché du western et que, finalement, on n'a pas vu souvent (pour ma part) sur un écran.

Exact ; jusqu'à présent, je n'ai du en voir que 3 ou 4 grand maximum.

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 18 nov. 12, 21:37
par Doc Boone
Pour ma part, de mémoire, les deux versions de "Cimarron", "Far and Away/Horizons Lointains" et un quatrième, vu plus récemment ... et qui m'échappe ... ! :? :|

The Kentuckian

Publié : 19 nov. 12, 16:44
par Jeremy Fox
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L'Homme du Kentucky (The Kentuckian - 1955) de Burt Lancaster
UNITED ARTISTS


Avec Burt Lancaster, Walter Matthau, Dianne Foster, Diana Lynn, John McIntire, Una Merkel, John Carradine, Donald MacDonald
Scénario : A.B. Guthrie d'après un roman de Felix Holt
Musique : Bernard Herrmann
Photographie : Ernest Laszlo (Technicolor 2.55)
Un film produit par Harold Hecht pour la United Artists


Sortie USA : 22 juillet 1955


L’Homme du Kentucky est la première incursion de l'acteur Burt Lancaster dans la mise en scène ; expérience qui ne l’aura guère convaincu d’autant qu’on lui aura mis pas mal de bâtons dans les roues, les producteurs de l’époque n’appréciant guère les acteurs s’imposant réalisateurs ou producteurs. Il ne la renouvellera d’ailleurs qu’une seule fois, 20 ans plus tard, en collaboration avec Roland Kibee pour The Midnight Man (Le Flic se Rebiffe). Comme sujet pour ce western d’aventure familial qui lorgne un peu du côté d’un film au succès retentissant qui l’avait précédé de quelques semaines en salles, à savoir Davy Crockett (même époque, paysages ressemblants, même ton bon enfant, même candeur, même costumes…), il choisit l'histoire d'un homme et de son fils en partance pour le Texas à la recherche de grands espaces et de liberté. Mais pour cela, il faut de l'argent et ils vont devoir s'arrêter en gagner un peu dans un petit village pittoresque du Kentucky où vit un membre de leur famille. La tentation de se sédentariser va être très forte pour l’adulte, ce qui ne sera pas du goût du jeune garçon qui veut absolument partir à la découverte de ces contrées immenses et inconnues. Liberté et sédentarisation peuvent-elles s’accommoder ? Que doit-on préférer entre l’éducation traditionnelle et l’éducation ‘sur le terrain’ ? Ce sont les questions auxquelles s’efforceront naïvement de répondre Burt Lancaster et son scénariste A.B. Guthrie, ce dernier n’étant autre que l’auteur du roman dont a été tiré The Big Sky (La Captive aux Yeux Clairs) d’Howard Hawks et le scénariste de Shane (L’Homme des Vallées Perdues) de George Stevens.

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1820. Originaire du Kentucky, Elias Wakefield (Burt Lancaster), accompagné de son jeune fils (Donald MacDonald), part pour le Texas y entamer une nouvelle vie, fuyant par la même occasion les rivalités familiales qui les opposent depuis des générations à la famille Fromes. A Prideville, le shérif fait arrêter Elias, agacé d’avoir été pris à partie par ce dernier devant ses concitoyens. Talonné par deux frères de la famille Fromes qui viennent pour le tuer, Elias réussit à s’enfuir grâce à l’aide de Hannah (Diane Foster), une servante dont il rachète la liberté au vil patron du saloon pour lequel elle travaillait. Du coup, il n’a plus assez d’argent pour prendre le bateau à vapeur qui les aurait rapproché du Texas. Le trio fait halte à Humility chez Zack (John McIntire), le frère d’Elias, et son épouse Sophie (Una Merkel). Afin de se refaire une fortune, Elias trouve un travail dans la pêche aux moules tandis qu’Hannah trouve un emploi dans une taverne tenue par un inquiétant ‘homme au fouet’, Stan Bodine (Walter Matthau). A cause de sa naïveté, Elias devient la risée des habitants de la ville. Après une rixe entre son fils et des camarades de classe, Elias se rapproche de l’institutrice Susie (Diana Lynn). Finalement, alors que la pêche ne leur rapporte guère (et pour cause, son frère lui ayant proposé ce job dans l’intention qu’il ne puisse plus repartir d’ici), il parvient à emporter la mise sur un casino flottant. Mais son envie d’aventure s’est émoussée ; il souhaite désormais s’installer à Humility après avoir épousé la maitresse d’école, au grand désarroi de son fils que l’appel du grand air attire toujours autant et qui aurait préféré avoir pour belle-mère la jolie Hannah…

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Si certains trouveront vraisemblablement le propos de Burt Lancaster gentillet voire simpliste (et ils n’auront pas forcément tort : l’homme des bois naïf et désintéressé d’un côté, la civilisation méchante et vénale de l’autre), son film s’avère néanmoins dans l’ensemble très généreux, ses intentions louables (petites piques contre la condition de la femme à l’époque, exaltation de la vie au grand air à l’écart de toute contraintes, appel des grands espaces…) le rendant finalement bien sympathique. La description qu'il fait de la société rurale mal dégrossie vivant à Humility est assez chaleureuse malgré la malveillance (et parfois la sauvagerie et la cruauté) de beaucoup de ses habitants et le personnage de naïf invétéré qu’il interprète lui-même est assez réussi sans qu’il ait besoin de trop en faire. Alors au contraire que nous aurions pu nous attendre à un cabotinage éhonté de sa part (Vera Cruz était sorti peu de temps avant et personne n’avait oublié sa prestation génialement outrancière), il a au contraire rarement été aussi sobre (terne diront certains ?) que dans The Kentuckian. Serait-ce dû à la tension qu’il devait avoir à se trouver à la fois devant et derrière la caméra ? Une chose est certaine c’est que s’il s’avérait une nouvelle fois à l’aise en tant que comédien, on ne peut pas en dire autant de sa ‘prestation’ en tant que cinéaste. Au vu de cet essai, il ne possédait même aucun talent pour la mise en scène, cette dernière s’avérant ici totalement impersonnelle, sans aucune ampleur, sans aucun souffle et la plupart du temps très statique, à l’image d’ailleurs du scénario qui piétine et peine à donner une quelconque force ou progression dramatique à cette histoire somme toute assez banale. C’est bien dommage d’autant que le film a été tourné sur les lieux même de l’action sans que le cinéaste arrive à mettre en valeur ses beaux paysages.

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Ceux qui, au vu de l’affiche et du titre, se seraient attendus à sentir le souffle de l’aventure et à ressentir l’ampleur des grands espaces seront donc obligatoirement déçus car, au lieu d’ une odyssée mouvementée, l’action est quasiment tout du long ancrée dans ce petit village de Humility sis au bord du fleuve. L’Homme du Kentucky est donc mené sur le rythme apaisé d’une chronique villageoise ; mais l’on ne peut guère le reprocher au film car ce confinement et cette stagnation font partie de son sujet principal, les deux personnages principaux étant partis pour bourlinguer mais se voyant obligés de séjourner plus longtemps que prévu dans un village pour se refaire une fortune dilapidée par ailleurs et pour la bonne cause : rendre sa liberté à une jeune femme qui leur avait juste avant sauvé la vie. Non seulement ils doivent rester sur place mais certains font tout pour qu’ils se sédentarisent et se civilisent à commencer par leur propre famille qui désire les garder auprès d’eux ; ces derniers leur mettront d’ailleurs secrètement des bâtons dans les roues afin qu’ils ne puissent pas se remettre en route pour le Texas, leur procurant un travail dont ils savent pertinemment qu’il ne leur rapportera rien, poussant le père dans les bras d’une institutrice, plus ‘acceptable socialement’ que la serveuse de bar et qui de plus souhaite rester sur place. Et puis le jeune garçon se doit de recevoir une éducation ‘normale’ ! La naïveté du père est telle qu’elle donne l‘impression que son fils, à peine âgé de 10 ans, est bien plus mature que lui. Face à cette ingénuité un peu exagérée et parfois agaçante pour le spectateur, les auteurs en profitent pour dresser le portrait sans concession d’une communauté rustre et sauvage qui ne va pas non plus sans schématisme.

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Malgré ses grosses faiblesses (dont de nombreuses longueurs dues à un bavardage intempestif) et même s’il ne se révèle que guère captivant sur l’ensemble, je serais assez indulgent pour ce film sincère et généreux qui, s'il ne brille effectivement pas par sa mise en scène, tient un propos qui, bien que schématique, emporte le morceau surtout qu'il est servi par une brochette de comédiens assez convaincants. Donald MacDonald est le jeune acteur interprétant avec justesse le fils de Burt Lancaster ; il a remplacé Brandon DeWilde (le jeune garçon dans Shane) au départ pressenti (ce qui a du en faire souffler d’aise certains). Les seconds rôles sont pour la plupart assez savoureux et notamment Walter Matthau pour sa première apparition à l’écran dans le rôle d’un inquiétant virtuose du fouet, John McIntire égal à lui-même dans la peau du frère d’Elias qui souhaite faire de celui-ci son associé plutôt qu’un aventurier, et John Carradine parfait dans le rôle du charlatan mais que l’on ne voit malheureusement que trop peu. Les deux actrices principales sont bien jolies (nous avions déjà croisé le charmant minois de Diana Lynn dans Track of the Cat de William Wellman) et l’on imagine sans peine la difficulté pour le personnage de Burt Lancaster de devoir choisir entre les deux. Enfin, les inquiétants Paul Wexler et Douglas Spencer préfigurent étonnamment les cruels ‘hommes des bois’ du Délivrance de John Boorman !

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Pas une immense réussite mais un western attachant au ton assez singulier qui avait été au départ prévu pour être un western musical ; il en reste quelques séquelles avec notamment une séquence de soirée en chansons au cours de laquelle Lancaster lui-même se prête au jeu. Mais si l’on ne devait retenir que deux séquences, ce seraient celle du duel au fouet ainsi que le suspense final au cours duquel Burt Lancaster doit traverser un plan d’eau en courant sur son agresseur, espérant arriver à le renverser avant qu’il n’ait eu le temps de recharger son fusil pour lui tirer dessus. Vraiment plaisant à regarder mais aussi à écouter puisqu’il s’agit non moins que de Bernard Herrmann qui officie en tant que compositeur. Sa partition n’est guère inoubliable mais son style est immédiatement reconnaissable. A condition de ne pas en attendre grand chose, on peut éventuellement passer un agréable moment à la vision du premier film réalisé par Burt Lancaster. On aurait cependant aimé plus de lyrisme, celui par exemple que l’on trouve dans la description que fait Elias à son fils du Texas dont il rêve : "Well, it's a place for the likes of us. No people there much, no neighbors to crowd ya, only wild game to see and to shoot at. And when you take a breathe, it's got a clean taste to it, like nobody ain't never used it before"

Re: The Kentuckian

Publié : 19 nov. 12, 19:23
par NotBillyTheKid
Jeremy Fox a écrit : A suivre : L’Homme de la Plaine (The Man from Laramie) d’Anthony Mann avec James Stewart et Arthur Kennedy
Vivement la suite, donc !

Re: The Kentuckian

Publié : 19 nov. 12, 20:37
par Jeremy Fox
NotBillyTheKid a écrit :
Jeremy Fox a écrit : A suivre : L’Homme de la Plaine (The Man from Laramie) d’Anthony Mann avec James Stewart et Arthur Kennedy
Vivement la suite, donc !


Bouleversement probable du top 30

The Last Command

Publié : 20 nov. 12, 23:02
par Jeremy Fox
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Quand le Clairon sonnera (The Last Command - 1955) de Frank Lloyd
REPUBLIC


Avec Sterling Hayden, Ernest Borgnine, Richard Carlson, Anna Maria Alberghetti
Scénario : Warren Duff
Musique : Max Steiner
Photographie : Jack A. Marta (Trucolor 1.66)
Un film produit par Herbert J. Yates pour la Republic


Sortie USA : août 1955

En 1830 le Texas fait encore partie de la république du Mexique ; de nombreux colons américains s'y sont néanmoins établis avec l’aval du gouvernement mexicain qui avait ainsi dans l’idée d’accélérer le développement du territoire. Mais les tensions deviennent vives entre ces citoyens américains et les autorités du pays de plus en plus tyranniques. De passage à Anahuac, l’ex-colonel Jim Bowie (Sterling Hayden) est sollicité par ses compatriotes pour obtenir la libération de l'avocat William Travis (Richard Carlson), leur porte-parole récemment arrêté. Bowie ayant combattu aux côtés du général Santa Anna (J. Carrol Naish), l’actuel président du Mexique, il semblait être le choix le plus approprié pour de telles négociations. Et en effet Bowie obtient la délivrance de Travis qui, aussitôt libéré, tente de convaincre les colons de créer une milice et de lutter contre le pouvoir despotique de Santa Anna. Bowie, voulant rester neutre et d'abord prudent concernant l'indépendance du Texas, s'attire la méfiance des plus virulents des colons, d'autant plus que sa femme est mexicaine et qu'il est devenu un riche propriétaire terrien…

L'idée d’un film sur le siège d’Alamo avait germé depuis quelques années dans la tête de John Wayne qui chercha dès 1950 à y intéresser Herbert J Yates, le patron du petit studio Republic pour qui il avait tourné à de nombreuses reprises avec quelques chefs-d’œuvre à la clé tel le sublime La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon) de John Ford. Il souhaitait ardemment s’atteler à ce projet dont Johnny Weissmuller aurait été l'interprète principal. Les deux hommes ne parvinrent pas à s'entendre ; John Wayne quitta le studio alors que Yates poursuivit l’idée, produisant en 1955 The Last Command (Quand le clairon sonnera). Le film sera réalisé par Frank Lloyd avec, pour interpréter les trois officiers qui périrent lors de l’assaut final, Arthur Hunnicut dans le rôle de Davy Crockett, Sterling Hayden dans celui de Jim Bowie et enfin Richard Carlson incarnant William Travis. La sortie de ce western à gros budget (tout du moins pour la Republic) ne découragea pas pour autant John Wayne qui continua de son côté à travailler sur son projet de bien plus ample envergure, une production qu’il voulait beaucoup plus prestigieuse et ambitieuse et dont on connait le résultat tout à fait exceptionnel tourné dans les mêmes décors que son prédécesseur, à Bracketvillle, Texas. Au vu de ce chef d’œuvre célébré autant par la critique que par le public, il ne faudrait pas pour autant dénigrer le film de Frank Lloyd (dont ce sera le dernier titre de la filmographie) qui s’était avéré également être une jolie réussite sans néanmoins avoir – tout du moins en France - marqué les esprits malgré les moyens considérables déployés par la Republic (probablement son film le plus couteux).

Frank Lloyd, né en Ecosse, encore aujourd’hui assez peu connu, fût très prolifique, que ce soit en tant que réalisateur, producteur, scénariste et même acteur, jouant dans plus de 60 films à l’époque du muet. De sa centaine de films derrière la caméra, il ne reste aujourd’hui, vu de l'Hexagone, plus que très peu de titres passés à la postérité à l’exception de sa version des Révoltés du Bounty avec le duo inégalable Clark Gable/Charles Laughton, très belle réussite du film d’aventures qui a marqué un nombre considérable de jeunes cinéphiles en herbe lorsqu’ils le découvrirent à la télévision durant les années 70. Il est également reconnu outre-Atlantique pour ses nombreuses adaptations littéraires et remporta deux Oscars au cours de sa longue carrière qu’il termine avec un certain panache au vu du western qui nous concerne ici. Dès le générique, l’on est conquis par la chanson ‘Jim Bowie’ interprétée avec talent par Gordon MacRae et écrite par un Max Steiner très inspiré qui nous délivrera tout du long une bande originale ne manquant pas de lyrisme et notamment un très joli thème d’amour, la charmante comédienne Anna Maria Alberghetti l’ayant certainement inspirée ; le compositeur lui permettra d’ailleurs à l'occasion d'une séquence de nous faire profiter de sa belle voix de soprano. Dommage que cette ravissante actrice n’ait pas fait une plus grande carrière, ici très convaincante aux côtés de Sterling Hayden pour une romance certes assez classique mais cependant très attachante. Pour en rester sur Steiner, il réécrira aussi pour l’occasion un ‘El Deguello’ (la mélodie mexicaine qui préfigure une bataille dont le but est de ne laisser aucun survivant) très différent de celui sublime et déchirant de Dimitri Tiomkin entendu dans Rio Bravo et Alamo.

Le film de Frank Lloyd est basé essentiellement sur le personnage de Jim Bowie alors que John Wayne fera de David Crockett son principal porte-parole. Guère plus fidèle aux faits historiques que John Wayne, le scénariste Warren Duff s’avère cependant un peu moins manichéen par le fait que les camps adverses aient tous deux droits à la parole, qu’ils soient décrits avec humanité, chacun avec leurs nobles buts, leurs sincères arguments mais aussi leurs mesquineries, et que l’on expose avec clarté les tenants et aboutissants du conflit, avec concision et fluidité les enjeux politiques, les motivations et points de vue respectifs. Jim Bowie est présenté comme un citoyen mexicain ayant épousé une fille du pays et combattu pour l’indépendance du Mexique aux côtés de Santa Anna de qui il s’est fait un ami : une situation fantaisiste mais bien pratique pour rendre l’intrigue plus équivoque. Ceci rend en effet les relations de Bowie avec le futur dictateur assez captivantes, refusant au début de prendre parti pour un camp ou l’autre, profitant de sa neutralité pour jouer les médiateurs avant de de rallier la cause des colons américains qui veulent créer une milice et exhorter à la révolte au vu du changement de tempérament de l’homme politique mexicain. Une décision difficile d’autant qu’il sait son choix extrêmement dangereux voir suicidaire connaissant parfaitement bien la puissance de l’armée adverse et la détermination de son chef. Tout aussi intéressants les rapports qu’il entretient avec les Américains, méfiants envers lui du fait de son intégration et ses attaches mexicaines dont principalement son amitié avec celui qui veut désormais se frotter à eux.

Une première heure totalement dévolue à la situation politique, presque exclusivement constituée de dialogues cependant jamais ennuyeux, une histoire d’amour venant néanmoins s’y inviter, non dépourvue d'un certain charme dû particulièrement à l’alchimie qui se dégage entre les deux comédiens dont un Sterling Hayden doté d’une belle prestance. Cette romance n'en sera que plus déchirante puisque se mettant en place après que Bowie ait perdu femme et enfants emportés par une épidémie. Quant à la deuxième partie, c’est celle du siège et de l’assaut dont les séquences mouvementées ont été très efficacement mise en boite par une seconde équipe dirigée par William Witney qui a accompli en l’occurrence un travail assez remarquable, sachant aussi bien diriger son importante figuration qu'apporter du réalisme et une violence assez sèche à l’ensemble. A la fin du film, Sam Houston annonce la chute du bastion d’Alamo et jure de venger les 187 résistants assiégés et sacrifiés ; c’est ce que Byron Haskin nous montrera en 1956 dans son film The First Texan (Attaque à l’aube). En attendant, Quand le clairon sonnera et le Alamo de John Wayne sont deux films différents dans le fond comme dans la forme mais au final assez complémentaires pour bien appréhender cette passionnante page de l’histoire des États-Unis, les citoyens américains du Texas voulant se libérer de la surpuissance mexicaine. A signaler qu’une partie non négligeable du casting du génial Johnny Guitar se retrouve à entourer à nouveau Sterling Hayden dans cet attachant western historique qui certes manque un peu de puissance dramatique mais qui mérite d’être sorti de l’oubli tout autant par sa sagesse que par la richesse dans la peinture de personnages souvent ambivalents.

The Man from Laramie

Publié : 23 nov. 12, 13:54
par Jeremy Fox
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L'Homme de la Plaine (The Man from Laramie - 1955) de Anthony Mann
COLUMBIA


Avec James Stewart, Arthur Kennedy, Donald Crisp, Cathy O'Donnell, Alex Nicol, Aline MacMahon, Wallace Ford, Jack Elam
Scénario : Philip Yordan & Frank Burt
Musique : George Duning
Photographie : Charles Lang (Technicolor 2.55)
Un film produit par William Goetz pour la Columbia


Sortie USA : 31 août 1955


Quelle tristesse à postériori de savoir que nous allions voir avec L’Homme de la Plaine le dernier western de la fabuleuse association Anthony Mann / James Stewart ! Si les spectateurs de l’époque ne pouvaient pas encore s’en douter, l’une des plus belles séries de western jamais réalisées (avec néanmoins la ‘trilogie cavalerie’ de John Ford et la future association Randolph Scott / Budd Boetticher) allait donc prendre fin avec ce film. Cinq westerns tous aussi géniaux que différents les uns des autres ! Une cinquième œuvre débarrassée de tout pittoresque, de tout humour, plus épurée et plus mélancolique que tout ce que le réalisateur avait pu signer jusqu’à présent dans le genre qui nous concerne. Après la sombre ronde en noir et blanc d’un fusil passant de mains en mains (Winchester 73), la majesté d’une intrigue simple, confinant à l’évidence et magnifiée par des paysages superbes et variés (Les Affameurs - Bend of the River), le névrotique huis-clos en extérieurs ne mettant en scène que cinq personnages (L’Appât - The Naked Spur) et l’exotisme bigarré et picaresque d’un film passant d’un bateau à aubes aux neiges de l’Alaska (Je suis un aventurier - The Far Country), Anthony Mann fait donc tourner pour la dernière fois dans un de ses westerns l’immense James Stewart qui n’aura jamais été meilleur qu’ici hormis dans sa collaboration avec un autre génie de la mise en scène, Alfred Hitchcock. C’est donc L’Homme de la Plaine qui clôt ce quintet de westerns probablement insurpassable. Et, après Johnny Guitar (déjà scénarisé par Philip Yordan), l’on ressent à la vision de The Man from Laramie un pas de plus en avant vers le western contemporain.

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1870, Nouveau Mexique. Will Lockhart (James Stewart) et son associé Charlie (Wallace Ford) arrivent à Corronado pour livrer de la marchandise à Barbara Waggoman (Cathy O’Donnell), jeune femme qui tient désormais la principale boutique de la ville depuis la mort de son père. Mais si Lockhart s’est déplacé jusqu’ici, c’est surtout en fait qu’il est à la recherche des trafiquants d’armes qui ont indirectement causé la mort de son jeune soldat de frère tombé avec son bataillon dans une embuscade tendue par les Apaches. En effet, il se demande pourquoi, bien que la ville soit située à la lisière du territoire Apache, elle reste étrangement épargnée par les raids indiens. Au cours de son enquête, Lockhart ne tarde pas à apprendre que la ville tout entière est sous la coupe de l’oncle de Barbara, Alec (Donald crisp), le plus gros rancher de la région qui a étendu son domaine au détriment de ses voisins. Seule son ancienne fiancée, Kate Cannaday (Aline MacMahon), lui tient encore tête. Le vieil homme, en train de devenir aveugle, a aujourd’hui du mal à tempérer le caractère vindicatif de son propre fils Dave (Alex Nicol) ; il assigne cette tâche à son intendant Victor Hansbro (Arthur Kennedy), le fiancé de Barbara, à qui il promet en échange une part de l’héritage de son ranch. Mais Vic peine lui aussi à canaliser le tempérament impétueux de Dave. Il ne peut intervenir à temps pour l’empêcher de s’en prendre sauvagement à Lockhart qui, sur les conseils de Barbara, était venu charger du sel sur les territoires du ranch pour ne pas repartir à vide vers Laramie. Ses mules sont abattues, ses chariots brulés ! Une raison supplémentaire pour Lockhart de s’attarder un peu dans la région car il ne compte pas en rester là même si Alec l’invite à passer chez lui afin de le dédommager. Et puis le joli minois de Barbara ne le laisse pas non plus de marbre…

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Si je l’ai longtemps placé encore plus haut que les quatre autres westerns de l’association Mann/Stewart (mais à ce niveau d’excellence de la série, est-il raisonnable de penser à les classer ?), je lui préfère aujourd’hui les deux westerns Universal en couleurs, à savoir Les Affameurs (Bend of the River) et Je suis un Aventurier (The Far Country), moins tragiques, plus colorés, plus chatoyants et plus gorgés de vitalité ; pour tout dire franchement, convenant mieux à mes attentes. L’Homme de la Plaine n’est donc pas forcément le plus enthousiasmant à priori (car ici, le folklore est totalement évacué) mais le plus moderne des cinq par la psychologie encore plus poussée des personnages, grâce donc surtout à l’étonnante richesse du scénario de Philip Yordan. Si l’intrigue à proprement parler s’avère assez conventionnelle (une simple histoire de vengeance et l’éternelle mainmise d’un Cattle Baron sur une petite ville), les relations qui s’établissent entre les différents personnages sont en revanche passionnantes. Mais n’attendons pas plus pour nous plonger directement au cœur de ce magnifique western qui a pour principaux points communs avec ses prédécesseurs le thème de la vengeance et le caractère psychotique du héros ! "Je voulais récapituler, en quelque sorte, mes cinq années de collaboration avec Jimmy Stewart : cette œuvre épuisait nos relations. J’ai repris des thèmes et des situations en les poussant à leur paroxysme..." disait Anthony Mann.

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Dès le générique nous sommes happés et conquis ; il se déroule avec en musique de fond une superbe ballade (qui deviendra le thème principal du film) interprétée par la voix chaleureuse de Ned Washington. George Duning signe ici l’une des plus belles partitions écrites pour un western (presque aussi splendide que celle de Hans J. Salter pour Les Affameurs), à la fois ample, douce et mélancolique, capable aussi d’être vigoureuse et inquiétante lors des séquences d’action ou de tension. Un chef-d’œuvre discret de la musique de film ! Le compositeur récidivera avec encore plus de génie deux ans plus tard en signant le score de 3.10 pour Yuma. C’est d’ailleurs en partie grâce à la musique que la scène d’ouverture s’avère déjà si poignante. Avant de nous avoir pris à la gorge, Anthony Mann nous aura délivré ses premiers plans en cinémascope. Et l’on sent immédiatement qu’il se fait plaisir avec ce format large, n’ayant jusqu’à présent rarement fait durer ses plans séquences aussi longtemps comme pour ce premier plan fixe (sans musique) sur les chariots s’avançant lentement au sein des paysages arides et rocailleux du Nouveau Mexique sous un ciel bleu constellé de petits nuages à l'horizon. Non pas que ses westerns précédents souffraient le moins du monde du format 'à priori' plus étriqué qu’était le 1.37, mais le réalisateur appréhende le cinémascope avec maestria, sa mise en scène devenant presque contemplative devant ce nouvel espace rectangulaire mis à sa disposition. Après quelques répliques laconiques entre les deux conducteurs du convoi, s’ensuit la découverte par James Stewart d’un charnier de soldats avec pour accompagnement un thème musical douloureux et lancinant ; le regard à la fois éperdu et apeuré de Will Lockhart nous inquiète et nous émeut en même temps. Sans encore le savoir, on devine qu’un des cadavres fait partie de ses proches. Et effectivement, sans plus tarder, on apprend quune fois encore le thème de la vengeance est au centre de cette intrigue, le moteur qui fait agir le principal protagoniste de l’histoire voulant retrouver les trafiquants d’armes qu’il accuse d’être responsables de la mort de son frère dont il ne retrouve dans les cendres qu’un vestige vestimentaire. Un héros immédiatement décrit en plein désarroi, accablé sous le poids de la tragédie.

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"Pour The Man from Laramie, j'ai renforcé la vulnérabilité physique du héros afin d'éviter de tomber dans le manichéisme dangereux du Héros qui, se croyant infaillible et puissant, se permet de juger les gens qui l'entourent et de s'arroger le droit de vie et de mort" dira Philip Yordan interrogé par Bertrand Tavernier en 1962. Effectivement, tout au long de son parcours le Will Lockhart de James Stewart sera tout sauf un héros invincible et sûr de son bon droit. Il doutera, commettra des impairs, sera faible et maladroit, se verra infliger des sanctions physiques pour le moins violentes… Et tout ceci en fait un personnage principal on ne peut plus humain par sa vulnérabilité et qui a comme point commun avec Lin McAdam, Glyn McLyntock , Howard Kemp et Jeff Webster, ses prédécesseurs ‘stewartmannien’, une forte détermination, une opiniâtreté maladive et de brusques et inquiétants accès de colère comme lorsqu'il se dirige le visage crispé vers son adversaire prêt à le massacrer, le tout filmé en un impressionnant travelling arrière alors que James Stewart marche droit face à la caméra. Enervé, on ne l’aurait été à moins après avoir vu ses mules massacrées et ses chariots brulées ; mais Will semble à ces moments là aussi violent que ses agresseurs. S’ensuivra d’ailleurs un combat à poings nus d’une rare brutalité sous les sabots des chevaux. James Stewart est assez impressionnant lors de ces accès de violence, d’autant plus inquiétant que quelques scènes plus tôt nous l’avions découvert touchant de maladresse auprès de Barbara, la jeune commerçante. Pas de fausse pudeur mais au contraire une franchise gauche mais émouvante dans le discours qu’il tient à la jeune femme dès leur première rencontre, lui disant tout de go que s’il reste ici sans bouger à ses côtés, c’est qu’il se sent bien à la voir évoluer devant lui et vaquer à ses occupations d’autant plus qu’il la trouve charmante.

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Barbara, c’est le personnage féminin principal interprété par l’inoubliable comédienne de They Live by Night (Les Amants de la Nuit) de Nicholas Ray. Actrice au visage d’une grande douceur qui nous livre ici une jolie performance, le scénariste ayant eu l’idée de génie de nous apprendre la liaison qu’elle a avec Arthur Kennedy sans crier gare au détour d’une scène alors que nous avions cru qu’elle était seule et qu’elle allait pouvoir entamer une romance avec Will. Et ce dernier d’être aussi étonné que nous, accablé de tristesse et de jalousie au point d’en perdre la parole et de s’en aller dépité lors de la belle séquence du mariage indien (un petit bémol cependant avec cet éclairage qui fait ressortir le tournage en studio pour cette scène précise). Belles relations entre Will Lockhart et Barbara Waggoman qui, pour nous consoler de la noirceur de l’ensemble, finiront par se conclure de la plus émouvante des manières. Paradoxalement un double Happy-End pour ce western tragique puisque les deux ranchers ennemis finiront eux aussi par se rapprocher et même se remettre ensemble, ayant été autrefois amants. Un final heureux qui nous fait nous remémorer que nous sommes encore, malgré les apparences et les réelles mutations, dans le western classique. Si Will arrive au fur et à mesure de son ‘parcours’ à s'extirper de la tête son idée de vengeance, il le doit non seulement à son attachement pour Barbara mais aussi à l’influence mesurée de deux autres figures protectrices, la vieille Kate Cannaday qui le prend sous son aile et souhaite en faire son métayer ainsi que le vieil éclaireur Charley O’Leary, son compagnon de voyage, old timer métissé irlando-indien, peu bavard mais qui n’en est pas moins attaché à cet homme qu’il a appris à connaître et à apprécier : "I don't suppose we spoke ten words comin' down here, but I feel that I know ya, and I like what I know." Deux personnages ayant peu de temps de présence mais qui arrivent pourtant à être très attachants, respectivement interprétés par les excellents Aline MacMahon et Wallace Ford. Anthony Mann prouvait une fois de plus qu’il était un des peintres inégalables de l’amitié fraternelle : souvenons nous dernièrement des liens qui unissaient James Stewart et Walter Brenan dans The Far Country. Wallace Ford est un personnage plus en retrait mais son estime pour Will et leur complicité sont convaincantes et touchantes.

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Parmi la splendide galerie de personnages émaillant le film, nous trouvons aussi un shérif honnête, pour une fois pas forcément à la botte du potentat local, et enfin la famille Waggoman justement. Et là, puisqu’il s’agirait selon l’auteur et professeur de cinéma Jim Kitses d’un "libre remake d’Œdipe Roi",un nouveau thème apparait, basé sur les relations ‘filiales’ qui se sont tissées entre Alec Waggoman et trois hommes qui l’entourent, résumées ainsi assez succinctement par Jacques Lourcelles dans son dictionnaire du cinéma : "Dave est le fils réel qu'il regrette d'avoir, Hansbro est le fils de substitution (fils adoptif) dans lequel il place de chimériques espoirs, Lockhart est le fils idéal qu'il aurait souhaité et qu'il n'aura jamais, proche de lui par le caractère et l'obstination." En y regardant de plus près, c’est encore plus compliqué que cette description, les interactions qui se font jour entre les quatre hommes étant d’une richesse étonnante que je vous laisserais le soin de découvrir et d'apprécier. Touchons en néanmoins deux mots. Le plus gros problème du patriarche provient de son amour immodéré pour son fils Dave qu’il s’obstine à protéger malgré son caractère insupportable et sa perversion sadique à faire le mal (non seulement il massacre les mules de Will mais lui tire aussi à bout portant à travers la main). Sentant qu’il n’arrivera jamais à le contrôler et angoissé par un rêve récurent qu’il fait dans lequel il voit Dave tué par un inconnu, Alec a confié cette mission de surveillance à Hansbro, son contremaitre, qui est chargé de le canaliser et de l’empêcher de commettre de grosses bévues en échange de quoi il lui a promis de lui faire profiter de son héritage comme s’il avait été son second fils. Enfin, appréhendé dans un premier temps comme un ennemi, Lockhart sera ensuite considéré comme le fils qu’il aurait idéalement souhaité avoir et auprès duquel il se confie sans pudeur lors d’une bouleversante séquence où il se trouve face à lui dans une cellule de prison. Et nous découvrons alors un superbe et pathétique Donald Crisp que l’on est d’ailleurs un peu étonné de trouver dans un tel rôle, lui qui nous avait surtout habitué à jouer les bons grands pères dans les plus gros succès des films familiaux de la MGM avec animaux tels Lassie ou Le Grand National. Il avait néanmoins déjà été inoubliable dans le sublime Qu’elle était Verte ma Vallée de John Ford.

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Quant à Arthur Kennedy, après Les Affameurs, il trouve une seconde fois l’un des plus beaux rôles de ‘Bad Guy’ de l’histoire du western ! Son Hasbro échappe à tous les stéréotypes puisqu’il devient hors-la-loi par le fait de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur par son patron auquel il avait pourtant été dévolu comme s’il s’était agi de son père. Ne supportant pas que ce dernier n’ait pas tenu parole, ne lui ait pas rendu l'affection qu'il attendait, il semble avoir décidé en quelque sorte de se venger en se lançant secrètement dans le commerce des armes. La tension qui règne lors des séquences qui le confronte avec Donald Crisp est d’une rare puissance ; Hasbro lui demande même à un moment de ne plus jamais lui parler sur ce ton au risque d’exploser. Tout en retenue, son jeu s’avère néanmoins d’une exceptionnelle richesse ; rarement nous aurions été aussi attristé par la mort, d’une sidérante et abrupte violence, du ‘méchant’ de service ! Et nous allions oublier Jack Elam qui, en quelques séquences, aura marqué les esprits avec son personnage de ‘vendeur de secrets’ ou encore Alex Nicol, très bien dans le rôle du capricieux et hyper-violent Dave (on avait déjà pu le rencontrer avec plaisir aux côtés de Maureen O’Hara dans Redhead from Wyoming). On pourrait encore parler longuement de l’estime réciproque qui nait entre Will et Hasbro, de la dualité passionnante qui existe entre Hasbro et Dave, etc., mais il serait temps de laisser une part de mystère au film.

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Bref, une direction d’acteur irréprochable et un casting parfait pour cette cruelle et sombre tragédie westernienne photographiée splendidement dans des tons ocre par Charles Lang. Comme dans les précédents westerns de Mann, on y trouve toujours cette sécheresse dans les scènes de violence (celle fameuse du tir dans la main où la douleur s’exprime hors champ, sur le visage de James Stewart), cette appréhension sans pareille des paysages sauvages (ici une vingtaine d’endroits du Nouveau-Mexique), cette attention soutenue aux détails et cette recherche d’une certaine authenticité que ce soit dans la description des décors et des objets, des costumes et des armes, des mœurs et coutumes. La beauté et la rigueur absolue de la mise en scène, la parfaite maitrise du découpage et de l’espace, la concision du scénario, la fabuleuse richesse de trait dans la description des personnages et dans la complexité de leurs relations, participent de la quasi perfection d’un film capable tour à tour de captiver et d’émouvoir sans jamais rechercher l’emphase ni le spectaculaire. L’accentuation d’une violence qui tend à la sauvagerie, du côté sombre d’une histoire qui lorgne du côté de la tragédie sans laisser aucune place à la truculence et à l’humour, ainsi que le refus de tout pittoresque ou spectaculaire marquent ici une sorte de fin du classicisme westernien (qui ne sera néanmoins pas encore près de mourir dans l'immédiat). Un western presque erratique mais fascinant, épuré mais jamais ennuyeux. Un sommet du genre pour tout dire !

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 23 nov. 12, 14:34
par Strum
Jeremy Fox a écrit :Top 30 : Ford-Mann : 5-5
Cela fait score de match de tennis serré en finale de grand chelem. :mrgreen: Normal, pour les deux maitres du westerns (même si Ford aura toujours ma préférence). Sinon, un "sommet" que ce Man from Laramie effectivement.

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 23 nov. 12, 14:37
par Jeremy Fox
Strum a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Top 30 : Ford-Mann : 5-5
Cela fait score de match de tennis serré en final de grand chelem. :mrgreen: Normal, pour les deux maitres du westerns (même si Ford aura toujours ma préférence).

Mais les deux autres (Daves et Boetticher) se cachent en embuscade : ils risquent eux aussi de faire beaucoup de mal au final. :wink: A eux 4, ils vont faire office de squatteurs :mrgreen:

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 23 nov. 12, 22:04
par Filiba
Ford décline dans les années 50
c'est la thèse de Lindsay Anderson, et elle m'a d'abord semblée farfelue et m'avait vaguement scandalisé.
J'ai changé d'avis depuis. J'aime ses westerns des années 50/60 mais je leur trouve des défauts, le comble étant Liberty Valance.
Mann, Daves puis Boetticher (avec Scott) eux sont alors au top de la créativité et de l'expression.

et puis aprés COUPS DE FEU DANS LA SIERRA, les westerns sont morts
mais je m'égare

Re: Le Western américain : Parcours chronologique Part 3 (55

Publié : 24 nov. 12, 09:17
par daniel gregg
Très belle chronique Jeremy. :D