Superbe film qu'il fait plaisir de découvrir en salle, qui plus est avec un engouement du public assez éloquent (file d'attente surprenante, salle quasi-comble).
Tout le raffinement et le sens des situations de Lubitsch y sont déjà bien présents, avec un humour subtile qui passe souvent par des jeux scéniques tirant parti du regard omniscient du spectateur sur une même action, ainsi que par des astuces de mise en scène particulièrement bien vues pour l'époque (jeux de décadrages, utilisation des caches).
Le luxe des décors et costumes et la sophistication esthétique générale qui font la grande beauté formelle du film n'en dissimulent pas pour autant une belle humanité, accordant à ce film une grande part de tendresse. Touchant et même très émouvant, au final.
C'est mon premier Lubitsch muet et je suis séduit. L'histoire est assez simple, mais c'est raconté avec une infinie délicatesse, souvent avec humour. C'est un jeu des malentendus qui fonctionne parfaitement et dont j'ai beaucoup apprecié le "happy end" qui est presque expédié. Jusque dans les 15 dernières secondes, on est encore dans le drame avec un dénouement potentiellement triste. Et in-extremis, Lubitsch glisse cette fin positive presque pour contenter le spectateur ou le studio. C'est comme ça que je l'ai ressenti, comme une conclusion qui n'était pas ce que voulait le réalisateur, ou en tout cas une information sur laquelle Lubitsch ne voulait pas insister, préférant rester sur le geste admirable de la mère...
Je l'ai vu au Mac-Mahon et, comme d'habitude dans ce cinéma, c'était rempli de vieux , pas forcément enthousiastes.
Je suis moi aussi allée voir Lady Windermere's Fan en salle. je connaissais déjà le film car je l'ai en DVD; mais, ça a été une re-découverte très intéressante. Tout d'abord, la nouvelle musique enregistrée de Jacques Cambra est excellente. Elle souligne sans excès les sentiments et les actions des acteurs. Elle réussit parfaitement à exprimer l'atmosphère de mélancholie du film. C'est d'ailleurs tout à fait étonnant de voir à quel point la musique peut modifier la vision d'un film muet. La musique qui accompagne le film sur le DVD est beaucoup plus guillerette et manque de nuances. Je suis persuadée que si le film avait été montré avec la partition du DVD, il aurait eu nettement moins de succès.
Ann Harding a écrit :Tout d'abord, la nouvelle musique enregistrée de Jacques Cambra est excellente.
Je ne m'étais pas renseigné, mais j'avoue avoir été particulièrement séduit par cette partition, oui... jouée principalement au piano pendant les trois quarts du film, puis traversée d'élégantes nappes orchestrales dans la dernière partie.
MJ a écrit : Ca m'étonne quand même que Lubitsch ait dans l'intervalle tourné un film (sur le fond) aussi gros sabot [Ninotchka], puis une oeuvre aussi socialement préoccupée que The Shop Around the Corner.
J'avais cru comprendre que dans la filmo de Lubitsch, c'était plus "the shop around the corner" l'exception que Ninotchka.
Ses comédies "bulles de champagne" ont souvent pour cadre des environnements luxueux, le milieu de l'art. Et ses films ont, me semble-t-il, plus souvent pour objectif d'explorer, via l'humour, et à l'insu de la censure, les rapports homme/femme, qu'une forme de critique sociale ?
Le code du ciné+phage que phile
Art. 1 Ne t'attends jamais à voir un chef d'oeuvre.
Art. 2 Ne regarde pas un bon film si tu es fatigué.
Art. 3 Vide ta tête avant, pour mieux la remplir pendant.
Art. 4 Ne t'occupe pas des 3000 films que tu as vus, fais comme si celui-là était le premier.
Art. 5 Ne snobe rien.
Art. 6 Le cinéma n'est pas linéaire. Il y a des heurts, des bonds en avant, des reculs.
Art. 7 C'est quoi une VF ?
Art. 8 Quand tu comprendras Pasolini, tu seras très fort.
J'arrive un peu tard, tout le monde s'est barré, mais tant pis.
J'ai commencé Lubitsch par "To be or not to be", ce qui a été pour moi à la fois un miracle et une déception :
- miracle parce que je n'avais jamais vu un film aussi drôle, subtil, creusé, bref, tout, quoi
- déception parce que je ne crois pas qu'une seule comédie (moderne en tout cas) ne puisse jamais me faire rire autant.
To be or not to be
Sujet fantasque, casse-gueule, qui à l'époque ne plut pas à tout le monde. Heureusement, le temps a décidé qu'il n'y avait rien de choquant, au contraire. C'est comme si Lubitsch avait voulu dire : l'art peut être plus fort que la guerre. Et force est de constater que c'est la plus stricte vérité.
Ici, les personnages sont travaillés du point de vue de la remise en cause de leur statut. Les nazis remettent en cause le statut de la Pologne, et l'acteur principal voit se remettre en cause son statut d'amant et d'acteur vedette. A tout moment dans le film son succès et son talent importent plus que sa libido, laquelle importe plus que la guerre... points de vue à la fois très drôles et qui montrent bien la mesquinerie des comportements des stars de l'époque.
S'ensuit une aventure haute en "noir et blanc", qui fleurte avec le vaudeville, non, qui plonge tête baissée dans le vaudeville, grâce à un scénario splendide, fort de ses rebondissements, déguisements, et cocasseries en tout genre.
Sérénade à Trois
Comment réussir un film avec relation amoureuse triangulaire ? Par la suggestion, le doute, les conflits d'intérêts. Et la superficialité.
Ici les acteurs font la crédibilité des situations. Quelques scènes d'anthologie, mais surtout des jeux de dialogues très travaillés qui jouent sur la confusion, la persuasion, sachant qu'aucun n'est dupe de ce qui peut se tramer sans eux, quitte à devenir paranoïaques. C'est en se déclarant au-dessus de tous soupçons que les membres du trio n'en deviennent que plus soupçonnables. Le moindre détail, la moindre parole, est triplement interprétée.
Pas aussi drôle, ni aussi enlevé, bien sûr, que To be or not to be, mais bien plus subtil, Sérénade à 3 se voit surtout pour la virtuosité des dialogues et la confusion des situations.
La Huitième Femme de Barbe Bleue
Un film en trois actes, très visibles, dont un dernier très court et un second très long. Ce qui est dommage, c'est que le second n'est pas le plus intéressant, alors qu'il fait la majorité de la durée du film. D'où une relative déception... mais qu'il reste à clarifier...
Le premier acte, que j'appelerai celui de la rencontre, est un pur bijou. Du burlesque parlant, des personnages magnifiques, des situations bouffones, des dialogues extras, toute la magie de Lubitsch.
Le dernier acte est tout aussi réussi. Le réalisateur clot son film par un franc délire burlesque où les personnages donnent libre cours à leurs révolutions respectives.
L'acte central, moteur, est plus poussif. Peut-être parce qu'à cet endroit les motivations des personnages flottent un peu, ne sont pas claires : comme deux gamins qui ont tout pour être heureux et qui ne réussissent pas à l'être, sans parvenir à rendre cette situation tout à fait crédible.
Il reste ici des moments très forts, comme le repas 'réconciliateur', et les cascades de refus, avec une certaine tendance à la démesure qui n'est pas désagréable. De même, ni veau image et réal, rien à dire. En réalité, cet acte moteur supplanterait bien d'autres comédies, s'il n'était entouré de si magnifiques parties introductives et conclusives.
Comme quoi, il vaut parfois mieux ne pas faire montre de trop d'adresse si on ne veut pas décevoir le reste du temps.
Ninotchka
Sympathique film, qui est loin d'être mon préféré de Lubitsch. Bons dialogues, échanges superficiels à souhait, dénigrement du communisme et du capitalisme côte à côte, avec quelques bons moments, mais peut-être un peu de manque de tenue générale.
The shop around the Corner
Superbe com. sentimentale, sur fond de rapports sociaux houleux. Film plus intimiste, moins drôle, mais drôle quand même, plus émouvant (le mot est galvaudé), mais toujours aussi pertinent dans ses dialogues, aussi plaisant à regarder, et aussi subtil dans ses relations.
A mon sens, c'est le film le moins lubitschien de Lubitsch (bien qu'un des plus réussis) et le plus Capraien (caprakiste ? Capracteur ?).
Ici, tous les personnages sont parfaitement décrits et utilisés, l'intrigue ménage à la fois ses effets visibles et invisibles, le poids du chomage et des difficultés sociales est tangible, sans alourdir, au contraire, il sert de cadre au même titre que le décor enneigé. Comme d'habitude, il y a de magnifiques scènes, et en plus, peut-être, un zest de bonté humaine, de foi en l'avenir, que les autres Lubitschs ne possédaient pas.
Illusions Perdues
Comédie secondaire de Lubitsch, mais qui réserve tout de même de très bons moments, notamment dans la reconquête de la femme par son mari, et dans les face à face avec le psychioatre. C'est ici surtout les personnages secondaires qui apportent le meilleur du film, c'est à ça peut-être que l'on voit qu'il est mineur dans la filmo de Lubitsch.
Le Ciel peut attendre
Comédie ou drame sur le vieillissement, attendrissante plus que drôle, subtile bien entendu (pléonasme ?), avec la magnifique Giene Tierney. Plusieurs pans de vie sont décrits, tous avec réussite, bien que tous ne soient pas également intéressants. Il n'est pas interdit de voir ce film comme le film testament de Lubitsch, même si ce n'est pas le dernier, notamment par l'intrusion de la mort (très rare dans ses autres films).
Si c'est une comédie, elle n'est pas très sautillante ; si c'est un drame, il est au contraire d'une légerté à toute épreuve.
La Folle Ingénue
Désolé, je n'ai jamais pu rentrer dedans. Je l'ai essayé trois fois, et vu deux fois, mais chaque fois, ça ne prend pas. Etrangement, ça m'a fait la même chose avec "Allez coucher ailleurs" de Hawks, issu de la même vague Carlotta, irréprochable. Tout comme l'édition, le fillm est donc irréprochable, plein de drôlerie, de satire... mais je n'arrive pas à en goûter la saveur.
Le code du ciné+phage que phile
Art. 1 Ne t'attends jamais à voir un chef d'oeuvre.
Art. 2 Ne regarde pas un bon film si tu es fatigué.
Art. 3 Vide ta tête avant, pour mieux la remplir pendant.
Art. 4 Ne t'occupe pas des 3000 films que tu as vus, fais comme si celui-là était le premier.
Art. 5 Ne snobe rien.
Art. 6 Le cinéma n'est pas linéaire. Il y a des heurts, des bonds en avant, des reculs.
Art. 7 C'est quoi une VF ?
Art. 8 Quand tu comprendras Pasolini, tu seras très fort.
Je viens de voir Cluny Brown, qui fait partie des Lubitsch "secondaires" avec par exemple That uncertain feeling.
To be or not to be, The shop around the corner ou Heaven can wait sont évidemment meilleurs...
Mais des oeuvres "secondaires" comme celles citées précédemment, je m'en taperais tous les jours! Et d'ailleurs je suis bien content qu'un critique de DVDclassik ait rendu justice à Cluny Brown, alors que les autres font la fine gueule...
Qu'est-ce qu'il leur faut! Ce film, peut-être un petit peu gratuit, n'arrête pas de distribuer des pains dans l'estomac du spectateur, j'étais plié en deux la moitié du temps!
(Pour ceux qui ne l'ont pas encore, profitez de la fnac, elle le donne en ce moment à 6,66e pour trois films achetés; en temps normal il coûte facilement le triple!)
Edit: les bonus sont interessants, même si parfois les explications quant à l'implication sociale et philosophique des films de Lubitsch pèsent des tonnes: plaisir contre traditions, dominants contre dominés, originalité contre conservatisme... au secours!!!
Assez proche de Comédiennes ( ou du moins du souvenir approximatif que j'en ai ), ses surprises sont surtout beaucoup plus drôle.
C'est même l'un des Lubitsch les plus rythmés et tordants que j'ai pu voir. On a beau être au muet, les échanges vont trés vite et les situations toutes plus cocasses les unes que les autres et toutes exploitées à la perfection. Les moments hilarants ne se comptent que ce soit la danse du desespoir, la dictée d'injures à un policier, la fausse bagarre vu depuis une fenêtre ou les baisers d'adieux succéssifs du faux mari etc... L'humour de Lubitsch est à ce point moderne et dynamique qu'on se croirait parfois dans une des meilleur sitcom actuelles. En mieux filmés bien sur car ici, Lubitsch donne libre court à une réalisation ultra-précise qui sait tout aussi bien gérer le hors champ, la profondeur du cadre, la beauté des compositions de plan et se permet même quelques effets cartoon ( le mari rétrécissant ).
Seul ombre au tableau, un scène de balle aux décors démeusurés qui se montre un peu envahissante.
Bref, 70 minutes de pur bonheur pour l'un des Lubitsch les plus efficaces.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
J'ai découvert La Folle ingénue hier soir, à l'Action Christine. Si la copie était vraiment mauvaise, ça ne m'a aucunement empêché d'apprécier le film et de me tordre de rire à plusieurs reprises. Je partage en tout point l'enthousiasme exprimé un peu plus haut par yaplusdsaisons.
Les sous-entendus sont légion dans ce film au scénario certes un peu lâche, qui fait durer certaines scènes sans trop de raison. Mais le plaisir de jouer communiqué par Jennifer Jones et Charles Boyer fait beaucoup de bien, leur couple fonctionne parfaitement, et ce dès la première apparition de Cluny (un rien "loony"). La voir se précipiter sur le moindre tuyau défectueux est irrésistible, mais ce n'est rien en comparaison avec ses mimiques et minauderies de chat allongé langoureusement...
Kevin95 a écrit :Le pharmacien du film, est absolument magnifique (gros travail sur la voix) !!!
Les séquences avec le pharmacien et sa "motheeer" qui se force à toussoter sont à mourir de rire.
D'ailleurs ce travail sur la voix, on le retrouve justement ailleurs dans la filmographie de Richard Haydn : il est la voix de la chenille dans Alice au pays des merveilles. Pour ceux qui ne connaissent pas la VO de ce film, le ton de voix pris par le comédien de la VF est très proche de celui de la Richard Haydn : très nasal et narquois, plein de suffisance. Assez proche de son rôle du pharmacien, en somme.
bruce randylan a écrit :The shop around the corner
Sans être son film le plus réussi ni son plus fluide, sa fameuse "touch" est indéniablement présente, surtout dans la 2ème partie irrésistible avec ses dialogues à doubles tranchants, ses situations romantiques/décalées et ses personnages trés attachants.
+1
j'ai découvert ce film hier soir sur dvd, quel regal! (merci les points warner )
par contre savez-vous si un VF existe pour ce film? (le Z2 en est privé)