J'ai profité du récent enthousiasme provoqué par le HUSSARD SUR LE TOIT en revoyant BON VOYAGE pour la première fois depuis sa sortie. Je dois malheureusement avouer que j'ai visiblement un problème avec ce film. J'avais déjà été destabilisé en 2003, j'espérais être plus accroché, le recul aidant.
Pourtant le film est très réussi "techniquement". On vante les qualités de mise en scène de Rappeneau, à juste titre. Comme pour le HUSSARD, c'est une envolée ininterrompue, une histoire emportée par un rythme sans faille, une reconstitution minutieuse, le tout dans une élégance raffinée (comme l'est le score de Gabriel Yarde aux envolées entrainantes).
Rappeneau reprend un peu des idées utilisées sur le HUSSARD: il peint une époque trouble où la population est comme prise de panique. Ce n'est plus l'épidémie de choléra mais la défaite française, la chute d'un pays, la hantise d'un avenir incertain. Paniquée, suivant son instinct de survie, la population quitte les lieux dangereux (Paris bientôt occupée) pour trouver refuge ailleurs (Bordeaux encore épargné): de nouveau on assiste aux mouvements de foule et à l'urgence qui conduisent le récit et alimentent son rythme. Petit bémol: si la vision de l'époque est intéressante, je reste sensiblement sur ma faim à cause des rares témoignages d'une nature humaine qui montre son vrai visage quand le danger guette. LE HUSSARD, il me semble, insistait plus justement sur ces profiteurs tandis que BON VOYAGE les montre (car ils sont bien présents) mais sans trop développer le propos, sans accentuer les décalages. On croise ici ou là quelques nantis plus soucieux de leur propre avenir que celui de leur pays, mais ils ne font que passer, l'information est parfois à peine transmise avec une réplique (celles de Ledoyen, par exemple).
Non, le plus gros souci du film, bien plus important que ces quelques détails, vient probablement de l'intrigue et des personnages. On a beau gesticuler dans tous les sens, filmer des mouvements continuels, même avec la plus grande habileté si l'histoire n'est pas convaincante cela ne sert pas à grand chose. Comme beaucoup de détracteurs, j'ai eu un peu de mal à m'intéresser à ces histoires. Ce n'est pas un souci de personnages multiples (puisque l'agencement s'équilibre mieux par la suite) mais plutôt de personnages pas assez intéressants imbriqués dans des relations/intrigues qui sont loin de captiver. Le film met surtout un temps fou à démarrer, principalement à cause de cela. Et si l'on s'ennuie trop longtemps, c'est plus difficile de se rattraper. C'est fort dommage car la deuxième heure est beaucoup plus réussie, notamment parce que les intrigues se croisent mieux, que la pression augmente, et surtout parce que les enjeux nous sont enfin apparus et fonctionnent enfin comme un moteur. Pendant une grosse partie de la première heure, on suit béatement des histoires pas forcément intéressantes dans un film qui semble se chercher encore. Ok, il y a des choses intéressantes dans cette mise en place mais peut-être n'y a-t-il pas assez de coupes: le meurtre du début est-il réellement nécessaire? Devait-on à ce point introduire certains personnages aussi longuement? L'un d'eux m'a beaucoup plus (et pas seulement parce que j'adore l'acteur): celui d'Yvan Attal, le jeune voyou gouailleur. C'est peut-être parce qu'il est très vite cerné, dessiné, et qu'il rentre sans chichis dans l'histoire: pas de passé ou d'explications inutiles, il est tout de suite empathique et dynamise l'action. Dommage que tous les autres personnages n'aient pas été aussi efficaces. En tout cas c'est l'impression que j'ai. Rappeneau a voulu transcrire nombre de ses souvenirs, jouer une fois de plus avec la Grande Histoire, mais je trouve qu'il s'est un peu trompé, qu'il n'a pas eu la clairvoyance nécessaire (tout comme avec le final qui tombe à plat).
En bonus du dvd on a un petit documentaire de 20mn très prometteur, commenté par la productrice. Dommage qu'au bout de quelques minutes, après l'observation de Rappeneau au travail (sur le scénario), ce docu se contente d'aligner les images de tournages telles qu'on les voit dans le film. Il y avait sûrement une quantité non négligeable de rushes plus techniques (sur la direction d'acteur ou les choix de mise en scène) mais ils resteront à l'état de fantasme. Frustrant.
Plus intéressantes sont les interviews des acteurs qui parlent de Rappeneau. Ledoyen est intéressante. Attal, surtout, est à ne pas manquer!
Bon voyage (Jean-Paul Rappeneau, 2003)
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Re: Bon voyage (Jean-Paul Rappeneau, 2003)
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Re: Bon voyage (Jean-Paul Rappeneau, 2003)
Ce que tu soulignes ici comme proche du Hussard sur le toit est en fait plutôt le style même de Rappeneau tout au long de ses sept films. Si tu (re)vois La Vie de château et Les Mariés de l'An II par exemple, tu pourras y voir les même qualités (reconstitution, rythme, envolée, élégance, humour...).Nestor Almendros a écrit :J'ai profité du récent enthousiasme provoqué par le HUSSARD SUR LE TOIT en revoyant BON VOYAGE pour la première fois depuis sa sortie. Je dois malheureusement avouer que j'ai visiblement un problème avec ce film. J'avais déjà été destabilisé en 2003, j'espérais être plus accroché, le recul aidant.
Pourtant le film est très réussi "techniquement". On vante les qualités de mise en scène de Rappeneau, à juste titre. Comme pour le HUSSARD, c'est une envolée ininterrompue, une histoire emportée par un rythme sans faille, une reconstitution minutieuse, le tout dans une élégance raffinée (comme l'est le score de Gabriel Yarde aux envolées entrainantes).
Rappeneau reprend un peu des idées utilisées sur le HUSSARD: il peint une époque trouble où la population est comme prise de panique. Ce n'est plus l'épidémie de choléra mais la défaite française, la chute d'un pays, la hantise d'un avenir incertain.