Pat Wheeler a écrit :scènes d'horreur qui font aujourd'hui plus rire qu'autre chose (les "ta mère suce des ****** en enfer" et les geysers de guacamole non, désolé...). Et le fait d'avoir revu Massacre à la Tronçonneuse quelques jours après, qui lui reste un sommet de l'horreur, n'a de loin pas aidé.
Chacun voit midi à sa porte bien sûr, mais je trouve regrettable de réduire "l'horreur" de
L'Exorciste à ses scènes les plus graphiques.
Bien entendu, elles font partie intégrante de l'ensemble, et ne peuvent être minimisées parce que ce sont celles qui ont le plus marqué et choqué (et elles restent intrinsèquement choquantes de mon point de vue), mais fort heureusement le film de Friedkin agit aussi, et peut-être même surtout, de manière beaucoup plus lancinante, larvée, en instaurant une atmosphère de malaise progressivement viscéral, une atmosphère désespérée que je trouve toujours aussi incroyable, perso.
Là se situe pour moi l'horreur la plus déstabilisante et en cela, l'âge au compteur du film n'y change rien.
C'est un peu comme avec
Le Silence des Agneaux : pour avoir eu l'occasion d'en discuter, les spectateurs retiennent souvent les séquences les plus immédiatement difficiles alors que le tour de force du film est de provoquer l'horreur avant tout de manière psychologique : comme un poison qui infuse, il y a dans la mécanique du film (les couleurs glaciales comme dans
L'Exorciste, ce sentiment d'inéluctabilité morbide, etc) quelque chose qui noue instinctivement l'estomac, pour tout ce qu'elle évoque d'affreux, d'impensable, et pourtant toujours invisible.
Aux dégueulis de Regan, ses blasphèmes ou ses exercices de cou, Friedkin associe une mécanique de l'effroi qui ne lâche jamais, parce que la quotidienneté du cadre et la banalité des personnages rendent imprévisibles l'issue du récit. Les scènes "spectaculaires" ne sont que de brefs jaillissements, l'horreur naît surtout de ce qu'on devine, et de ce qu'on
redoute. En créant une frontière tacite entre la chambre de Regan et le reste de la maison, Friedkin nous fait baliser quant au prochain degré de cauchemar qu'on atteindra à la nouvelle crise de possession : ce faisant, il instaure une épée de Damoclès permanente et totalement malsaine (ce sentiment permanent que quelque chose d'absolument horrible, inconcevable pour l'esprit humain, est sur le point de se produire
ou s'est peut-être déjà produit derrière cette porte close), en nous renvoyant à l'impuissance horrifiée d'Ellen Burstyn. Le style vériste du réalisateur, qui traite tout ça avec la plus grande rigueur clinique (photo glaciale à l'appui), c'est vraiment le truc de génie du film. C'était le parfait moyen de retranscrire le scénario. Tranquillement, Friedkin resserre l'étau et tout doit tendre à ce dernier acte qui conjugue les deux approches de l'horreur du film, le spectaculaire et le malsain, car confrontant visuellement l'Homme à une peur millénaire dépassant son entendement.
L'horreur réside ainsi moins dans les manifestations frontales du Diable que dans la suggestion de sa
présence, quelque part, dans cette maison (je renvois par exemple à cette scène absolument terrifiante des bruits dans le grenier). Pour moi, c'est vraiment un film parfait du genre, qui fait durablement frémir... qui hante, quoi. Pour toutes les questions qu'il soulève et sa capacité à retranscrire un sentiment d'horreur vertigineux qui va plus loin que le simple
"bouh !".