Épuisé pour n'avoir pas dormi depuis plus de 2 jours, le détective privé Mike Hammer s'arrête dans un petit bar pour appeler sa secrétaire quand il remarque une jeune femme encore plus mal en point que lui qui se révèle être une prostituée. Lorsqu'un homme pénètre à son tour dans le bar et moleste la fille, le privé s'interpose, chasse l'homme puis lui vient en aide en lui donnant de quoi se rhabiller et prendre le premier autobus pour sa ville d'origine dans le Nebraska. Plus tard, Hammer est convoqué au commissariat de police car on a retrouvé les coordonnées du détective parmi les objets saisis sur la jeune femme retrouvée morte au volant d'une voiture accidentée. L'officier de police a tôt fait d'identifier la bague singulière que portait la victime et que Hammer avait remarqué à son annuaire dans le bar mais qui ne figurait pas parmi les effets personnels retrouvés sur la morte, comme faisant partie de la collection Venacci, une collection de bijoux volée en Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale par un officier du renseignement américain, le colonel Holloway. Dès lors, le privé se met à douter de la thèse de l'accident ...
My Gun is Quick marquait la 3ème apparition à l'écran du détective privé Mike Hammer.
Plusieurs versions circulent sur la genèse de ce film. C'est la
Parklane Pictures Inc. qui le produisit, compagnie derrière laquelle, pour les 4 films qu'elle sortit, on retrouvait systématiquement les noms de Mickey Spillane, auteur des romans portés à l'écran et souvent co-auteurs des scénarios, et de Victor Saville, qui avait acheté les droits pour les romans du créateur de Mike Hammer, soit comme producteur, soit comme metteur en scène, soit les deux. Mais pour d'obscures raisons syndicales, il ne put en réaliser que 2 sur 4.
I, The Jury (J'aurai ta peau), 1953, fut mis en scène par Harry Essex et seulement produit par Saville. C était le premier Mike Hammer porté à l'écran. Le second,
The Long Wait (Nettoyage par le vide), 1954, écrit par Spillane (mais qui n'est pas un MH) avait été réalisé par Saville lui même. Et le 3ème,
Kiss Me Deadly (En quatrième vitesse), 1955, avait été signé par Robert Aldrich et produit par Saville.
Mais pour
My Gun is Quick, ça se complique et on peut penser qu'il y eu un désaccord entre l'auteur et le réalisateur/producteur puisque c’est le seul film où, en dehors de la présentation, Spillane ne figure nulle part au générique, ni comme auteur du roman ni comme scénariste. D'autre part, au générique, 2 réalisateurs sont crédités mais il semble bien que derrière ces 2 noms se cachent Saville qui employa au moins une autre fois le premier alias et il semble avéré que c'est également lui qui se cache sous le second. Employa t il ce stratagème pour des raisons juridiques en raison précisément d'un désaccord avec l'écrivain ou désavoua t'il le film ? Mystère
On peut quand mettre émettre quelques hypothèses car Spillane a du se sentir trahi devant cette version adoucie de son détective, dur, violent et même sadique, cynique et misogyne, tel que l'avait montré Aldrich précédemment, car on a affaire ici à un Hammer moins dur, moitié marteau, moitié enclume, tant il reçoit ici encore plus de coups qu'il n'en donne et il passe même la plus grande partie du film avec les stigmates de ses bagarres : bleus sur le visage, coupure au coin des lèvres … Il est aussi moins dur avec les femmes, à tous les sens du terme, puisqu'il refuse même ostensiblement de tuer le temps au lit avec Maria, la belle strip-teaseuse qui avait travaillé avec Red, la jeune prostituée tuée au début du récit, quand bien même, se trouvant dans la chambre de Maria, ils ont du temps à occuper puisqu'ils doivent patienter 3 h avant de pouvoir contacter un témoin clé. Or, le privé préfère se dérober et rentrer chez lui

D'autre part, ce qu'on lui voit faire pour Red, cette fille perdue est même à peu près impensable pour le Mike Hammer tel qu'il fut imaginé par son créateur
(1) et c'est peut être en partie pourquoi ce film est parfois très vilipendé, notamment par les fans de ce détective d'un nouveau genre à l'époque, moins justicier que ses prédécesseurs et capable d'être aussi impitoyable que ses adversaires. D'ailleurs, ici on pense d'abord que c'est bien plus sûrement pour venger la mort de Red que pour toutes autres raisons que s'implique le détective dans l'affaire des bijoux, sauf que de vengeance, il n'y aura pas ...
La superbe Maria, c'est le premier des très nombreux seconds rôles impliqués dans « le mystère de la collection Venacci », convoitée en apparence en premier lieu par son découvreur, le colonel américain qui après avoir purgé sa peine de prison pour le vol des bijoux jadis en Allemagne, est reparti à leur recherche, et une bande de malfrats français, d'anciens marins dirigés par un « capitaine crochet » presque sorti de
L’île au trésor. On en croise d'autres des personnages pittoresques dans cette nébuleuse affaire : Jean, un réfugié français devenu muet suite aux tortures infligées jadis par les nazis. Louis, le majordome louche d'une riche veuve dans la maison de laquelle résida jadis le colonel découvreur du trésor de bijoux. Nancy Williams, cette riche et belle veuve (Whitney Blake) qui emploie bientôt le détective. Sans compter les deux personnages obligés appartenant plutôt au camp du privé : Velda, sa secrétaire sexy et dévouée et le flic de service, à la fois (et ça c'est un lieu commun du genre) méfiant et menaçant mais relativement bienveillant à l'égard de Hammer, ce qui peut aussi être perçu comme une autre trahison de l'esprit de Spillane car chez lui, on pactise rarement avec les flics.
On peut aussi reprocher au film de n'être qu'une succession de scènes d'action, de bagarres, de meurtres, de guet apens, d'agressions sans ripostes possibles ; d'actes violents donc, mais restant dans les normes du genre, et même plus édulcorés que dans nombre de films noirs de l'époque, un comble pour un Mike Hammer. Ces séquences surviennent en alternance avec des séquences de séduction (avec Velda, sa secrétaire ; avec Maria, la strip-teaseuse ; avec la belle veuve ; avec Dionne, la secrétaire du colonel Holloway …) mais là aussi tout ceci est bien sage et prude et surtout la femme fatale est bien fade, surtout face à un Robert Bray, pas le plus connu et réputé des acteurs de noirs, loin de là, mais qui est très convaincant en détective privé rugueux … certes, pas forcément en Mike Hammer mais ce n'est pas trop de son fait.
Du coup, pour apprécier ce film comme je l'ai fait, il faut oublier Spillane ; le prendre pour un film de détective privé lambda et son intrigue pour une sorte de
faucon maltais bis. Ainsi il devient estimable, d'autant plus qu'il est superbement photographiée, parfois mis en scène de manière inspirée : la course poursuite qui suit le meurtre de Jean, le muet, dans les escaliers du quartier de Bunker Hill, rappelant d'ailleurs une séquence du film d'Aldrich. Dans une séquence se passant dans une entreprise de recyclage de ferraille ou encore la séquence nocturne et muette dans et autour de la villa de Nancy Williams ...
Cela dit, par honnêteté, je dois dire que
My Gun is Quick a plutôt une réputation désastreuse auprès de quelques critiques français qui se sont exprimés jadis sur le film, notamment B. Tavernier (ou JP Coursodon) et François Guérif. Pour ma part, je suis à son égard bien plus indulgent. Vu en vost.
(1) Red montre à Mike Hammer ses chaussures usées aux semelles trouées, seule allusion à son « métier » . Le privé lui paye d'abord un repas puis avant de la laisser partir, il lui donne de l’argent pour qu'elle puisse se chausser, se rhabiller et surtout repartir chez elle, lui donnant même son adresse afin qu'elle lui écrive pour lui apprendre qu'elle est bien rentrée à la maison

Quand elle s'avance pour l'embrasser chastement, le privé fatigué tend la joue ..
alors que le vrai Hammer l'aurait probablement renversé dans un sofa sans même prendre le temps de lui ôter sa culotte.
