Hondo, l’homme du désert (Hondo, 1953) de John Farrow
WARNER
Avec John Wayne, Geraldine Page, Ward Bond, Michael Pate, Rodolfo Acosta, James Arness, Leo Gordon, Paul Fix
Scénario : James Edward Grant d’après une nouvelle de Louis L’Amour
Musique : Hugo Friedhofer & Emil Newman
Photographie : Robert Burke & Archie Stout (Warnercolor)
Un film produit par Robert Fellows & John Wayne pour la Wayne-Fellow Production
Sortie USA : 25 novembre 1953
La société de production créée en commun par John Wayne et Robert Fellows, la Batjac, n'aura compté à son actif qu'à peine une trentaine de films, la plupart distribués par la Warner, et dont le plus grand titre de gloire sera sept ans plus tard le fameux
Alamo.
Hondo est le quatrième titre de la compagnie a être sorti sur les écrans américains et le premier western. Invisible durant plus d’une décennie, il était devenu une sorte de film culte de par sa rareté et du fait que John Ford en ait tourné une petite partie. De plus, il s’agissait d’un des rares westerns d’importance avec John Wayne à demeurer invisible pour des problèmes de droit. Tous ces éléments firent, qu’à l’instar de
Apache Drums de Hugo Fregonese, il faisait partie il y a encore peu des westerns les plus recherchés par les amoureux du genre. Mais contrairement à
Quand les tambours s’arrêteront, le western de John Farrow s’avère, sinon mauvais (loin de là) mais sacrément bancal.
Hondo étant son dernier western, on peut désormais affirmer que le cinéaste n’aura pas spécialement brillé dans le genre, gâchant en partie quasiment tous les bons scénarios qu’il eut entre les mains.
Hondo, reste néanmoins sa meilleure contribution au genre, un western pas désagréable, seulement bien décevant au regard de sa réputation.

1874 alors que les guerres indiennes battent leur plein suite aux traités de paix non respectés par le gouvernement américain. Hondo Lane (John Wayne), un éclaireur de l'armée américaine qui vient de perdre son cheval lors d’une échauffourée avec les Indiens, arrive dans le ranch isolé d'Angie Lowe (Geraldine Page) qui vit avec son fils Johnny, un garçon de dix ans. On lui offre gite, couvert et même monture. Malgré les affirmations de la jeune femme comme quoi son époux devrait revenir d’un jour à l’autre, Hondo comprend vite qu'elle a été abandonnée et qu'elle doit s'occuper seule de sa ferme. Il décide alors de rester quelque temps auprès d’eux, cherchant à les persuader de quitter la région sous peine de se faire massacrer par les Apaches. Mais Angie, confiante en un peuple qui ne lui a jamais fait le moindre mal, les Indiens venant abreuver leurs chevaux depuis des années sur ses terres, refuse de partir. N’étant pas arrivé à la convaincre, Hondo finit par se rendre à Fort Seddon où il se frotte à un rustre qui n’est autre que le mari d’Angie, Ed (Leo Gordon). Pendant ce temps là, le chef Apache Vittorio (Michael Pate), l’homme qui donne le plus de fil à retordre à la cavalerie, arrive au ranch des Lowe où, alors qu’il venait pour les menacer, impressionné par la bravoure du jeune Johnny, décide de les protéger et de faire du jeune garçon son frère de sang. En revanche, il explique à sa mère que si elle n’a plus d’époux, il va falloir qu’elle en choisisse un parmi ses guerriers si elle veut ne pas être inquiétée lors des raids meurtriers programmés qui devraient s'abattre sur la région…

A l’origine, John Wayne ne devait que produire
Hondo et c’était Glenn Ford qui devait tenir le rôle-titre. Sous contrat avec Batjac, ce dernier venait de tourner
Les Pillards de Mexico (Plunder of the Sun) sous la direction de John Farrow et préféra s’abstenir de recommencer l’expérience suite à ses rapports tendus avec le cinéaste. John Wayne, en remplacement de Katharine Hepburn dont le nom avait été d’abord pressenti pour le rôle d’Angie, dénicha une jeune actrice de théâtre new-yorkaise qui dans le même temps enseignait l’art dramatique. C’est ainsi que Géraldine page obtint son premier rôle au cinéma (et non moins qu'une nomination aux Oscars). Outre Ward Bond, l’ami de toujours du Duke, on trouve également au sein du casting, James Arness, qui était en quelque sorte le protégé de l’acteur-producteur, ce dernier l’encourageant plus tard (sans réussite) à reprendre le rôle de Hondo dans la série qui sera tirée du film en 1967. Quant au jeune Lee Haker, il deviendra une grande vedette de la télévision dès l’année suivante puisqu’il sera Rusty dans la série ‘Rintintin’. Du fait du maniement très pénible des caméras destinées à la 3D (et notamment sous la chaleur écrasante de cet été mexicain), le retard pris au tournage obligea John Farrow à le quitter avant la fin, ayant pris d’autres engagements par ailleurs et devant rentrer à Hollywood. C’est John Ford, habitué des plateaux Batjac en tant que grand ami de John Wayne, qui mit la main à la pâte et qui filma la longue scène finale de l’attaque du convoi de pionniers par les indiens. Franchement, même en le sachant, on n’arrive pas vraiment à reconnaître son style ni le souffle habituel qu’il arrive à insuffler à ses scènes d’action ; Ford semble avoir tourné ces séquences supplémentaires sans forte conviction, juste pour donner un coup de main en passant.

Un zest de
Shane (tout le postulat de départ avec l’arrivée de l’aventurier solitaire, son ‘intégration’ au sein d’une famille de fermiers ainsi que sa relation avec le jeune garçon), une pincée de
L’Ange et le mauvais garçon déjà scénarisé par James Edward Grant (les passionnantes relations du personnage interprété par John Wayne avec sa partenaire féminine), quelques dialogues et situations en faveur de la nation Apache (puisque nous étions en plein vague pro-indienne), un John Wayne très à son aise avec les dialogues laconiques que lui a écrit son scénariste favori pour au final un western en fait très classique. Il fut tourné en 3D alors qu’en cette fin 1953 le système (dans cette version) vivait déjà ses dernières heures après n’avoir perduré qu’à peine une année. Ce ne sont pas les spectateurs que nous sommes qui allons nous en plaindre car le résultat en 2D a souvent été assez hideux, le metteur en scène se préoccupant souvent plus de se mettre au service de ce gadget visuel plutôt que de se concentrer sur la beauté de ses plans. Ainsi, quelques scènes comme celle du combat au couteau entre John Wayne et Rodolfo Acosta, qui aurait du être le clou du film, se révèlent parfois pataudes et ridicules avec ces plans des acteurs tendant l’arme au spectateur sur fond de transparences très visibles. Heureusement, l’utilisation de la 3D a lieu ici à dose homéopathique et d’autres séquences mouvementées comme la poursuite de John Wayne par les indiens rattrapent le coup par une belle efficacité ; dommage par contre que la musique soit aussi souvent envahissante alors même que le doux thème principal du film que l'on entendait dès le générique s’avèrait une totale réussite.

Si la mise en scène est finalement assez fade (malgré de très beaux moments), le scénario n’est pas non plus entièrement satisfaisant. Il semblerait que les auteurs du films n’aient pas pu faire ce qu’ils souhaitaient car le script comporte de gros trous et beaucoup d’approximations ; dès qu’une piste intéressante est amorcée, on passe immédiatement à autre chose sans avoir eu le temps d’approfondir. Et puis cette intermission au bout de 40 minutes au sein d’un film ne dépassant pas l’heure et demie est on ne peut plus incongrue ! Comme si
Hondo avait été charcuté par les producteurs ; ce qui ne semble pourtant pas avoir été le cas. Un grand mystère en tout cas mais la patte de James Edward Grant ressort heureusement dans toute sa sensibilité quant il s’agit de décrire les relations entre les deux personnages principaux. Les premières vingt minutes sont à ce propos sans doute les plus réussies du film. D’un côté ce ‘Lonesome Cow-boy’ au sang-mêlé, charismatique à souhait mais hautement sentencieux, prônant l’indépendance comme mode de vie idéal (de l’égoïsme à ce niveau là), balançant à tout bout de champ sa phrase fétiche : "
A man oughta do what he thinks is right". Un de ces ours laconiques au grand cœur dans la peau desquels John Wayne savait si bien se fondre. Face ce protecteur avéré de la veuve et l'orphelin, une femme laborieuse n’ayant jamais quitté son lieu de naissance, ayant sacrifiée sa vie pour un mari qui ne le méritait pas ; mais malgré son caractère bien trempé, une femme douce et intelligente, d’une remarquable lucidité sur sa situation et assez fine psychologue au point de renvoyer dans ses cordes son trop arrogant et vaniteux compagnon. Anglophiles, je vous invite à lire cet extrait de dialogue qui fait suite à la décision de Hondo d’aller dire la vérité à Johnny sur son père, sur le fait que c’était un homme mauvais et que c’est lui-même qui a été obligé de le tuer.
Angie :
“You and your silly ideals. You think truth is the most important thing.”
Hondo :
“It's the measure of a man.”
Angie :
“Well, not for a woman. A man can afford to have noble sentiments and poses, but a woman only has the man she married. That's her truth. And if he's no good, that's still her truth. I married a man who was a liar, a thief and a coward. He was a drunkard and unfaithful. He only married me to get this ranch and then he deserted Johnny and me for good. And that's your fine truth for you. Could I bring Johnny up on that?”
Hondo :
“Well, I guess you couldn't”.
Angie :
“And then you come along and you're good and fine and everything that Ed could never hope to be. And now in your vanity, you want to spoil Johnny's chances and mine”.

Cet extrait de dialogue entre John Wayne et Geraldine Page est à mon avis un très bon exemple pour se rendre compte de la qualité des dialogues et de la richesse psychologique dans la description des personnages principaux. Il y avait vraiment de la matière pour un magnifique western ; malheureusement, toutes les pistes de la sorte sont abandonnées à peine apparues. Ainsi des relations entre le jeune Johnny (d’ailleurs plutôt terne) et le chef indien Vittorio tout juste esquissées ; ainsi du mode de vie des indiens qui, d’après Hondo, est le meilleur qui soit, mais dont on ne verra jamais rien ; ainsi du personnage savoureux que joue Ward Bond mais qui ne sert finalement pas à grand-chose ; ainsi des relation du jeune garçon, cette fois avec Hondo, qui ne sont guère plus fouillées mais qui sont à l’origine de la séquence la plus cocasse du film, celle au cours de laquelle John Wayne, apprenant que Johnny ne sait pas nager, le prend par le fond de culotte et le jette au milieu de la rivière pour qu’il fasse immédiatement son apprentissage ; ainsi des relations entre Hondo et Angie qui, si elles sont ce qui est de plus attachant et de plus réussi, souffrent de la comparaison avec celles qui liaient John Wayne et Gail Russell dans
The Angel and the Badman, l’unique réalisation du scénariste de
Hondo, James Edward grant… Des exemples d’idées intéressantes à peine esquissées ou trop peu développées, d’hésitations quant à la direction à prendre, de schématisme dans la description des personnages, etc., malheureusement le scénario en fourmille ; d’où mon interrogation quant à savoir s’il n’y aurait pas eu charcutage ! A écouter tous les protagonistes ayant participé au film, encore une fois, rien de tel ne serait arrivé.

Bref, jamais ennuyeux, même souvent très plaisant, mais trop inégal que ce soit au niveau de la mise en scène ou de l’écriture pour pleinement satisfaire. Resteront néanmoins en mémoire quelques fabuleux moment comme l’arrivée d’Hondo dans le ranch isolé dès les premières images, la spectaculaire poursuite du même Hondo par les indiens se terminant par la descente d’une falaise de sable à cheval, les plans magnifiques de John Wayne s’arrêtant au bord d’une rivière d’un bleu ‘warnecolorisé’ absolument superbe, ceux d’un naturel étonnant voyant le même John Wayne manier la pince et le marteau de maréchal-ferrant comme s’il avait toujours fait ça… Pour finir et pour la bonne bouche, encore un extrait des très bonnes réparties dues à James Edward Grant :
Angie Lowe :
“I love you. I suppose I shouldn't have said that with my husband dead so short a time”.
Hondo Lane :
“I don't guess people's hearts got anything to do with a calendar.”
Bref, malgré ne pas avoir été très tendre envers lui, le film demeure néanmoins attachant.