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Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 13 juin 15, 16:54
par Demi-Lune
Fuck yeah. Comme toutes les Comédies et proverbes, un film indispensable qui élève intellectuellement et nous rend bien avec le monde. Je ne crois pas qu'on me contredira si je dis que tout le passage au Parc des Buttes-Chaumont est un des sommets de l’œuvre de Rohmer. Comment en effet résister au charme et à la gouaille de la jeune Anne-Laure Meury, absolument irrésistible ? Ah, sa chevelure botticellienne, son polo sombre, son pull posé sur ses épaules, son air mutin et ses réparties bien senties pour son âge... On ne vantera jamais assez le brio du magicien Rohmer lorsqu'il s'agit de brosser et d'incarner des personnages féminins, dont on ne devine pas forcément au départ le pouvoir de séduction, mais avec lesquels on finit par vouloir soi-même passer la vie. Je me sens toujours un peu con lorsque j'essaie d'écrire une bricole sur Rohmer, pour lui rendre le millième de ce que son cinéma m'apporte, mais la simple évocation des titres de ses films dépasse toujours pour moi la simple considération cinématographique, je pense à ses films comme je pense à une femme, comme je pense aux femmes qui les peuplent. Il y a un critère d'émoi qui rentre en jeu, le souvenir de plans est moins fort que celui de l'harmonie plastique dans laquelle s'épanouissent ces femmes fascinantes. L'intelligence pétillante et rafraîchissante de la jeune Lucie, l'entêtement farouche et idéaliste de Sabine, la candeur angélique de Pauline, l'irrésolution mélancolique de Delphine, l'innocence tendre de Blanche... je chéris ces films comme des trésors, à la manière d'un Louis Ier de Bavière collectionnant les portraits des plus belles femmes de son temps. Voilà pour le post enflammé du jour. :D

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 13 juin 15, 16:56
par Jeremy Fox
Demi-Lune a écrit : Je ne crois pas qu'on me contredira si je dis que tout le passage au Parc des Buttes-Chaumont est un des sommets de l’œuvre de Rohmer.
Rien que dans ce film, je préfère la dernière séquence entre la lumineuse Marie Rivière et Philippe Marlaud. Mais oui, c'est délicieux.

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 13 juin 15, 16:57
par Jeremy Fox
Demi-Lune a écrit : Voilà pour le post enflammé du jour. :D
J'adore 8) Mais attends toi à des moqueries d'autres membres de la rédac dont l'un pour qui La Femme de l'aviateur est un de ses pires cauchemars :mrgreen:

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 13 juin 15, 17:03
par Jeremy Fox
Jeremy Fox a écrit :
Demi-Lune a écrit : Je ne crois pas qu'on me contredira si je dis que tout le passage au Parc des Buttes-Chaumont est un des sommets de l’œuvre de Rohmer.
Rien que dans ce film, je préfère la dernière séquence entre la lumineuse Marie Rivière et Philippe Marlaud. Mais oui, c'est délicieux.
Un truc néanmoins génial dans cette scène, ce sont aussi les plans sur les quidams qui n'hésitent pas à regarder bien droit dans la caméra, nous troublant encore plus, ne sachant plus s'il s'agit d'une fiction ou d'un documentaire. C'est ça aussi Rohmer !

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 13 juin 15, 17:07
par AtCloseRange
Demi-Lune a écrit :Fuck yeah. Comme toutes les Comédies et proverbes, un film indispensable qui élève intellectuellement et nous rend bien avec le monde. Je ne crois pas qu'on me contredira si je dis que tout le passage au Parc des Buttes-Chaumont est un des sommets de l’œuvre de Rohmer. Comment en effet résister au charme et à la gouaille de la jeune Anne-Laure Meury, absolument irrésistible ? Ah, sa chevelure botticellienne, son polo sombre, son pull posé sur ses épaules, son air mutin et ses réparties bien senties pour son âge... On ne vantera jamais assez le brio du magicien Rohmer lorsqu'il s'agit de brosser et d'incarner des personnages féminins, dont on ne devine pas forcément au départ le pouvoir de séduction, mais avec lesquels on finit par vouloir soi-même passer la vie. Je me sens toujours un peu con lorsque j'essaie d'écrire une bricole sur Rohmer, pour lui rendre le millième de ce que son cinéma m'apporte, mais la simple évocation des titres de ses films dépasse toujours pour moi la simple considération cinématographique, je pense à ses films comme je pense à une femme, comme je pense aux femmes qui les peuplent. Il y a un critère d'émoi qui rentre en jeu, le souvenir de plans est moins fort que celui de l'harmonie plastique dans laquelle s'épanouissent ces femmes fascinantes. L'intelligence pétillante et rafraîchissante de la jeune Lucie, l'entêtement farouche et idéaliste de Sabine, la candeur angélique de Pauline, l'irrésolution mélancolique de Delphine, l'innocence tendre de Blanche... je chéris ces films comme des trésors, à la manière d'un Louis Ier de Bavière collectionnant les portraits des plus belles femmes de son temps. Voilà pour le post enflammé du jour. :D
C bo.

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 07:26
par Johnny Doe
A la découverte du Genou de Claire, encore tout retourné, j'avais décidé de découvrir Rohmer chronologiquement. Quelques mois plus tard je me suis enfin décidé à regarder Le Signe du Lion.

Parce qu'il n'est pas considéré comme un indispensable, j'y allais avec appréhension. Finalement c'est un film un peu étrange, pas vraiment à sa place dans ce qu'on attend d'un film de Rohmer (bien moins littéraire, jeu plus conventionnel, mise en scène caméra à l'épaule par moment), c'est plus un film de la Nouvelle Vague, dont on sent une influence presque écrasante sur tout le film. Mais ça reste une découverte intéressante, avec ce rythme assez particulier, l'absence de ligne scénaristique claire dans une bonne partie du film, un personnage principal qui se dévoile tardivement et s'avère, au départ, assez antipathique.

Il y a surtout cette longue séquence de déambulation, où Pierre se transforme progressivement en SDF, qui est clairement la réussite du film. C'est une partie pratiquement muette (ou du moins, une partie où les dialogues n'ont que peu d'importance, encore une fois, étonnant chez Rohmer), très belle, avec un Paris magnifique en noir et blanc et cette capacité à rendre la fatigue, la lassitude du personnage principal, son enfermement, palpable. Rohmer semble d'ailleurs s'amuser à donner au hasard une dimension un peu sadique, en rajoutant constamment, jusqu'à une toute dernière partie un peu excessive à mon goût, même si on ne sait pas bien depuis combien de temps Pierre se retrouve sans abris.

Surtout, c'est un film bourré d'ironie et assez acide (les "copains" qui rigolent de Pierre qui vient leur taper du fric), jusque dans son titre. Pierre qui clame qu'il est né sous le signe du Lion, le signe le plus fort, celui des conquérants, alors que le film s'amusera avec cette image, cette contenance que se donne le personnage, durant tout le film.

Finalement plutôt content de ce premier film, qui m'a rendu encore plus curieux de découvrir la suite de carrière de Rohmer.

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 14:42
par Roy Neary
Jeremy Fox a écrit :
Demi-Lune a écrit : Voilà pour le post enflammé du jour. :D
J'adore 8) Mais attends toi à des moqueries d'autres membres de la rédac dont l'un pour qui La Femme de l'aviateur est un de ses pires cauchemars :mrgreen:
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Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 14:43
par Jeremy Fox
Roy Neary a écrit :
Jeremy Fox a écrit : J'adore 8) Mais attends toi à des moqueries d'autres membres de la rédac dont l'un pour qui La Femme de l'aviateur est un de ses pires cauchemars :mrgreen:
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T'es long à la détente :mrgreen:

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 14:44
par Roy Neary
Jeremy Fox a écrit :T'es long à la détente :mrgreen:
C'est que j'ai peur de m'aventurer dans ce topic. :lol:

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 14:49
par Jeremy Fox
Roy Neary a écrit :
Jeremy Fox a écrit :T'es long à la détente :mrgreen:
C'est que j'ai peur de m'aventurer dans ce topic. :lol:
T'inquiète, même si tu deviens contaminé, la rohmérite est une bonne maladie :D

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 19 juin 15, 14:54
par Roy Neary
Pas de risques, sauf exceptions, je suis immunisé à partir des films de la fin des années 70. :P :oops:

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 18 juil. 15, 11:56
par Jeremy Fox
Le Beau Mariage - 1981

Sortant d'une relation décevante avec un homme marié qui ne lui consacrait pas assez de temps, Sabine se met en tête de se marier avant même d'avoir trouvé le futur époux. Sa meilleure amie va lui présenter son cousin, un avocat parisien. Sabine part bille en tête et décide que ce sera son mari coute que coute...

Deuxième film de la série des "comédies et proverbes" ("Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ?"), Le Beau mariage me plait de plus en plus après l'avoir longtemps trouvé très mineur. Un détail peut-être mais c'est un des films de Rohmer où les personnages se déplacent le plus, des quartiers du vieux Le Mans à un appartement parisien en passant par la modeste maison de province de Sabine à celle plus cossue de campagne d'Arielle Dombasle. Les personnages passent beaucoup de temps en train et en voiture et Rohmer a tout le loisir de démontrer son talent de topographe et dans sa gestion de l'espace. Rien que pour ça, le film est délicieux, notamment pour les nostalgiques du début des années 80, ses voitures... Autrement, le scénario est une fois encore parfaitement bien écrit, très fluide, les dialogues toujours aussi savoureux et intéressants, les idées de Béatrice Romand sur le mariage et la vie de couple n'étant pas aussi réactionnaires qu'on a bien voulu le dire mais au contraire assez modernes. Ce n'est pas tant une fille à principes qu'elle veut bien le dire puisqu'elle accepte volontiers tous les cas de figure.

Les interprètes font des merveilles que ce soit Béatrice Romand dans un rôle pas évident (à la fois égocentrique, pénible et attachante) Arielle Dombasle très juste et très charmante ou encore André Dussollier dont la maladresse convient parfaitement à son personnage timide et réservé. Tous les seconds rôles s'avèrent tout aussi bien choisis et je ne me souvenais pas de la beauté et de la simplicité de certains séquences comme celles réunissant Béatrice Romand et sa mère. Un film qui m'est de plus en plus délectable même si j'apprécie encore bien plus un grand nombre d'autres de ses films.

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 20 juil. 15, 12:05
par Amarcord
Le cycle des Comédies et proverbes (qui me semble un peu sous-estimé, en regard du cycle qui le précède, l'incontournable Contes moraux... sans doute parce qu'il paraît plus léger, plus insouciant, moins "sérieux") est d'une telle qualité que même l'opus qui semble, notoirement, le moins parfait des 6 (en l'occurrence ce Beau mariage), on est bien en peine de le trouver réellement mineur... Aujourd'hui, j'ai de plus en plus de mal à classer les Rohmer en général (même si je pense qu'il y en aura toujours 3 ou 4 qui, obscurément, se détacheront à jamais du lot, comme Ma nuit chez Maud, Le Genou de Claire, Le Rayon vert ou Conte d'hiver) ; et je vois plus le cycle des Comédies et proverbes comme un ensemble homogène (avec des correspondances plus ou moins réelles, plus ou moins conscientes, plus ou moins mystérieuses, plus ou moins fantasmées*... mais ça fait partie aussi de ce plaisir si particulier que seul le cinéma singulier de Rohmer peut offrir) surplombé tout de même par le définitif Rayon vert.
Mais c'est marrant ta réflexion sur Le Beau mariage...
Jeremy Fox a écrit :Le Beau mariage me plait de plus en plus après l'avoir longtemps trouvé très mineur.
...parce que c'est exactement mon ressenti aussi : plus je le vois, plus je le trouve attachant (alors que les autres opus du cycle m'ont plu tout de suite totalement, de manière inconditionnelle). Peut-être est-ce parce que c'est le moins "aimable" des 6 (de par son sujet, ses personnages... ?) ? Je ne sais pas. mais il est clair qu'il se bonifie avec le temps, comme un bon vin.

* : dans le cas précis du Beau mariage, on peut tout à fait voir dans le personnage du peintre (l'amant de Sabine interprété par Féodor Atkine) une ébauche (ou l'annonce, ou le brouillon, ou le frère, ou le cousin... ou le même personnage) du don juan qu'Atkine incarnera dans le film suivant, Pauline à la plage... De même, l'aplomb obstiné de Sabine n'est pas sans rappeler la bienveillance agressive que la même Béatrice Romand manifestera au début du Rayon vert, envers la pauvre Delphine (qui n'est pas, elle-même, sans rappeler la Anne de La Femme de l'aviateur... toutes deux interprétées par une seule et même Marie Rivière)...

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 20 juil. 15, 12:20
par Jeremy Fox
Amarcord a écrit : Peut-être est-ce parce que c'est le moins "aimable" des 6 (de par son sujet, ses personnages... ?) ? Je ne sais pas.
Finalement, le personnage joué par Béatrice Romand est attachant malgré ses défauts ; elle dit aussi parfois des choses très censées. Et ceux qui se moquent du jeu d'Arielle Dombasle devraient changer d'avis en voyant ce film : elle y est très juste.

Re: Eric Rohmer (1920-2010)

Publié : 3 sept. 15, 08:11
par Jeremy Fox
Les Nuits de la pleine lune - 1984

Un couple constitué par une jeune femme qui aime faire la fête et rester parfois seule alors que son compagnon est plus casanier mais très possessif. Pour pouvoir continuer à l'aimer, la femme décide de partager ses nuits entre celles passées chez son ami dans une ville nouvelle en banlieue et celle qu'elle passera seule dans son appartement parisien. Un ami profitera de l'occasion pour la séduire...

C'est de toutes les comédies et proverbes, celle qui m'a toujours laissé le plus sur ma faim. Non que je ne l'apprécie pas (tout au contraire, je prends toujours plaisir à la voir), mais surement subjectivement, je la trouve moins harmonieuse. Je trouve que Rohmer ne s’appesantit pas assez sur la topographie des lieux contrairement à d'habitude (on a du mal à imaginer le quartier dans lequel vit Louise à Paris), semble moins à l'aise avec le milieu qu'il décrit ici (les nuits branchées parisiennes avec des séquences de danse bien trop étirées) et que certains comédiens se coulent assez mal à son univers comme le pourtant bon Tcheky Karyo. Même si je trouvait Pascale Ogier talentueuse elle aussi, j'avoue avoir plus d'affinités avec d'autres actrices typiquement rohmeriennes comme Marie Rivière, Sophie Renoir ou Beatrice Romand.

Ceci étant dit, c'est une fois de plus aussi délicieux qu'intelligent, aussi frais qu'inimitable et Luchini était déjà génial dans le rôle qui allait véritablement le lancer. Rohmer n'a décidément pas son égal et ses films sont désormais en plus de toutes leurs qualités de véritables et passionnants documents sociologiques.