Madame de (1953)
Madame de est mariée à un militaire, mais elle est frivole et pour pouvoir combler ses besoins vend ses boucles d'oreille, son mari les achète et les donne à sa maîtresse qui pour pouvoir jouer les revend, un baron italien diplomate les achète, et tombe amoureux de Madame de.
L'histoire pourrait faire penser à la Ronde, tant les boucles d'oreilles passent de mains en mains, naturellement, elles ne font que passer et ne sont pas l'objet d'une histoire à part. Max Ophuls réalise ici un magnifique mélodrame, comment ne pas être sensible au "drame" que va vivre Madame de, superbement interprétée par Danielle Darrieux au sommet de son art. Charles Boyer est impérial en mari jaloux, odieux tandis que Vittorio de Sica prête tout son charme italien au Baron. On admire aussi le travail de Max Ophuls notamment dans cette succession de valses où les deux futurs amants voient leurs sentiments grandir, la légèreté des dialogues, ou encore dans cette superbe vue de Madame de marchant au bord de la mer. Il est intéressant aussi de voir la composition des scènes, avec souvent des personnages qui parlent hors champ, on retrouve ici aussi ce jeu de miroir qui était si frappant dans l'Exilé. La scène d'ouverture où on voit juste les mains de Danielle Darrieux fouiller est un exemple de la maîtrise du réalisateur. Il ne faut pas aussi oublier cette valse magnifique qui sonne si lugubrement à la fin... Le roman de Louise de Vilmorin trouve une illustration absolument superbe dans ce film et dans les dialogues de Marcel Achard spirituels et dépeint aussi une société où l'hypocrisie et les convenances sont plus importantes que les sentiments humains, même si finalement ceux-ci finissent par ressurgir.
L'image du coffret n'est aucunement recadré, ce sont les captures du Criterion qui sont encadrées et donnent l'impression d'un recadrage.
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Lola Montes (1955)
La vie de la célèbre danseuse maîtresse de nombreux hommes dont le roi Ludwig Ier de Bavière, devenue attraction principale d'un cirque.
Lors de sa sortie, le film fut boudé par les spectateurs qui furent choqués par l'histoire. Le film fut donc charcuté et présenté dans une version peu conforme aux souhaits du réalisateur, l'an passé la cinémathèque a présenté la version restaurée du film, telle que la souhaitait Max Ophuls. On comprend ce qui a pu choquer les spectateurs, tant l'évocation de Lola est malsaine et surtout peu conforme au caractère de Martine Carol qui jouait avec passion de grandes héroïnes historiques ou romanesques, naturellement époque oblige tout est suggeré et non montré.
Il faut dire que deux sentiments se bousculent en voyant le film. Il y a sentiment de malaise quelque part avec ce côté malsain, voyeur, dû ce cirque qui présente à l'aide de nains, et autres attractions la vie de cette courtisane, piètre danseuse. L'évocation de Lola est sans concession et montre une fille sans grand intérêt, dont on ne sait pas si l'intérêt est l'argent, le sexe ou l'envie de faire parler d'elle. Le seul moment qui n'est pas dérangeant est sans doute l'évocation de sa liaison avec le Roi de Bavière, mais sans doute est-ce aussi du au fait que c'est la seule fois où on la montre en véritable femme "amoureuse" et non juste intéressée. Les dialogues sont souvent longs et sans grand intérêt, toutes les scènes de scandale ne sont qu'évoquées, jamais montrées hormis une scène en Italie. Ophuls présente une Lola qui ne "vit" pas, elle subit les évènements, que ce soit sa rupture avec Liszt, son destin d'animal de foire.
Pourtant le film est fascinant par le traitement de son image, son côté baroque à l'outrance, l'utilisation du cinémascope qui permet de montrer la nature magnifique lors des voyages de Lola dans sa calèche, mais cinemascope souvent réduit par un jeu de filtre qui ne met en relief que les protagonistes des scènes comme s'ils étaient vus à la loupe. On remarquera aussi une composition assez spéciale des plans qui sont souvent coupés en leur milieu par un "obstacle".
Martine Carol est Lola, froide, inintéressante au possible. Peter Ustinov est magistral en maître de cérémonie. Anton Walbrook campe un Ludwig Ier fort attachant. Curieusement c'est le portrait d'une courtisane peu attractive qui est dressé, car jamais Lola n'est montrée de manière attachante, sauf quand jeune fille, elle est le bateau découvre le dortoir où elle va dormir ou voit sa mère et son amant à travers un hublot (superbe image au passage). C'est sans doute cela qui est le plus perturbant, là où on attend un film d'aventures "romanesques", on a un film artistique qui nous dresse un portrait sans "enthousiasme" d'une courtisane. L'enthousiasme vient de la narration du maître de cérémonie, mais les souvenirs de Lola sont toujours sans passion.
L'intérêt du film réside surtout dans l'esthétisme des plans, avec ces longs fondus enchainés, où l'image de l'héröïne de cirque reste longtemps incrustée dans le plan suivant, ce travail sur les couleurs, à la fois chaudes dans les scènes de flash back et froides dans les scènes de cirque, même si il y a une véritable harmonie avec ces rouges notamment omniprésents. La scène de l'émeute en Bavière est-elle aussi magnifique. Le problème est sans doute cette narration assez spéciale où on voit les évocations de la vie à travers quelques flashs backs mais de manière plus sordide avec ce' cirque. Lola Montes n'est sans doute pas le chef d'oeuvre d'Ophuls, n'en reste pas moins une oeuvre dérangeante, baroque.