Ce que je voulais surtout suggérer dans mon intervention, c'est que, les benshis faisant partie de la réalité de l'exploitation, les réalisateurs japonais en tenaient probablement compte dans leur mise en scène.k-chan a écrit : Pourtant, le film dont je parlais au dessus qui fut critiqué par un benshi date de 1919. Je n'étais pas là à l'époque, mais il semble qu'à l'origine, les benshis étaient là pour réciter à hautes voix les intertitres, la plupart des spectateurs de l'époque étant illettrés. C'est pour cela que je doute que les cinéastes réalisaient leur films en pensant aux benshis (si ce n'est peut-être en grinçant des dents). Les benshis ont pris avec le temps beaucoup d'importance, au point d'être plus populaires que certains acteurs ou cinéastes, et improvisaient par dessus les images. Alors après, peut-être que certains cinéastes ne trouvaient rien à redire, mais il y eu aussi visiblement, et pendant longtemps, des mouvements contre les benshi, avant même l'arrivée du parlant.
Après, il est certain que la part d'improvisation et d'interprétation personnelle étant majeure dans ce travail, il était impossible pour un réalisateur d'anticiper tous les traitements réservés à leurs films, ici un benshi de talent rendant le film plus palpitant pour son public, là un idiot faisant un contresens qui affaiblit la conclusion du film... (mais c'est aussi vrai d'un accompagnement musical raté pour un film. On n'y est plus habitué, parce que souvent, l'accompagnement -correct- est inclus dans la bande-son du film ou du dvd, mais on peut imaginer quel effet fait une musique qui s'arrête au mauvais moment, part sur un mauvais rythme, entame un air triste pour un gag ou l'inverse. Les salles n'étaient pas des lieux très prestigieux, et il est probable que s'y produisaient parfois des musiciens pas très inspirés).
Logique, donc, qu'un metteur en scène ayant une haute conception de son art regrette de ne pas pouvoir assurer un contrôle total sur son oeuvre. Mais ça ne devait pas être le cas de beaucoup de réalisateurs à cette époque où la plupart se considéraient comme des artisans, et le benshi restait un moyen de rendre accessible un film au plus grand nombre. On peut imaginer qu'un benshi prestigieux soit plus suivi pour lui-même que pour les films qu'il commente, ce qui est dommageable pour un cinéaste de talent, mais peut sauver un film raté (ou difficile à accepter pour le public) du naufrage.
Bref, je pense que ces intermédiaires supplémentaires entre le cinéaste et son public ajoutent toutes sortes de problématiques à la question du cinéma et de sa réception. Mais il reste à mes yeux impossible que les cinéastes aient tourné leurs films sans se demander comment les benshi traiteraient telle ou telle séquence... Ils ont donc, je pense, pris en compte leur existence dans leur mise en scène.
Cela dit, il est certain que cette façon de voir un film est très différente de celle à laquelle nous sommes habitués, et ça peut déranger notre perception du film (un gars qui parle tout du long, brrrr). Je tenterais ces dvd un de ces quatre, pour me rendre compte.