
Filmer l'histoire (index p. 1)
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- AlexRow
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Buffalo Bill (William Wellman, 1944). William Frederick Cody est un aventurier américain de la Frontière (1846-1917), l'une des dernières grandes figures héroïques de la Conquête de l'Ouest qui s'acheva en l'année 1890. Comme pour la plupart de ses confrères, établir sa biographie sur des bases assurées relève de la gageure tant nous sommes tributaires de la construction du personnage par la presse, la littérature d'aventure et par l'intéressé lui-même et ses proches. Éclaireur nordiste pendant la guerre de Sécession, puis pour l'armée du général Custer lors des guerres indiennes des années 1870, c'est à son activité d'organisateur de chasses aux bisons pour riches Easterners ou Européens en quête de sensations fortes qu'il doit son surnom. Ces diverses facettes nourrirent l'imaginaire et la plume de l'aventurier et écrivain Ned Buntline qui consacra à "Buffalo Bill" une série de romans d'aventures. Ceux-ci fondèrent la légende du cowboy en même temps qu'ils imposèrent le genre des dime novels. Fort de cette notoriété exceptionnelle, et sentant peut-être le vent de l'aventure tourner, Bill Cody se rendit à Washington. Sur la côte Est, il incarnait une vision exotique du Grand Ouest, image qu'il mit à profit en fondant un spectacle équestre comprenant des Amérindiens et qui fit le tour du monde.

Tourné en pleine Deuxième Guerre mondiale, ce portrait d'une des plus grandes légendes de l'histoire moderne américaine regorge de symboles patriotiques. Pourtant, dès son introduction ce film mélange de manière subtile les topoi du genre et leur démystification. C'est tout l'art de ce film que de conserver l'équilibre entre respect du mythe, regard humain et intime sur le personnage et réflexion sur certains aspects peu glorieux de l'histoire américaine. De l'extinction des bisons à la spoliation des Indiens en passant par la corruption et l'usage de la puissance des médias à des fins financières troubles, la Conquête de l'Ouest semble soudain ternie. Pourtant, la générosité et la simplicité de Buffalo Bill suffisent à lui redonner son lustre, à la purifier de ses péchés... Le personnage incarné à l'écran par Joel McCray est ici méthodiquement absout de toutes les accusations qui ont pesé sur son illustre prototype. On découvre un chasseur écologiste avant l'heure, inquiet des conséquences de la chasse aux bisons qu'il organisa pourtant lui-même à grande échelle ; un défenseur de la cause des Indiens, qu'il avait contribué à défaire lors de la bataille de War Bonnet Gorge ; un promoteur de la culture des natifs du continent, lui qui en tirait profit sous la forme d'un spectacle où de fiers guerriers Peaux-Rouges jouaient les attractions. Il y a peu de chance que ce portrait idéal soit conforme à la vérité historique. Doit-on pourtant y voir une vaste entreprise de révisionnisme bon teint ? Rien ne serait plus injuste. Pour chaque enjolivement de la biographie, Wellman nous injecte en contrepartie une dose de critique historique qui ébranle la bonne conscience populaire. Grâce à ce traitement de choc, ce personnage presque trop beau devient porteur de nouvelles valeurs, appelant à la lucidité, à l'humilité et à la réconciliation un peuple qui se battait désormais côte à côte avec ses frères ennemis indiens pour délivrer un continent lointain. Cette éblouissante leçon morale bâtie sur une figure légendaire plutôt ambiguë démontre qu'il est possible d'aller gratter le vernis de l'histoire officielle sans forcément devoir brûler les icônes.
Catégorie : biographie-légende
J'ai maintenant hâte de découvrir la vision donnée par Robert Altman de la dernière partie de la carrière de William Cody.

Tourné en pleine Deuxième Guerre mondiale, ce portrait d'une des plus grandes légendes de l'histoire moderne américaine regorge de symboles patriotiques. Pourtant, dès son introduction ce film mélange de manière subtile les topoi du genre et leur démystification. C'est tout l'art de ce film que de conserver l'équilibre entre respect du mythe, regard humain et intime sur le personnage et réflexion sur certains aspects peu glorieux de l'histoire américaine. De l'extinction des bisons à la spoliation des Indiens en passant par la corruption et l'usage de la puissance des médias à des fins financières troubles, la Conquête de l'Ouest semble soudain ternie. Pourtant, la générosité et la simplicité de Buffalo Bill suffisent à lui redonner son lustre, à la purifier de ses péchés... Le personnage incarné à l'écran par Joel McCray est ici méthodiquement absout de toutes les accusations qui ont pesé sur son illustre prototype. On découvre un chasseur écologiste avant l'heure, inquiet des conséquences de la chasse aux bisons qu'il organisa pourtant lui-même à grande échelle ; un défenseur de la cause des Indiens, qu'il avait contribué à défaire lors de la bataille de War Bonnet Gorge ; un promoteur de la culture des natifs du continent, lui qui en tirait profit sous la forme d'un spectacle où de fiers guerriers Peaux-Rouges jouaient les attractions. Il y a peu de chance que ce portrait idéal soit conforme à la vérité historique. Doit-on pourtant y voir une vaste entreprise de révisionnisme bon teint ? Rien ne serait plus injuste. Pour chaque enjolivement de la biographie, Wellman nous injecte en contrepartie une dose de critique historique qui ébranle la bonne conscience populaire. Grâce à ce traitement de choc, ce personnage presque trop beau devient porteur de nouvelles valeurs, appelant à la lucidité, à l'humilité et à la réconciliation un peuple qui se battait désormais côte à côte avec ses frères ennemis indiens pour délivrer un continent lointain. Cette éblouissante leçon morale bâtie sur une figure légendaire plutôt ambiguë démontre qu'il est possible d'aller gratter le vernis de l'histoire officielle sans forcément devoir brûler les icônes.
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J'ai maintenant hâte de découvrir la vision donnée par Robert Altman de la dernière partie de la carrière de William Cody.
- harry callahan
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Je découvre ce topic ce soir et je salue le travail. Pour ma part je pense à Capitaine Conan qui à travers l'histoire intime de soldats puis celle remarquable d'un régiment qui continue à se battre aprés l'armistice nous décrie la 1 ére guerre mondiale, bref, une façon de découvrir l'histoire par plusieurs petits bouts de lorgnettes.
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AlexRow a écrit :Marie-Antoinette (Sofia Coppola, 2006). Il est dans l'histoire des personnalités qui ont un destin, de celles qui impriment un cours inattendu aux événements de leur temps et défient les lois des mouvements sociaux de fond et du temps long. Mais Marie Antoinette n'est pas de celles-là. Si elle reste aujourd'hui encore un objet de fascination, pour les foules plus que pour l'historien, elle le doit essentiellement au cruel contraste d'une vie frivole et d'une mort digne mais brutale. Ces deux aspects ont forgé une figure tragique à grands renforts de formules plus ou moins apocryphes, de liaisons intimes plus ou moins supputées, de caricatures et de fantasmes. Qui se gausse des fantaisies capillaires de la coquette et qui se recueille sur la mèche recueillie pieusement avant l'échafaud. Qui rit de la retraite bucolique de la bergère d'opérette et qui pleure sur la sordide cellule de la prison du Temple. Épouse délaissée et mère d'enfants martyrs, mais aussi prescriptrice de mode, mécène, chanteuse, musicienne, comédienne sur scène parfois et dans sa vie toujours... la vie de Marie-Antoinette n'est peut-être ni si édifiante ni si vaine que l'ont voulu les auteurs nostalgo-royalistes ou socio-révolutionnaires. Elle est avant tout la vie d'une femme de rang princier au XVIIIe siècle, confinée d'abord dans sa fonction procréatrice et ensuite dans son rôle d'enjeu des faveurs de la bouillonnante caste nobiliaire de cour. Ainsi dressé, ce portrait penche moins du côté de la tragédie que de celui de la rêverie romantique : la châtelaine qui rêve d'une chaumière, la princesse qui joue à la bergère.
J'ai l'impression que le sujet te passionne, non ? Autre question: tu aimes "Gala" ?

AlexRow a écrit : Sofia Coppola a choisi de se détourner de la fresque au profit de la miniature intimiste. La narration suit la chronologie d'une manière lache en recourant à de nombreuses ellipses....ni de justifier son comportement mais simplement une envie de convier le spectateur à partager un peu la vie d'une personne réelle placée dans une position et des circonstances exceptionnelles.
C'est extrêmement difficile de dire ce qu'a cherché à faire Mlle Sofia Coppola...
Personnage ordinaire plongée dans des circonstances extraordinaires, mouais...

AlexRow a écrit : Tout est mis en oeuvre pour abolir la distance du spectateur, à commencer par l'usage d'une musique contemporaine, tantôt en position subjective tantôt intégrée à la scène. Sofia Coppola aurait par ailleurs glissé volontairement quelques éléments dystopiques et/ou dyschroniques mais je n'ai pas pu discerner l'ombre de la converse tant mentionnée.
C'est quoi "dystopique" et "dyschronique" ?!



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Merci pour ton soutien et à tous ceux qui participent à la réflexion.homerwell a écrit :Je découvre ce topic ce soir et je salue le travail.
Je ne l'ai pas encore vu mais le pitch est intéressant. N'hésite pas à développer.Pour ma part je pense à Capitaine Conan qui à travers l'histoire intime de soldats puis celle remarquable d'un régiment qui continue à se battre aprés l'armistice nous décrie la 1 ére guerre mondiale, bref, une façon de découvrir l'histoire par plusieurs petits bouts de lorgnettes.
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Les posts de ce topic ne sont pas des critiques des films mais des tentatives d'analyse des diverses approches de l'histoire au cinéma. Les contre-propositions sont les bienvenues.tronche de cuir a écrit :
Voilà. Ce sont des éléments qui n'appartiennent ni aux lieux ni à l'époque décrite. J'emploie ces mots pour les dissocier de l'utopie et de l'uchronie - qui sont des constructions complexes d'univers ou de systèmes s'affranchissant de la trame géo-historique réelle - et de l'anachronie - qui relève souvent de l'erreur involontaire.tronche de cuir a écrit :C'est quoi "dystopique" et "dyschronique" ?!anomalie de la chronologie ?
![]()
C'est plutôt l'engouement populaire pour le personnage qui m'intéresse et que je cherche à saisir. Mais je n'ai pas dû être assez clair dans mon post.tronche de cuir a écrit :J'ai l'impression que le sujet te passionne, non ?
A la folie. Je viens de prêter les numéros des trois meilleures années à Stéphane Bern en échange d'une petite culotte dérobée à la reine d'Angleterre.Autre question: tu aimes "Gala" ?![]()
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Au choix une baffe en pleine tronche ou le goudron et les plumes, parce que la franchement, c'est pas sauvable !gehenne a écrit :J'en sais rien, mais j'aurai probablement le droit à la même punition...Colqhoun a écrit :Si je dis que j'aime beaucoup le Jeanne d'Arc de Luc Besson (vu 2 fois au ciné le même week-end) et que j'ai jamais vu celui de Bresson, j'ai droit à quoi ?
Sinon rayon historique, je conseille "Le Pantalon" d'Yves Boisset qui s'intéresse à une sombre facette de la première guerre mondiale, les fusillés français par les français. Le scénar se veut proche de la vérité des faits, le résultat est poignant. C'est un drame, mais avant tout régit par les règles d'une époque et de fait je le mets en historique...
"Jude" de Winterbottom. Adapté d'un récit de Thomas Hardy, c'est encore un film qui s'attache aux règles d'une époque, à l'impossibilité en ces temps victoriens anglosaxons de vivre une vie différente que celle que l'on devait suivre. La mise à l'écart sociale résulte de la transgression, dictée seulement pas les us et coutumes d'une époque. La spirale dramatique est en place.
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C'est très intéressant. Une sorte d'approche socio-historique en somme ?kayman a écrit :"Jude" de Winterbottom. Adapté d'un récit de Thomas Hardy, c'est encore un film qui s'attache aux règles d'une époque, à l'impossibilité en ces temps victoriens anglosaxons de vivre une vie différente que celle que l'on devait suivre. La mise à l'écart sociale résulte de la transgression, dictée seulement pas les us et coutumes d'une époque. La spirale dramatique est en place.
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Si je suis obligé de choisir, je prends la baffe et laisse le goudron à Colqhoun.kayman a écrit :Au choix une baffe en pleine tronche ou le goudron et les plumes, parce que la franchement, c'est pas sauvable !
Mais j'assume totalement mon avis, j'apprécie beaucoup cet opus de Besson, qui a offert un spectacle convaincant, peut-être loin de tout reproche mais dont certaines décisions et quelques parties pris m'ont paru audacieux.
Ainsi, toujours et pourtant...
En partie mais en arrière-plan alors. Ou du moins cette approche socio-historique s'efface progressivement pour faire place à la réaction des personnages face aux contraintes sociales et morales de l'époque, à la souffrance tant physique que psychologique qu'ils endurent et à la relation amoureuse entre ces deux êtres qui vire à la tragédie la plus noire. C'est un film très bouleversant avec une Kate Winslet exceptionnelle.AlexRow a écrit :C'est très intéressant. Une sorte d'approche socio-historique en somme ?

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oui mais attention sous titres anglais non optionnelswano a écrit :En attendant une sortie de la Révolution Française, "Danton" de Wajda est disponible en Z2UK.

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Je m'en suis rendu comptekayman a écrit :oui mais attention sous titres anglais non optionnelswano a écrit :En attendant une sortie de la Révolution Française, "Danton" de Wajda est disponible en Z2UK.

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AlexRow a écrit :Merci pour ton soutien et à tous ceux qui participent à la réflexion.homerwell a écrit :Je découvre ce topic ce soir et je salue le travail.
Je ne l'ai pas encore vu mais le pitch est intéressant. N'hésite pas à développer.Pour ma part je pense à Capitaine Conan qui à travers l'histoire intime de soldats puis celle remarquable d'un régiment qui continue à se battre aprés l'armistice nous décrie la 1 ére guerre mondiale, bref, une façon de découvrir l'histoire par plusieurs petits bouts de lorgnettes.

J'ai eu l'impression d'en apprendre beaucoup, à travers ces histoires singulières, sur l'Histoire de la première guerre mondiale.
Pour se faire une petite série thématique, on peut ajouter le visionnage de "Les sentiers de la gloire" et de "Le pantalon" qui ont tous deux été déjà cité et on aura l'occasion de prendre 3 grosses claques cinématographiques et historiques.