Alcatel a écrit :Je viens de voir Pauline à la plage, qui m'a convaincu de me tenir définitivement écarté de "l'oeuvre" de Rohmer. J'ai jamais vu autant de non-cinéma.
Lorsque la précieuse ridicule jouée par Arielle Dombasle parle de "brûler des feux d'amour" tandis que Marion va s'asseoir sur la margelle d'un foyer éteint, l'image apporte un commentaire ironique et silencieux au dialogue. Il y a donc bien quelque chose à voir ; et ce n'est qu'un exemple.Alcatel a écrit :Franchement, y'a quoi à VOIR dans ce film ?
On peut être à côté et se contenter d'écouter des gens réciter le scénario, qui n'est même pas intéressant par lui-même. C'est comme si on me lisait un roman. Rohmer aurait mieux fait ainsi.
Le cinéma de Rohmer n'est pas plus bavard que celui de Scorsese, par exemple. Simplement, le dialogue n'y occupe pas la même fonction. Le verbe est action dans le cinéma américain (où il s'agit de convaincre, de se faire entendre, comme on tape du poing sur la table: "Listen to me ! Let me tell you something !"). Tandis que ce qui intéresse Rohmer, c'est au contraire la parole vaine, la non-coïncidence des mots et des actes, les pièges du langage, riches de lapsus et d'actes manqués, par lesquels les héros rohmériens s'abusent sur la réalité de leur désir: "Qui trop parole il se mesfait" (exergue de Pauline à la plage), mais aussi : "On ne saurait penser à rien" (sous-titre de la Femme de l'aviateur).
En outre, le "problème" du dialogue reçoit chez Rohmer (comme chez Mankiewicz) une solution visuelle : ses films reposent sur les décalages entre l'image et la parole, l'action et son commentaire, ce qui se voit et ce qui s'entend. Les quiproquos des Comédies et proverbes cristallisent autour d'une image trompeuse, source de méprise : le postier de la Femme de l'aviateur a vu sortir un homme de chez sa petite amie ; Octave a cru voir Rémi avec la meilleure amie de Louise (les Nuits de la pleine lune) ; Marion a aperçu une femme nue dans l'encadrement d'une fenêtre (Pauline à la plage) : tous les trois en tirent des conclusions erronées.